Electricité : Ca gaze pour REVICO

21 mai 2010

L’usine de traitement des vinasses charentaises utilise son bio-gaz excédentaire pour produire de l’électricité « verte », revendue au réseau EDF. Le déchet est non seulement dépollué mais aussi valorisé au plan énergétique. Une forme d’excellence environnementale.

revico.jpgLe 26 mars dernier, sur le site de Revico, à Saint-Laurent-de-Cognac, fut inaugurée une installation de production électrique issue de la méthanisation. Ce projet a bénéficié du concours financier de la Région Poitou-Charentes et de l’Ademe* via le Feder, le Fonds européen de développement régional. Sur un montant d’investissement d’1,65 million d’€, le projet a été aidé à hauteur de 400 000 €.

Quand, en 1984, furent installés les premiers méthaniseurs – pour le traitement anaérobie de la matière organique contenue dans les vinasses de distillation – Revico avait fait œuvre de pionnier. L’usine récidive aujourd’hui avec la co-génération (production simultanée d’électricité et de chaleur). Si Nicolas Pouillaude a piloté le dossier, Marcel Ménier, l’ancien directeur du site, comptait en bonne place parmi les invités et il ne fut pas le dernier à poser des questions très pointues aux ingénieurs chargés du process électrique. Car l’une des originalités du projet a été d’agréger des savoir-faire différents, dans des domaines à priori éloignés : savoir-faire autour du biogaz, savoir-faire autour de l’électricité. Aux côtés de Revico, fin connaisseur de la méthanisation, se sont retrouvés EDF Energies nouvelles pour la partie électrique ainsi que Verdesis, société spécialisée dans la production d’électricité à partir du biogaz. Ce cabinet d’ingénierie adossé à EDF a pu faire la synthèse des deux cultures. Un joint-venture a même été créé entre Revico et Verdesis, pour mutualiser les compétences : Revico énergies vertes. Marc Cordier, directeur de la distillerie de la Groie, fut le premier président de la structure. Le 26 mars, au nom de l’alternance, il a cédé sa place à Xavier Lombard, directeur de Verdesis. Ce dernier a parlé de « l’exemplarité » du projet. « L’énergie primaire récupérée sur le site de Revico n’est pas loin d’atteindre un rendement de 80 %. Il s’agit d’une référence complète, très aboutie. Je remercie encore Nicolas Pouillaude, ses équipes technique et comptable qui ont permis d’aller au bout du montage ainsi que le Conseil régional. »

réforme de l’ocm

L’élément déclencheur de la production d’électricité verte à partir des vinasses de distillation, il faut le chercher du côté de la réforme de l’OCM viti-vinicole. En supprimant à partir de 2008 la distillation obligatoire article 28, le règlement européen a condamné ou presque la distillation d’alcool vinique sur le site de Revico. Ne reste plus aujourd’hui que la distillation des lies de Cognac, qui ne porte pas sur des volumes immenses. Avant la réforme de l’OCM, le biogaz produit par les méthaniseurs servait non seulement à réchauffer les digesteurs, à alimenter en source d’énergie l’évapo-concentrateur de vinasses mais aussi à faire fonctionner les colonnes de distillation, via la chaudière de production de vapeur. Après la réforme, ce biogaz dégagé en excédent – environ 50 % du total – partait « réchauffer les oiseaux ». C’est ainsi qu’en janvier 2009, les Cognaçais purent voir une magnifique torchère s’élever au-dessus de Revico. Un gâchis énergétique et environnemental. D’où le projet mis sur pied par le management de l’usine. Sur quel process technique repose-t-il ? C’est tout simple… ou presque. On va se servir du pouvoir calorifique du biogaz pour le brûler dans des micro-turbines pas plus grosses que des moteurs d’avions. En seront tirées deux sources d’énergie : une énergie électrique et une énergie thermique. L’énergie électrique va être injectée sur le réseau de ville, afin d’alimenter l’équivalent de 800 foyers. L’énergie thermique, elle, va être récupérée. Grâce à un échangeur, elle va se transformer en eau chaude qui ira réchauffer les digesteurs ou l’évapo-concentrateur. Mais la partie la plus compliquée du process tient sans doute moins à la production d’électricité ou de chaleur qu’aux étapes préalables à cette production. Quand le biogaz arrive des digesteurs, il faut d’abord le refroidir et le débarrasser de ses impuretés, essentiellement du soufre (H2S) mais aussi des composés organiques résiduels. A cette fin, le biogaz va être « douché » dans une tour de lavage. Pour éliminer le soufre, on utilise de l’eau mélangée à de la soude. Cette eau chargée de soufre tourne en boucle dans le système. Le biogaz déshumidifié, affiné est ensuite comprimé. De 300 millibars, il passe à 5 bars et c’est à cette pression qu’il rentre dans les turbines. Le site de Revico compte 4 micro-turbines et l’emplacement d’une cinquième est prévu. Pourquoi avoir privilégié des micro-turbines à un gros moteur ? C’est pour s’adapter à la saisonnalité de l’activité. L’usine tourne à plein régime pendant cinq mois (de novembre à mars), puis connaît une décroissance de deux ou trois mois avant de s’interrompre complètement. Pour les ingénieurs, cette saisonnalité constituait un véritable défi. La modularité, ils l’ont obtenu grâce aux micro-turbines, qui s’arrêtent et redémarrent au gré des besoins. L’installation électrique est contrôlée à distance, pour s’assurer du rendement maximal. Sur les 800 kWh produits sur le site, 750 sont revendus à EDF et 50 kWh auto-consommés. Le temps de retour sur investissement a été estimé à huit ans.

un rôle précurseur

Présent lors de l’inauguration, Jacques Deschamps, directeur de l’Ademe Poitou-Charentes, a évoqué le rôle de précurseur joué par Revico dans cette opération. « Vous êtes totalement en phase avec la politique régionale. En 2009, l’Ademe et la Région ont mobilisé ensemble 27 millions d’€ sur deux fonds spécifiques, le fonds chaleur et le fonds déchets. Ici, nous sommes sur une combinaison des deux. » Il a salué la réactivité de l’entreprise, qui lui a permis de profiter de la « carotte » des aides. « En matière de politique environnementale – comme dans beaucoup d’autres domaines d’ailleurs – jouent la carotte et le bâton. La carotte aide à préparer ce qui deviendra demain une réglementation. C’est une bonne chose de pouvoir anticiper le mouvement en profitant des soutiens financiers. » Il a dit combien ce type de démarche participait à la dynamique du territoire. « La filière éolienne contribue déjà fortement à l’emploi mais la filière biomasse y contribue encore davantage. » Plus globalement, la production d’électricité « verte » rejoint les enjeux planétaires, tels que traduits en Europe par le « pack 3 x 20 » : 20 % d’économie d’énergie, 20 % d’énergies nouvelles, 20 % de diminution d’émission de gaz à effets de serre.
* L’Agence nationale de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Groupe EDF Energies nouvelles
Energies renouvelables : parmi les dix leaders mondiaux de la filière
Développement, construction, exploitation… Le groupe EDF Energies nouvelles est présent sur le créneau des énergies renouvelables en Europe, Etats-Unis, Canada et même au Mexique où il vient de démarrer une ferme éolienne. A son actif, il compte aujourd’hui 2 700 mégawatts d’installations, à 80 % tirés de l’éolien. A l’horizon 2012, il ambitionne 4 200 mégawatts, avec une part du solaire en hausse de 10 %, pour atteindre 500 mégawatts. En complément, viennent l’énergie obtenue à partir de la biomasse, l’hydraulique, l’éolien off shore, l’énergie issue des vagues… Dans l’Hexagone, l’énergie liée à la biomasse représente 7,7 millions de tep (tonnes équivalent pétrole). La Commission européenne attend de la France qu’elle double son objectif (15 millions de tep) en 2020. Même chose pour l’Espagne. Il faut savoir que l’Autriche, pays beaucoup plus petit que la France, dispose d’une capacité de traitement de la biomasse presque deux fois supérieure. Les centres de stockage de déchets verts, gérés par les collectivités locales, représentent des gisements importants. C’est le cas à Sainte-Sévère, près de Cognac.

Méthanisation
Au cœur du process
Avant de fabriquer de l’électricité renouvelable issue de la biomasse, il convient de produire du gaz combustible, le biogaz. C’est le processus physico-chimique de la méthanisation, que Nicolas Pouillaude ne se lasse pas de décrire, comme le faisait avant lui Marcel Ménier.
Avec ses quatre méthaniseurs d’une capacité totale de 18 900 m3, Revico est la plus grosse unité mondiale de méthanisation, en tout cas en terme de capacité réactionnelle. Elle n’est pas tout à fait la plus importante en terme de production, du fait de son activité saisonnière. Les premiers digesteurs installés à Saint-Laurent-de-Cognac le furent en 1984. La technologie de départ faisait traiter la biomasse (les vinasses de distillation) sur des supports de colonisation de bactéries. Le problème, c’est que ces supports se colmataient. Ainsi, l’usine en est-elle revenue à des pratiques plus rustiques mais cependant efficaces. La technique employée aujourd’hui porte le joli nom « d’infiniment mélangée ». Son rendement d’épuration est compris entre un et trois kilos de DCO*/m3/jour. Commentaires du directeur du site : « Ce n’est pas énorme mais facile à exploiter. » Les vinasses arrivent entre novembre et mars, la période de distillation charentaise. Réceptionnées dans des canaux, elles vont être stockées dans un premier bassin puis envoyées vers l’usine, où elles seront concentrées dans un évapo-concentrateur. Cet équipement, au financement duquel participa il y a quelques années la Région, a une double finalité : concentrer la matière organique et permettre de lisser dans le temps l’activité de l’usine. Car les bactéries ont l’habitude de « boulotter » de la matière organique à une concentration de 50 à 100 g de DCO/litre. Or les vinasses présentent une charge en matière organique d’environ 25 g/l, ce qui est à la fois beaucoup – par comparaison, la DCO d’un effluent ordinaire ne dépasse pas 600 à 700 mg/l soit 40 fois moins que les vinasses – et pas tout à fait assez pour nourrir correctement les bactéries. D’où l’évapo-concentrateur. Les vinasses fraîches pénètrent dans l’équipement au rythme de 3 x 25 m3/heure. Elles en ressortent concentrées. Après récupération de l’acide tartrique – une matière « précieuse », connaissant beaucoup d’utilisations – les vinasses partent vers les méthaniseurs. Elles vont y séjourner environ trois semaines, le temps que les bactéries fassent leur travail. Par un processus biologique de fermentation anaérobie (à l’abri de l’oxygène), les bactéries cassent en briques élémentaires le méthane (CH4) et le dioxyde carbone (CO2). Ce mélange méthane/CO2 (dans lequel se retrouvent également des quantités variables d’eau et de sulfure d’hydrogène [H2S]) constitue le biogaz. C’est ce gaz qui est doté d’un pouvoir calorifique. Jusqu’en 2008, tout le biogaz produit à Revico était brûlé dans la chaudière à vapeur. Cette époque « bénite » étant révolue, il a fallu chercher de nouveaux exutoires. Démarrait alors l’aventure de l’électricité produite à partir d’un déchet. Une lumineuse reconversion.

 

 

 

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