Exploiter toutes les voies préventives Pour résoudre le problème Cuivre

7 août 2009

Les œnologues de terrain qui assurent le suivi qualitatif des productions et des stocks de Pineaux détenus par les producteurs et l’ensemble des opérateurs sont confrontés à la problématique cuivre depuis quelques années. L’analyse qu’ils peuvent avoir sur ce dossier est souvent pertinente en raison de la diversité des situations auxquelles ils sont confrontés. Le témoignage de François Mornet, dont le laboratoire est installé à Boutenac-Touvent, est riche d’enseignements.

« Le Paysan Vigneron » – Le dosage du cuivre dans les Pineaux est-il devenu une pratique courante depuis quelques années ?

mornet.jpgFrançois Mornet – Depuis 2006, les principaux acheteurs de Pineaux en vrac dans la région font doser le cuivre de manière systématique. C’est devenu un critère analytique au moment des transactions et beaucoup de producteurs anticipent cette nouvelle exigence en le faisant doser au moment du bilan de post-mutage. Les vendeurs en bouteilles qui ne travaillent pas avec la grande distribution semblent moins sensibilisés par le problème cuivre. La recommandation OIV de 1 mg/l concerne le marché canadien et a aussi attiré l’attention de certains acheteurs de la grande distribution.

« L.P.V. » – Au sein des producteurs de Pineaux que vous suivez, avez-vous trouvé des échantillons qui extériorisaient le défaut « métallique » caractéristique ?

F.M. – Je n’ai jusqu’à présent jamais dégusté un échantillon de Pineau ayant des notes métalliques caractéristiques liées à une teneur en cuivre très élevée. C’est logique car les teneurs en cuivre courantes que l’on dose dans les diverses productions sont toujours inférieures à 5 mg/l. D’ailleurs, si ce type de défauts était courant, nos palais se seraient habitués à identifier cette saveur.

« L.P.V. » – Lors des millésimes 2007 et 2008, avez-vous observé des teneurs en cuivre plus importantes ?

F.M. – Les viticulteurs étaient dans l’obligation de protéger la végétation tard en saison, compte tenu de la pression exceptionnelle de mildiou. Aussi, il est logique que suite à des apports au vignoble de cuivre beaucoup plus importants, les teneurs dans les moûts soient plus élevées. Néanmoins, beaucoup de productions de Pineaux blancs en 2008 présentaient des teneurs en cuivre plus faibles qu’en 2007 alors que le nombre de traitements de fin de saison était identique. L’effet des pluies tardives doit provoquer un lessivage des raisins qui élimine une partie de ce composé. Sur certaines propriétés qui effectuent une localisation des traitements cupriques sur la partie supérieure du palissage, les teneurs en cuivre des moûts étaient nettement plus faibles que la moyenne même en 2007 et 2008.

« L.P.V. » – Lorsque des Pineaux présentent des teneurs en cuivre de 3 à 4 mg/l, quelles solutions préconisez-vous ?

F.M. – Mon devoir d’œnologue est toujours d’inciter les producteurs à privilégier les solutions préventives. En général, les variations de teneurs en cuivre dans un stock de Pineau sont importantes selon les années et les parcelles. L’utilisation de certains lots à plus faibles teneurs dans les assemblages est à mon sens le moyen le plus astucieux de gérer le problème. Notre priorité est d’élaborer des qualités commerciales les plus naturelles possibles. Dans 90 % des cas on y arrive. Les moyens curatifs d’éliminer le cuivre existent mais j’avoue que les utiliser correspond vraiment à la solution du dernier recours. Exploiter toutes les voies préventives est à mon sens une priorité. Le principal levier pour réduire les apports de cuivre dans les moûts est de maîtriser les applications de traitements cupriques de fin de saison.

« L.P.V. » – Observez-vous une concentration en cuivre nettement supérieure dans les Pineaux blancs ?

F.M. – Dans les Pineaux rosés, les teneurs en cuivre sont généralement divisées par deux par rapport aux blancs. L’effet contact des pellicules joue à plein lors des phases d’extraction de la couleur pour les rosés pour fixer le cuivre. Il se produit un phénomène d’absorption du cuivre par les pellicules. Les viticulteurs bio sont en général les plus inquiets par rapport à la problématique cuivre, mais je n’ai pas observé de problèmes particuliers sur leurs productions.

« L.P.V. » – Pourquoi ne pas envisager de réaliser des macérations pelliculaires au niveau de la production des moûts blancs ?

F.M. – L’intérêt de réaliser des macérations pelliculaires pour élaborer des moûts blancs destinés à la production de Pineau blanc est assez limité. Sur le plan aromatique, la mise en œuvre de macération pelliculaire sur de l’Ugni blanc, des Colombard et même des Sauvignon n’apportera rien sur le plan aromatique car, durant cette phase, il se produit une extraction de précurseurs d’arômes qui se transforment en arômes véritables de cépage au cours de la fermentation alcoolique. Or pour le Pineau, le mutage intervient avant la fermentation et la typicité aromatique perçue dans les moûts de Colombard ou de Sauvignon disparaît très rapidement au cours des premiers mois de vieillissement. D’ailleurs, les expérimentations conduites sur les différents cépages par le Syndicat du Pineau il y a quelques années avaient déjà mis en évidence le caractère très fugace des arômes de cépage perçus sur les moûts. Au bout d’une année de vieillissement, ils avaient disparu. Par contre, l’effet cépage est beaucoup plus perceptible au niveau de la structure physico-chimique des Pineaux et tout particulièrement au niveau des équilibres sucres/acidités.

« L.P.V. » – En dehors des aspects aromatiques, les macérations pelliculaires peuvent donc présenter un intérêt en blanc ?

F.M. – Au regard du cuivre, les macérations pelliculaires sont déjà efficaces mais est-ce suffisant pour systématiser cette pratique. Je n’en suis pas sur car c’est une technique assez lourde à mettre en œuvre. Je pense qu’elle pourrait présenter un intérêt sur un cépage comme le Colombard dont les niveaux d’acidités plus élevés posent des problèmes à certains producteurs. Au cours de la macération, il se produit une désacidification naturelle des moûts non négligeable dont on pourrait tirer profit avec le Colombard. Ce serait un moyen de limiter l’extériorisation des saveurs d’agressivité liées à des niveaux d’acidité plus élevés sur les Pineaux jeunes. La perception de ces notes aromatiques s’estompe au cours du vieillissement mais cela demande du temps. En réalisant des macérations pelliculaires, on pourrait avoir des Pineaux jeunes plus souples qui évolueraient ensuite plus rapidement lors du vieillissement. Cette stratégie me paraît envisageable dans les propriétés qui élaborent déjà des Pineaux suffisamment acides pour assurer la stabilité biologique. Dans le cas contraire, l’élaboration de Pineaux blancs plus acides est toujours intéressante pour les utiliser comme lot médecin au moment des assemblages.

« L.P.V. » – La mise en œuvre des macérations pelliculaires nécessite-elle des précautions particulières ?

F.M. – La première précaution consiste à évaluer si les caractéristiques de la vendange permettent ou pas de réaliser cette intervention. L’état sanitaire doit être parfait et la température de la vendange ne doit pas dépasser 15 °C. Le facteur température est important pour pouvoir réaliser ensuite un débourbage complet. Si ces conditions sont réunies, la macération pelliculaire peut être envisagée en ayant pris le soin de pratiquer un éraflage total de la vendange. Un sulfitage à la dose de 2 à 4 g/l est bien sûr indispensable pour empêcher le développement des levures. La durée de macération ne doit pas excéder 6 à 8 heures.

A lire aussi

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

C'est un constat qui a fait le tour des médias, sportifs ou non: l'US Cognac va très mal. Malgré les efforts de Jean-Charles Vicard pour tenter de redresser la barre, le club se retrouve dans une difficile situation financière.  La direction a de fait décidé d'envoyer...

error: Ce contenu est protégé