Ce qu’Ils Ont Retenu De 2004

14 mars 2009

Les débuts d’années se prêtent aux flash-back. En voilà un très informel, juste un coup d’œil par dessus l’épaule, de la part de quelques figures de la « scène charentaise » : le viticulteur, le négociant, le syndicaliste… Une typologie non exhaustive, qu’il eut été intéressant d’étendre à bien d’autres catégories. A tous, nous avons posé la même question : « que retenez-vous de l’année 2004 ? » Ils y ont répondu dans l’instant, au débotté, avec la franchise que confère la spontanéité.

Viticulteur – « Rien, rien du tout, elle est passée. Je ne regarde pas derrière moi. J’ai beau réfléchir, je ne vois pas. Ce fut comme d’habitude. Pas mieux. On pourrait peut-être dire quand même que 2004 marque le début de l’espoir. Le Cognac reprend un peu. L’année 2004 m’a semblé représenter un petit tournant dans la crise. Les ventes augmentent, le stock diminue, toutes choses dont on peut espérer tirer quelques miettes. Ce qui m’a marqué, sincèrement, ce fut le changement de structure de mon exploitation. Cela m’a occupé la tête – et les jambes – toute l’année. Sinon, il y a eu l’application du rendement agronomique qui, pour la première fois, nous a touchés réellement. Si une petite récolte s’annonce en 2005, nous nous souviendrons de 2004 comme l’année de tous les gaspillages, de toutes les aberrations. La PAC génère aussi beaucoup d’inquiétudes. Même si l’on est pas encore dedans, le basculement s’est opéré en 2004. Cela va changer beaucoup de choses en terme de revenus, d’organisation, de choix. »

Négociant – « Pour moi, l’événement le plus marquant reste le fantastique résultat des ventes de Cognac. Une progression de 6 % des sorties en fin d’année représente un chiffre extraordinaire pour le Cognac, surtout dans le contexte politico-économique de ces dernières années. Cette hausse est d’autant plus remarquable qu’elle concerne aussi de nouveaux marchés, comme les pays de l’Est ou l’Asie, et qu’un frémissement se fait également sentir sur les qualités VSOP et supérieures. Cela signifie que le redéploiement est possible sur des marchés un peu dépressifs. Si une maison en tire davantage les fruits, tout le monde en profite. L’élément négatif tient bien sûr à la chute du dollar qui ne favorise pas nos résultats économiques mais nous savons que le cours de la monnaie américaine obéit à des cycles, avec des hauts et des bas. A titre personnel, je retiendrai de 2004 la tragédie de la fin d’année en Asie du Sud-Est. »

Syndicaliste viticole – « L’année 2004 m’inspire un sentiment mitigé. A la fois j’ai l’impression que nous n’avons pas avancé assez vite et cela me fait mal. D’un autre côté je me dis que dans cette région, quand on va trop vite, on est sûr de mal faire. A piétiner un peu, peut-être bâtit-on quelque chose de plus solide. En tant que syndicalistes viticoles, 2004 nous a sans doute appris à garder confiance en nous-mêmes. Le rendement agronomique à 120 hl vol. semblait gravé dans le marbre et pourtant nous avons obtenu 130. Sur le niveau de QNV Cognac, il paraissait sûr que le négoce l’emportât haut la main et finalement ce ne fut pas le cas. Il faut croire dans notre action. Tout n’est peut-être pas aussi noir que nous le considérons parfois. Ceci étant, 2004 ne m’apparaît pas comme une grande année même si les principales orientations furent confirmées, sans remise en cause. Certains ont bien essayé de tirer en arrière mais leur initiative me semble relever plus du symbole que du mouvement de fond. »

Représentant des pouvoirs publics – « 2004 fut une année en grande partie désespérante sur le dossier Cognac. Pendant de nombreux mois a prévalu une sorte de climat délétère. Et puis en fin d’année, une nouvelle dynamique s’est instaurée, comme si certaines vérités remontaient à la surface. La tentative de diabolisation de l’INAO, notamment, n’a pas résisté à l’épreuve des faits. On s’est aperçu qu’il n’était pas si terrible de réécrire un décret AOC. Les viticulteurs ont su garder le cap malgré la tempête et certaines maisons clés ont peut-être fait passer des signes de meilleure volonté. La bonne tenue des ventes de Cognac et l’environnement viticole général n’y furent sans doute pas étrangers. Ceux qui s’accrochent au passé ont vu qu’il y avait pire ailleurs. »

Président d’OPA – « Spontanément, je retiendrais deux choses. D’abord que l’augmentation des ventes de Cognac, malgré la baisse du dollar, représente une bonne nouvelle. Les prix payés aux viticulteurs ont tendance à se raffermir sinon à augmenter. Le deuxième point a trait à la pesanteur incessante de la réglementation : mise en place de la nouvelle PAC, conditionnalité des aides, gestion des zones vulnérables, HACCP… Une pluie, que dis-je, une grêle de règles s’abat sur les agriculteurs. Oui, je suis très inquiet. Tout cela demande beaucoup d’efforts d’adaptation, de coûts, de formations pour des agriculteurs et viticulteurs déjà très sollicités sur leurs exploitations. »

Opérateur vin – « Que m’inspire l’année 2004 ? La fureur des éléments et le drame humanitaire que nous venons de vivre me font dire qu’à côté, nos petits malheurs ne sont pas grand-chose. Au plan professionnel, j’ai l’impression que la région délimitée a du mal à gérer son avenir. Les décisions sont régulièrement remises en cause, comme si l’on avançait d’un pas pour reculer de trois. Et pourtant le régime actuel me semble arriver au bout du rouleau. La grosse récolte 2004 le démontre à l’envi. Faire du vin en augmentant la QNV Cognac, c’est donner aux gens le sentiment d’accéder au marché du Cognac. Les deux systèmes se neutralisent. La filière vin réclame le changement. Y arrivera-t-on ? C’est un vaste sujet. En ce qui concerne les transactions, on se rend compte que les prix très élevés de l’an dernier, associés aux petits volumes, ont détourné les acheteurs du marché des vins blancs français (marché sur lequel les Charentes occupent une place importante). Les opérateurs sont partis à l’étranger et notamment en Espagne où les vins s’affichent à moitié prix. Nous devons les reconquérir. Il y a là un challenge à remporter. Les autres années, à pareille époque, tous nos vins étaient vendus. Après deux mois très très difficiles, où rien ne se passait, les affaires reprennent un peu. La crise des AOC ne nous réjouit pas, surtout quand elle concerne des mastodontes tel Bordeaux. Existent toujours des tentations de repli et une concurrence sur les prix. Les marchés sont poreux. Quel vignoble peut prétendre n’avoir jamais subi de crise, ne s’être jamais trompé ? Et ce n’est pas le fait de rester ancrer dans un système, fût-il mauvais, qui peut immuniser une région.

Intermédiaire – « Le premier élément très positif de cette année 2004 concerne la forte progression des ventes de Cognac. L’élément contradictoire tient à ce que, finalement, la viticulture soit toujours aussi morose, malgré ces bons résultats. Même si les cours ont remonté sur le second marché, globalement, les prix départ viticulture ne sont pas plus élevés qu’il y a quinze ans. Quelque part, le négoce a retrouvé un niveau de vente satisfaisant alors que la viticulture va toujours aussi mal. D’où la démotivation complète de certains viticulteurs. Ce qui me frappe aussi, c’est le décalage entre l’équilibre de la production et des sorties et le tassement des prix. L’an dernier, la distillation de la récolte 2003, de 452 000 h AP, était en parfaite adéquation avec les besoins. Malgré cela, nous avons vu fleurir durant l’été 2004 des transactions en dessous des prix de février. A mon avis l’explication tient à la difficulté des opérateurs à porter leurs stocks. La banque refuse de financer les eaux-de-vie hors contrat. Pour faire tourner leurs exploitations, des viticulteurs se voient contraints de brader leur marchandise. Ma crainte, c’est que cette inadéquation entre moyen et court terme, qui s’est manifestée en 2004, se révèle encore pire en 2005, alors que l’on parle d’une distillation de 500 à 520 000 hl AP. Dans ces conditions, pourrons-nous échapper à la “guerre” de la QNV, entre des négociants qui argueront de la progression de leurs ventes et des viticulteurs qui mettront en exergue la faiblesse des prix ? En sachant que dans cette histoire, tout le monde aura tort et raison. »

A lire aussi

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

L’appel à l’aide de l’US Cognac Rugby

C'est un constat qui a fait le tour des médias, sportifs ou non: l'US Cognac va très mal. Malgré les efforts de Jean-Charles Vicard pour tenter de redresser la barre, le club se retrouve dans une difficile situation financière.  La direction a de fait décidé d'envoyer...

error: Ce contenu est protégé