Le réchauffement climatique bouleverse le monde viticole. Hausse des températures, épisodes extrêmes, stress hydrique ou encore pression accrue sur les équilibres naturels contraignent les vignerons à repenser leurs pratiques. Face à ces défis, certains domaines s’imposent comme des pionniers d’une viticulture d’adaptation, voire de régénération. Leur point commun : faire du respect du vivant et de la résilience écologique le socle d’une nouvelle manière de cultiver et de vinifier.

Une génération qui conjugue terroir et conscience écologique

À Castillon et Saint-Cibard, Jan et Florian Thienpont incarnent cette génération. Leur vision de la vigne s’inspire de leur enfance au cœur d’une agriculture diversifiée. Au Château Robin et au Clos Fontaine, ils bannissent désherbants et insecticides, replantent des haies, favorisent la biodiversité et innovent avec la « vitipoule », une caravane de poules pondeuses qui fertilisent naturellement les sols. Leur choix de cépages, la pratique du dry farming et des vendanges manuelles témoignent d’une approche paysanne sobre, respectueuse des équilibres.

La biodynamie comme école de patience

Depuis plus de vingt ans, Vincent Couche, vigneron champenois et bourguignon, repousse les limites de la biodynamie. Il replante des cépages rares, adapte la taille aux cycles naturels, vendange à pleine maturité et élabore des champagnes sans intrants ni dosage. Ses choix audacieux, comme la vinification sans soufre, reposent sur une vie microbienne riche et une rigueur exemplaire. Son vignoble devient ainsi un laboratoire vivant de biodiversité, avec arbres fruitiers, brebis et corridors écologiques.

Régénérer plutôt que réagir

Dans le Gard, Michel et Isabel Gassier ont fait du Château de Nages le premier vignoble français certifié en agriculture régénérative. Leur objectif : renforcer la vie du sol et la capacité des vignes à stocker l’eau. En 2023, déjà 24 % des terres sont dédiées à la biodiversité. Ici, l’adaptation ne se limite pas aux pratiques culturales : elle s’étend aux dimensions sociales, avec logements climatisés pour les saisonniers, bourses étudiantes et partage de la valeur. Une viticulture qui réinvente aussi le lien humain.

Le microclimat comme allié

Dans le Haut-Minervois, le Château Coupe-Roses bénéficie de son altitude pour tempérer les effets du réchauffement. Sarah et Mathias, la nouvelle génération, conjuguent tradition et innovation : enherbement naturel, traitements à base de plantes, tailles légères pour protéger les grappes. Leur vinification minimaliste, sans intrants, avec levures indigènes,  reflète une quête d’authenticité. Ils vont plus loin en replantant des cépages anciens et résistants, renouant avec une diversité génétique précieuse.

Entre Camargue et Cévennes, l’innovation au service du climat

Au Château Beaubois, Fanny et François Boyer, quatrième génération, allient terroir méditerranéen et engagement environnemental. Bio, biodynamiques et adeptes de l’agroforesterie, ils adaptent vendanges et vinifications aux chaleurs estivales. Leur initiative la plus innovante ? Le réemploi des bouteilles grâce à un partenariat avec Oc’Consigne, réduisant drastiquement les émissions de CO₂ et la consommation d’eau. Un geste concret, rare en France, mais exemplaire dans la lutte contre l’empreinte carbone.

Une viticulture en mutation

Partout, un même fil conducteur émerge : la volonté de produire des vins fidèles à leur terroir, tout en respectant la nature et en anticipant les défis du climat. Ces domaines montrent qu’au-delà de la réaction, il s’agit désormais de régénérer : sols, biodiversité, écosystèmes et même le lien social.

Si le vin est souvent considéré comme un produit de culture et de civilisation, il devient aussi le reflet d’un engagement face à l’urgence climatique. Plus qu’une adaptation, c’est une redéfinition de la viticulture qui se joue aujourd’hui, où chaque geste à la vigne et au chai prend valeur de témoignage.

source: Agence Christine Jaussan & Co