« Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité, et ils ne voient la nécessité que dans la crise »

24 juillet 2025

La Rédaction

Cette citation, extraite des Mémoires, de Jean Monnet, résonne peut-être davantage ici qu’ailleurs… A l’heure où nous bouclons ces lignes, bonne ou mauvaise nouvelle, le vignoble présente un état sanitaire globalement satisfaisant. L’ugni blanc a profité d’un printemps sans excès suivi de pluies salvatrices et abondantes au 19 juillet, qui ont permis la reconstitution de réserves au moins jusqu’à la mi-août. La fermeture des grappes est en voie d’achèvement sur la majorité des parcelles, et les premiers signes de véraison sont observés dans les secteurs les plus précoces. À ce stade, aucune perte de précocité n’est d’ailleurs signalée. Alors que la prochaine quinzaine s’annonce favorable avec des températures modérées, les prévisions météo restent incertaines au-delà de cette échéance. Le comportement de la vigne demeure difficile à anticiper en cas de fortes chaleurs, tant leurs effets peuvent modifier brutalement le rythme de maturité. Quant au potentiel de production, les estimations de rendement dépassent les 7,65 hl AP/ha dans plusieurs zones de l’appellation. Evidemment, il est encore trop tôt pour se prononcer avec certitude et la vérité sera révélée dans les chais au moment des vendanges.

Ainsi et si tout suit (presque) paisiblement son cours à la vigne, c’est le casse-tête des affectations qui sème par ailleurs la pagaille dans les têtes et dans les bureaux, devant l’écran et face à l’échéance des affectations cognac arrivant à son terme. Au 21 juillet, environ deux tiers des hectares vin blanc cognac avaient été affectés à l’appellation cognac pour un peu plus de 1 000 hectares aux VSIG autres débouchés. Un chiffre en deçà des prévisions, bien qu’en progression constante depuis le début du mois. Si les projections laissent penser que 4 000 à 5 000 hectares pourraient être affectés aux VSIG in fine, rien ne garantit que ce chiffre soit atteint. Sur ces hectares toutefois, la production pourrait être belle. Sur ceux affectés au cognac aussi, nécessitant anticipation et planification dans la gestion des volumes : les meilleurs au cognac, les autres au-dessus du rendement à ne pas vinifier et à soufrer pour pouvoir être envoyés aux excédents jus de raisin. Pour les hectares VSIG, c’est la vigne qui aura le dernier mot pour un rendement qui devra, pour rappel, être cohérent avec les rendements à l’échelle de l’exploitation. Derrière ces ajustements, un autre élément se dessine, méritant qu’on y prête attention. Certaines surfaces, affectées au cognac, sont aujourd’hui et pour diverses raisons en dehors des circuits de contractualisation. Entre 8 000 et 10 000 hectares sans débouché identifié qui, en l’absence de contractualisation, viendront alimenter le marché libre et posent en filigrane la question plus globale du dimensionnement actuel de l’aire d’appellation.

Dans ce contexte morose, le spectre d’un plan d’arrachage définitif se dessine ainsi de plus en plus, l’idée ayant d’ailleurs été officiellement annoncée par l’UGVC en juillet. Pour autant, rien n’est acquis à date. Si le syndicat insiste déjà sur le caractère décent des primes qui devront être accordées, le principe même d’un plan n’est pas encore acté au niveau des instances de la filière. Pour certains négociants, il ne saurait être question de soutenir un dispositif d’arrachage aidé, a fortiori au moyen d’une cotisation volontaire obligatoire (CVO), tant qu’aucune réponse concrète n’aura été apportée sur la question des stocks, aujourd’hui très majoritairement portés par ces derniers. Cette position s’appuie sur une logique économique : financer une baisse du potentiel de production sans traiter les volumes déjà accumulés reviendrait à déplacer le problème sans le résoudre. Co garanties bancaires entre l’Etat et les banques pour aider au portage du stock, soutiens à la commercialisation, etc. sont des exemples de mesures attendues et constituant un préalable nécessaire à l’évocation d’une réduction structurelle du vignoble, collectivement portée par la filière Cognac et tendant à lui redonner du souffle.

Car sur les marchés non plus, la situation n’est pas satisfaisante à court terme. Au-delà même de la crainte des taxes aux USA (30 % aujourd’hui, mais qu’en sera-t-il le mois prochain ?) et des prix minimaux désormais appliqués en Chine, c’est la consommation elle-même qui peine à redémarrer. Aux États-Unis, les importateurs et distributeurs ont le pied sur le frein. Inquiets de l’instabilité politique et des menaces tarifaires, ils hésitent à investir et à reconstituer des stocks. Dans ce contexte déjà pesant, un relèvement de 30 % des droits de douane soulève la vive inquiétude des opérateurs : évidemment trop élevés pour être absorbés par la filière, ces 30 % le seront-ils suffisamment pour déclencher une véritable réaction de Bruxelles ?

En Chine, la situation n’est guère plus encourageante. Les prix minimaux, récemment imposés, pèsent sur les structures. Et surtout, la consommation reste faible, durablement affectée par un contexte économique local tendu et un climat de déflation. Malgré quelques signaux positifs – comme un effet de rattrapage ponctuel possible sur les expéditions à venir – le marché ne semble pas encore redémarrer. L’issue des discussions avec les États-Unis comme l’activité sur le marché chinois conditionneront largement les échanges à la rentrée.

A l’aube d’un répit de quelques jours bien mérité au mois d’août, offert à tous (nous l’espérons), et malgré la promesse d’une rentrée déjà (trop) dense, Le Paysan Vigneron souhaite à tous un repos estival autant récupérateur que salvateur. Nous en ferons de même !

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