Les « Bonnes Pratiques Écossaises »

11 mars 2009

photo_19.jpgC’est en 1494, en Écosse, qu’est mentionnée pour la première fois dans l’Exchequer Rolls (le budget des finances) une eau-de-vie distillée à partir d’orge, le « uisky », devenu très vite Whisky. L’élaboration de l’eau-de-vie de malt (ou de grain) répond à des règles et à des savoir-faire bien précis. A l’Université des eaux-de-vie de Segonzac, Jean-Luc Braud (1) anime une présentation sur le Whisky. A Paris, la Maison du Whisky (2) constitue un autre lieu ressource pour une meilleure connaissance du spiritueux.

 

 

 

Les Whiskies se partagent en deux grandes familles de produits : les Blends et les Single malt. Les Single malt sont des Whiskies provenant d’une seule distillerie et élaborés à partir de 100 % d’orge maltée. Appartiennent à cette catégorie de produits les Macallan, Bowmore, Talisker, Four Roses, Glenlivet… Les Blends de type Johnny Walker, Chivas regal, sont un mélange de deux alcools : un alcool de grain(à partir de seigle, avoine, maïs…), dans lequel sont incorporés un ou plusieurs Single malt (jusqu’à une cinquantaine pour certains Blends). L’alcool de grain est distillé à 94,8 % vol. dans une distillerie à colonne à plateaux en continu. A l’inverse, les Single malt sont distillés entre 65 et 70 % vol. dans des alambics en cuivre dont la forme (col de cygne) n’est pas sans rappeler les alambics charentais. Comme pour le Cognac, la distillation du Whisky de malt est une distillation de repasse (deux voire trois chauffes) mais s’effectue en deux alambics (ou pot still). Le premier, appelé « wash still » ou « singling still », produit un distillat appelé « flegme » (low wines). L’équivalent du « brouillis » est alors dirigé vers le second alambic, le « spint still » ou « doubling still ». Dans les années 1880, fut mise au point une méthode de chauffage indirect par le biais d’une bobine ou d’une plaque chauffée à la vapeur, placée directement à l’intérieur de l’alambic. Ce système s’est rapidement généralisé. Quelques alambics sont toutefois encore chauffés directement au charbon ou au gaz.

photo_19_1.jpgUne fois réduite et mise en fût, l’eau-de-vie de malt ou de grain rejoint le « ware house », le chai de vieillissement. Un minimum légal de vieillissement de 3 ans est exigé pour que cette eau-de-vie ait droit à la dénomination Whisky. C’est écrit dans le règlement européen 1576/89 sur les spiritueux. Le même texte précise que le Whisky, pendant ce délai d’au moins trois ans, doit vieillir dans des fûts en bois (il est dit bois et non chêne) d’une capacité inférieure ou égale à 700 l. A titre de comparaison, le même règlement européen prévoit pour les eaux-de-vie de vin (dont font partie les eaux-de-vie de Cognac) et les brandies, un minimum légal de vieillissement d’un an en récipient de chêne d’un volume supérieur à 1 000 l (six mois si les fûts de chêne sont d’un volume inférieur à 1 000 l). Ceci étant, pour les eaux-de-vie d’AOC française comme le Cognac et l’Armagnac ainsi que pour le Calvados, ce minimum légal de vieillissement est portée au compte 2.

Pour stocker leurs eaux-de-vie, les Anglais ont l’habitude d’acheter des fûts ayant déjà servi à loger d’autres produits, tels le Bourbon américain (fûts très brûlés), le Madère, le Sherry, le Porto… L’idée consiste à capter les arômes des vins ou des alcools déjà passés sous bois (la typicité du Whisky ne réclame pas des eaux-de-vie très charpentées ni très boisées). Des distilleries vont jusqu’à faire vieillir leurs whiskies dans trois fûts différents (triple casses). Dans leurs stratégies de différenciation, d’autres distilleries vont jouer sur le maltage (germination de l’orge), le degré de séchage du malt, le taux de tourbe (tourbe plus ou moins iodée) employé pour le séchage du malt.

Là où le maître de chai cognaçais assemble des eaux-de-vie d’âges et de crus différents mais distillées de la même façon et logées dans un même type de fûts (chêne rouvre ou pédonculé), son homologue écossais va pouvoir pianoter sur des « types » d’eaux-de-vie, issues de process de fabrication différents. D’où une gamme de possibilités étendue, que les Whiskies savent parfaitement exploiter pour se démarquer les uns des autres.

La « preuve » de l’Âge

photo_192.jpg8, 10, 12, 15, 18, 21, 25 ans d’âge… Les Whiskies sont connus pour afficher « en clair » leurs âges sur les étiquettes. Conformément au règlement européen, cette indication d’âge correspond au Whisky le plus jeune rentrant dans l’assemblage. Il n’y a pas d’ambiguïté là-dessus. Mais dans la pratique, à quel contrôle les opérateurs se plient-ils pour apporter la preuve de ce qu’ils avancent ? Cette question vaut non seulement pour aujourd’hui mais aussi pour le passé. Renseignements pris auprès de la Scotch Whisky Association (SWA) à Edimbourg, en Ecosse, la présence d’un officier des Douanes dans les « ware houses », les chais, a disparu depuis les années 80. Au contrôle physique et permanent s’est substitué un système de comptabilité et de traçabilité, système qui n’est pas laissé à l’initiative des entreprises mais qui s’impose à elles. Des contrôles du service des Douanes existent pour s’assurer que les enregistrements sont bien réalisés. A priori, la technique du « ouillage » – compensation de la perte de volume – n’est pas une pratique utilisée par les Whiskies, pratique qui dit-on en Ecosse « rendrait la traçabilité plus difficile ». Plus généralement, l’itinéraire technique des Whiskies semble se plier mieux à la traçabilité que celui du Cognac. Si un Whisky de 12 ans d’âge peut contenir des eaux-de-vie plus vieilles, l’usage est plutôt de n’avoir que des eaux-de-vie de 12 ans d’âge dans la bouteille. De même, si les mélanges d’origine existent et sont même assez développés parmi les Blends, ils sont à peu près toujours les mêmes. De par sa nature, le Whisky développe une approche plus industrielle et donc plus reproductive que les Cognacs. En ce sens son suivi en est facilité. A noter que la Scotch Whisky Association, contrairement au BNIC, n’exerce aucun rôle réglementaire à l’égard de ses membres.

Et si vous allez en Écosse, gardez-vous d’acheter un Whisky sur place. Vous le payeriez 100 F plus cher qu’en France, pour la bonne et simple raison que les alcools sont bien plus taxés en Grande-Bretagne qu’en France.

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