Passage à l’IGP

27 juin 2009

Réunis à l’assemblée générale du syndicat le 19 février 2009, les producteurs de Vins de pays charentais ont voté à l’unanimité le passage de leur vin à l’IGP (Indication géographique protégée). Dans la nouvelle segmentation issue de la réforme de l’OCM vin, les Vins de pays charentais rejoignent donc la grande catégorie des vins à IG, l’autre catégorie étant celle des vins sans IG. De ce changement découle une série de conséquences, présentées au cours de la réunion.

 

vdp_3_opt.jpegAvaient-ils le choix ? Pas vraiment. Ne pas passer à l’IGP, c’était tomber dans le grand bain des vins sans suivi (autre que celui des Fraudes) ni possibilité de garder le lien au terroir. A partir de là, la question ne se posait pas vraiment. Le changement réglementaire prendra effet le 1er août 2009 mais les producteurs de Vins de pays de France et de Navarre disposeront de deux ans et demi – jusqu’au 31 décembre 2011 – pour finaliser leur entrée dans le nouveau système. Cette nouvelle segmentation des vins découle directement de la réforme de l’OCM vitivinicole mise en place en 2008. Dans l’ancienne OCM, existaient deux grandes catégories de vin : la catégorie des VQPRD, composés des AOC et des AOCVDQS, et la catégorie des vins de table, à l’intérieur de laquelle se trouvaient les Vins de pays, qualifiés parfois de « vins de table à IG ». Le 1er août 2009, la segmentation européenne applicable à l’ensemble des Etats membres retiendra deux nouvelles catégories : la catégorie des vins à IG (indication géographique) et la catégorie des vins sans IG. Dans la première catégorie figureront les AOP (ou AOC en France) et les vins à IGP, autrement dit les Vins de pays actuels. Dans la seconde catégorie, les vins sans IG se verront dispenser d’à peu près toutes contraintes.

A travers cette nouvelle segmentation, quels buts poursuit l’Europe ? Théoriquement, il s’agirait de faire parler d’une même langue tous les Etats membres viticoles (Espagne, Italie, France…) mais aussi d’harmoniser les signes de qualité avec les autres filières agricoles. Serait-ce dans la perspective d’une OCM unique ? Il n’est pas interdit de le penser. La Commission européenne met en avant un autre objectif, celui du renforcement de la protection des AOP et des IGP. En effet, l’adoption de sigles communs à toutes les filières permettra sans doute de peser d’un poids supérieur au sein des accords ADPIC de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), accords ADPIC (Accords sur les aspects de droit de propriété intellectuelle) qui, comme le sigle le laisse entendre, ont trait à la protection de la propriété intellectuelle. Bien sûr, la dimension marchande n’est pas non plus absente de la démarche. Pour justifier sa nouvelle segmentation, la Commission européenne a toujours soutenu que la reconquête des marchés passerait aussi par un étiquetage plus simple et plus clair, permettant aux consommateurs européens et des pays tiers de mieux s’y retrouver dans la segmentation des produits. Pourtant la Confédération française des vins de pays (CFVDP), présidée par Michel Servage, président des Caves coopératives de l’Aude, doute de la clarification de l’offre par la nouvelle segmentation. « La Commission n’a initié cette réforme que dans un seul but, simplifier sa vie à elle. Jusqu’à maintenant, parmi les signes de qualité, la viticulture jouissait d’un régime spécifique. Désormais elle se fond dans le régime général agro-alimentaire des AOP/IGP. C’est le premier pas vers l’OCM unique de 2013. » La CFVDP pointe même du doigt des risques de confusion supplémentaires avec, par exemple, l’autorisation conférée aux vins sans IG d’indiquer le cépage. Auparavant, seuls les vins à IG (vins de pays, AOC) bénéficiaient de cette latitude.

assises_barnier_3_opt.jpegAop, le « top » ?

Dans la catégorie des vins à Indication géographique, la famille des AOP (AOC en France) représentera-t-elle le « top » tandis que celle des IGP (les vins de pays) ferait figure de parent pauvre ? Patrick Lizée, directeur de Viniflhor Bordeaux, présent à l’AG du Syndicat des vins de pays charentais, a dénié toute valeur hiérarchique à la classification. « Un vin sous AOP n’est ni mieux ni moins bien qu’un vin à IGP. Il supporte simplement un maximum de contraintes alors qu’un vin à IGP dispose d’un peu plus de liberté et, parfois, de pratiques œnologiques différentes. Cela relève d’un strict choix professionnel. » Par contre, P. Lizée a indiqué qu’il existerait davantage de passerelles entre les deux vins. « Un vin à IGP pourra devenir AOP et inversement. Même si le sujet est encore tabou, on peut penser que des horizons nouveaux vont s’ouvrir à certaines appellations, des verrous vont sauter. La segmentation produit doit aussi se caler sur une segmentation marché. »

Parmi les conséquences de la nouvelle segmentation, il y en a une qui n’a échappé à personne. Désormais, c’est l’INAO et non plus Viniflhor (prochainement FranceAgriMer) qui va être l’organisme de tutelle des vins à IGP (les anciens vins de pays). C’est logique dans la mesure où l’INAO a vocation à chapeauter tous les produit sous signes de qualité, des AOC aux IGP en passant par les labels rouges, STG (Spécialités traditionnelles garanties), Agriculture bio. Laurence Guillard, aujourd’hui directrice de l’unité territoriale INAO du Centre-Ouest (dont dépend la région charentaise), s’est voulue rassurante sur la portée de la mutation. « Le souhait des pouvoirs publics, de Viniflhor, de l’INAO est que le basculement dans le nouveau système se fasse le plus simplement possible, de la manière la moins tracassière et la plus fluide, sachant que la date ultime de finalisation n’est que dans deux ans et demi. « Sur le fond, cela ne change pas grand-chose » a t-elle rajouté. Bien sûr, dès aujourd’hui, le décret de production des Vins de pays charentais va se muer en cahier des charges, pour s’adapter à la loi de modernisation de l’agriculture portant réforme de l’INAO mais ce changement revêtira un côté « jeu d’écriture » totalement transparent pour le producteur. De même, un ODG (organisme de défense et de gestion) des Vins de pays charentais va devoir se mettre en place, comme pour tout signe officiel de qualité. Cependant, au niveau national, il est dit que tout syndicat de producteurs sera reconnu ODG jusqu’au 31 décembre 2011, sachant qu’au-delà de cette date, ses statuts pourront éventuellement évoluer. D’ores et déjà, adhèrent au Syndicat des producteurs de Vins de pays charentais les producteurs, coopératives et négociants-vinificateurs, une composition dans le droit fil de l’esprit des ODG. Le volet « Plan de contrôle et d’inspection » constitue sans doute le point le plus névralgique, puisqu’il touche à l’habilitation de vendre des produits à IG ainsi qu’au porte-monnaie des viticulteurs. Dans un premier temps, le Plan de contrôle revêtira la forme d’un plan type, commun à tous les vins de pays. Par la suite, c’est-à-dire jusqu’en 2011, il pourra être affiné pour s’adapter davantage au produit. « Nous n’aurons pas trop du délai de deux ans et demi pour caler tout ça » a glissé L. Guillard. En terme de calendrier, les Syndicats de producteurs de vins de pays ont jusqu’au 31 décembre 2011 pour déposer devant la Commission européenne leurs demandes officielles de reconnaissance en IGP, avec une réponse de cette dernière avant 2013.

Pas de droit inao

vdp_5_opt.jpegProfitant de l’assemblée générale du Syndicat des producteurs, Patrick Lizée a abordé la question financière. « Aujourd’hui, vous versez une contribution à Viniflhor. Demain cette contribution sera transférée à l’INAO même si l’on ne sait pas encore de quelle manière. Mais pour l’instant, il n’est absolument pas question de droits INAO à payer sur les vins de pays. » En terme de représentation professionnelle, les Vins de pays siégeaient au Conseil spécialisé Vins de pays de Viniflhor, lui-même intégré au Conseil de direction spécialisé Vins de l’Office. Demain, au sein de l’INAO, il y aura un Comité national IGP Vin, comme il existe déjà un Comité national Vins et eaux-de-vie ou un Comité national des appellations laitières. Un temps, a pu être évoquée l’idée de fondre les Vins de pays dans le Comité Vins et eaux-de-vie mais, finalement, la solution d’un comité autonome a été retenu. Il s’agissait d’une demande forte de la filière Vins de pays. « Nous ne voulions pas être “noyés” au milieu des AOC du Comité vin. Affirmer l’existence de deux catégories de produits, c’était reconnaître une différence d’approche entre les deux, notamment au niveau du cahier des charges et du contrôle, beaucoup plus souples. Si nous avions été rattachés au Comité vin, la tentation aurait pu être grande de nous appliquer la même réglementation. » La profession a également insisté pour que les personnes qui siégeaient au Comité spécialisé Vins de pays soient transférées sans changement au Comité national vins à IGP de l’INAO où, contrairement à Viniflhor, la représentation est intuitu personnae. « Nous n’allions pas relancer des débats sans fin. »

Les charentes site pilote

Est-ce la relative petite taille des Vins de pays charentais, le caractère homogène de la zone ou l’existence de fonds disponibles à Viniflhor Aquitaine ? En tout cas les Vins de pays charentais ont été désignés, au plan national, comme site pilote pour modéliser le basculement vers l’IGP. Après recrutement du cabinet ad hoc, un audit de conseil et d’accompagnement va se mettre en place, sous l’égide de Viniflhor Aquitaine. Objet de cet audit : examiner la meilleure manière d’installer les cahiers des charges, ODG, plans de contrôle. L’audit s’effectuera sous l’autorité d’un comité de pilotage composé de Viniflhor, de la DRAF, de l’INAO, du Syndicat des Vins de pays charentais et certainement du BNIC pour l’expertise juridique. Il est envisagé que ce comité se réunisse au moins trois fois, avant, pendant et à la fin de l’audit. Si l’avis du comité de pilotage sera pris en compte, la décision finale reviendra à Vinifhor, en tant que contributeur financier. A noter que les fonds proviennent d’un reliquat de l’enveloppe affecté au Schéma d’avenir viticole de la région de Cognac. Caroline Quéré-Jélineau, présidente du Syndicat des producteurs et de promotion des Vins de pays charentais, a attiré l’attention sur le coût du contrôle. « Nous resterons très vigilants à maintenir ce coût du contrôle à un niveau acceptable pour les producteurs. » Les représentants des Vins de pays charentais inclinent à penser qu’il y aura des synergies évidentes à trouver entre les trois produits, Cognac, Pineau et Vins de pays. « Si les trois produits sont présents sur une même exploitation, il serait de mauvaise gestion de multiplier le temps de contrôle par trois. »

Mention traditionnelle

Quel sort attend la mention « Vin de pays charentais » ? Va-t-elle passer à la trappe sur l’autel de nouvelle segmentation ? Le règlement étiquetage vient d’être voté fin mars 2009 par le Comité de gestion vins de l’UE, un gros morceau soit dit en passant. Théoriquement, le texte prévoit que le terme « Vin de pays » puisse continuer à être utilisé, en lieu et place du terme IGP. Considéré comme une mention traditionnelle, il pourra remplacer la mention obligatoire IGP. Qui décidera de l’utilisation de l’une ou de l’autre mention ? A priori, la Confédération française des vins de pays estime qu’il appartiendra au cahier des charges de chaque IGP de se prononcer sur le choix. « On imagine la cacophonie si, dans une même région, les deux termes cohabitaient. » A l’évidence, la survivance de la dénomination « Vin de pays » a de quoi satisfaire les producteurs. On peut les comprendre, vu le caractère peu « vendeur » du sigle IGP. Malgré tout, il semble un tout petit peu bizarre de dépenser tant d’énergie à mettre en place une nouvelle segmentation, pour revenir à la case départ au détour du premier règlement venu. Sauf si la lisibilité de l’offre n’était pas le premier objectif poursuivi.

Vins De Pays Charentais
Une Revendication De 100 000 Hl Vol.

Sur les déclarations de récolte 2008, ont été revendiqués au titre des Vins de pays charentais 108 000 hl vol., complétés de quelques milliers d’hl vol. de Vins de pays de l’Atlantique. Ces quantités, si elles sont confirmées par les volumes présentés à l’agrément, feront de l’année 2008 une « presque » bonne année pour les Vins de pays charentais, dans la moyenne des années 2005-2006, en tout cas meilleure que prévue. Sur la récolte 2007, n’avaient été agréés que 87 790 hl vol., classant ce niveau d’activité comme le plus faible depuis 2003. Même si les vins de pays charentais ont perdu environ 1 000 ha en deux ans, principalement du fait d’un retour vers le Cognac, on ne peut pas vraiment parler d’un changement d’échelle. Le cœur de cible demeure. Président de l’Association de restructuration, Philippe Guélin se dit persuadé « que les viticulteurs qui font le yo-yo le regretteront un jour. Je reste serein vis-à-vis des Vins de pays. Ils ont l’avenir devant eux. » Les vins agréés en 2007 se sont déclinés en blanc pour 37 %, rosé pour 26 % et rouge pour 37 %. Les vins de l’année 2008 risquent de se retrouver dans les mêmes eaux. A noter que la production de vins rosés a presque doublé depuis 2003. Par type de producteurs, 28,20 % des vins agréés sur la récolte 2007 ont été présentés par des producteurs individuels, 55,26 % par les coopératives et 16,54 % par le négoce. Au niveau commercial, on estime que 60 % des volumes de VDPC sont vendus par le circuit court, cavistes et/ou opérateurs en directs.

Le Syndicat de production et de promotion des Vins de pays charentais a proposé d’augmenter de 5 % la CVO, pour passer de 2 € l’hl vol. agréé à 2,10 € l’hl vol. Un président de coopérative – Henri Jammet – a réagi en soulignant l’augmentation importante déjà intervenue il y a deux ans. « La cotisation avait alors doublé. A une période où il faut serrer les boulons, le message envoyé par le conseil d’administration ne me semble pas très approprié. » Malgré tout, les producteurs ont voté la hausse (une voix contre, deux abstentions), sans doute sensibles à l’argument selon lequel une augmentation progressive valait mieux qu’en grand écart. En vingt ans, la cotisation syndicale avait peu ou pas progressé. Qui plus est, le syndicat est confronté à une hausse des charges (de son loyer notamment), à la baisse des subventions des collectivités territoriales et à la crainte, récurrente, de la baisse des volumes. Le thème du « Syndicat fort » a également été repris par certains adhérents.

 

A lire aussi

100 ans d’archives agricoles bientôt immortalisées

100 ans d’archives agricoles bientôt immortalisées

2025 sera l'année du centenaire du Paysan Vigneron... A cette occasion, et parmi tant d'autres initiatives que nous vous concoctons, nous avons entrepris de numériser et d'archiver l'intégralité des pages du magazine depuis sa création. Un siècle d'histoire de la vie...

Les autorisations de plantation voient leur validité prolongée de 3 ans

Les autorisations de plantation voient leur validité prolongée de 3 ans

Jusqu'à présent, la réglementation des APN (Autorisations de Plantations Nouvelles) et des autorisations de replantation étaient délimitées strictement : Une fois délivrées, ces autorisations devaient être réalisées dans un delai de trois ans, sous peine de lourdes...

Quelle est la durée de vie d’un alcool ?

Quelle est la durée de vie d’un alcool ?

A moins de posséder une collection d’alcools très limitée – ou une consommation impressionnante -, il est probable que la plupart de vos bouteilles de spiritueux traînent, entamées, des mois voire des années dans votre bar. Cela pourrait être cette bouteille de Grand...

error: Ce contenu est protégé