L’implantation d’un chai de vinification associé à une distillerie
La création d’une unité complète de vinification & distillation associée au sein d’un même site est un événement rare mais important. Un tel challenge fait appel à une réflexion technologique large allant de la cueillette des raisins au verre d’eaux-de-vie recueilli à la sortie du porte alcoomètre. Les domaines Rémy Martin ont relevé ce défi en implantant à Juillac-Le-Coq une infrastructure innovante et en phase avec les attentes d’un bouilleur de cru. Le site pilote des Martins a permis de vinifier et de distiller la production des 224 ha de vignes avec des moyens technologiques performants, innovant et surtout pensés par rapport à des enjeux qualitatifs. L’exigence d’élaborer de grands vins et des eaux-de-vie d’excellence a mobilisé beaucoup d’énergie et de compétence.
La belle récolte du millésime 2 018 des vignobles Rémy Martin a été vinifiée et distillée dans des conditions de recherche de qualité maximales grâce à des infrastructures neuves, surtout novatrices et conçues en ayant une philosophie de bouilleurs de cru. Le fil conducteur de toute la réflexion technologique de cette unité a été de privilégier l’ensemble des leviers permettant l’expression des potentialités des meilleurs terroirs du cru de Grande Champagne. La construction de ce site de production a été abordée en ayant l’objectif d’en faire une vitrine technologique, évolutive et opérationnelle. Le challenge n’a pas été de seulement rechercher l’excellence mais de penser une unité immergée dans les réalités de l’univers de production du vignoble de Cognac.
Une recherche d’exigences qualitatives élevées
Les domaines R-M d’une surface de 224 ha répartis sur plusieurs sites, Juillac-Le-Coq, Gensac la Pallue, Mainxe, Saint-Preuil et Saint-Même-les-Carrières ont connu au cours des 15 dernières années, une profonde mutation de leurs méthodes de production. Une stratégie globale de conduite du vignoble fondée sur la recherche de raisins de qualité (aux exigences Cognac) associant de fortes exigences environnementales a été engagée sans déroger aux fondements volumiques et économiques de la filière Cognac. Après quelques millésimes de calage, les résultats sont aujourd’hui convaincants sur le plan environnemental (Le premier vignoble certifié HVE de la région de Cognac) et en termes de productivité. Jusqu’en 2017, les récoltes étaient vinifiées dans de bonnes conditions en utilisant trois chais différents fonctionnels mais de conception classique. Ces installations vieillissaient et surtout leurs implantations s’avéraient limitantes en matière d’évolution. Ensuite, la production de vins de distillation élaborée dans les trois sites était transportée et distillée à Touzac dans une unité fonctionnelle mais dont les perspectives d’agencement semblaient également limitées. Une telle organisation des vinifications et de la distillation était-elle à la hauteur du niveau d’exigences qualitatives des Domaines Rémy Martin ?
Vinifier en ayant l’objectif de valoriser le style « Rémy Martin
Tous ces constats maintes fois partagés et exposés par les équipes des Domaines et du service technique Rémy Martin ont été le ferment d’une interrogation encore plus ambitieuse : Quels moyens technologiques devrait-on mettre en œuvre pour sortir le meilleur des raisins produits par les Domaines Rémy Martin ? La réponse immédiate et la plus simple aurait été : « l’aménagement ou la construction d’un ou plusieurs nouveaux chais de vinification bien équipés et fonctionnels ». Le projet aurait pu être construit sur ces bases mais cela n’a pas été le cas. Dans les esprits de Baptiste Loiseau, le maître de chais, de Laura Mornet, la responsable conseils fournisseurs et recherche et développement et de Julien Georget le responsable des domaines, la conception d’un nouveau process technologique de chai de vinification devait être raisonnée en intégrant toutes les phases de la vinification et de la distillation déterminantes pour élaborer des eaux-de-vie exprimant le « style Rémy Martin ». Ils estimaient indispensable de construire le projet à partir des spécificités des 5 sites viticoles et de faire de cette réalisation une vitrine de savoir-faire.
Élaborer de grands vins générant « l’excellence » à la sortie des portes alcoomètres
La prise en compte de tous ces éléments à l’issue des vendanges 2 016 a débouché sur la remise en cause des infrastructures de vinification existantes au profit de la création d’un site unique rassemblant à la fois un pôle de vinification et une distillerie. B Loiseau avoue que l’état d’esprit volontariste et les synergies des compétences des porteurs de ce projet ont été très importants : « Proposer d’arrêter le fonctionnement de trois chais de vinification un peu vieillissant et d’une distillerie encore opérationnelle au profit d’un site unique très novateur était certes une belle idée qu’il a fallu défendre auprès des décideurs de la Maison. Notre volonté d’élaborer des grands vins pour ensuite obtenir des eaux-de-vie de Grande Champagne d’excellence a dû être étayée d’arguments forts. L’aboutissement des travaux de recherche au niveau des vinifications de notre service recherche et développement s’est avéré déterminant. Le leitmotiv de notre démarche a été de sortir le meilleur des raisins pour enrichir le contenu qualitatif des eaux-de-vie. Plus simplement, l’idée forte de notre projet a été d’organiser la récolte et le traitement des raisins en connectant leur devenir à la qualité des eaux-de-vie à la sortie des portes alcoomètres. L’élaboration de vins de distillation de qualité constitue un challenge prioritaire mais pour tout bouilleur de cru, la véritable finalité est l’obtention des meilleures eaux-de-vie possible. On a eu l’ambition de créer un site de référence en matière de vinification et de distillation pour les domaines dont la finalité serait aussi d’être une vitrine pour les partenaires viticulteurs de la maison Rémy Martin ».
Des infrastructures pensées et construites autour de quelques idées fortes
Le nouveau site de vinification et de distillation des Martins à Juillac-Le-Coq a été conçu à partir « d’une page blanche ». Les équipes de la maison Rémy Martin ont défini les aspects fondamentaux de leurs attentes qui ont été formalisés dans un cahier des charges précis. Quelques idées fortes ont servi de fil conducteur de la définition des infrastructures, une durée totale de récolte de 17 à 18 jours maximum pour les 224 ha, une maîtrise de tous les flux (de vendanges, de moûts, des vins, de la production d’eaux-de-vie), un traitement des raisins par gravité et une période de distillation n’excédant pas une centaine de jours. La prise en compte de ces éléments et du cahier des charges a permis de dimensionner les moyens investis dans chaque atelier, d’adapter les moyens transferts des flux de produits (suite à chaque transformation principale) et de rationaliser le déroulement du travail. La conception des bâtiments a été confiée au cabinet d’architecte ArchiXo de Cognac et celle de la gestion des flux et du dimensionnement des flux, et des besoins thermiques au Cabinet Ingerop de Bordeaux.
Les idées fortes de la conception du chai et de la distillerie :
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Un process technologique global associant les spécificités de la vinification et de la distillation
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Des infrastructures conçues avec une philosophie de bouilleur de cru
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Un site unique remplaçant 3 sites de vinification et une distillerie
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Une durée de vendange de 17 à 18 jours maximum pour les 224 ha
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Une maîtrise des flux de vendange, des moûts et des vins en phase avec les exigences de récolte
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Un traitement de la vendange par gravité
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Ne pas déplacer les vins au moment de la distillation
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Une durée de distillation n’excédant pas 100 jours
Les différences de précocité importantes pour le choix d’implantation du site
Le choix d’implanter le nouveau site à Juillac-Le-Coq est l’aboutissement d’une réflexion fondée sur l’analyse de la précocité de la maturité de la vendange en fonction de la nature des différents terroirs. J Georget explique que depuis de nombreuses années, les contrôles de maturité ont permis en quelque sorte d’établir une cartographie de l’état de précocité de différents sites de production : « Le recul au niveau des contrôles de maturation sur une séquence de millésimes suffisante et variés nous a permis de mieux apprécier les différences de précocité. Chaque année, nous effectuons à partir de la mi-août un suivi de la maturation à partir de 72 points de prélèvements répartis sur les quatre grands secteurs du vignoble. La zone de Juillac-Le-Coq & Verrières s’avère être toujours la plus précoce en raison de l’exposition du parcellaire et de l’âge moyen plus élevé des vignes. L’avance de maturité se situe autour de 5 à 8 jours. La deuxième zone d’une précocité moyenne se situe sur les îlots de demi-coteaux de Gensac-La-Pallue suivi de peu par Saint-Preuil et Saint-Même les Carrières. L’effet productivité des jeunes parcelles retarde naturellement la maturité et par exemple nous finissons souvent les vendanges dans les jeunes plantiers de Juillac-Le-Coq. Le fait de commencer et de finir les vendanges dans cette zone a été déterminant pour l’implantation du chai ».
Une deadline de 1 h 30 entre la récolte et le remplissage des pressoirs
L’organisation du chantier de récolte a aussi fait l’objet d’une réflexion approfondie pour optimiser l’intervalle de temps entre la récolte et le remplissage des pressoirs. La réalisation de la récolte des 224 ha en 17 à 18 jours de travail effectifs dans les parcelles correspond à un objectif de maîtrise de l’équilibre de la maturité Cognac des raisins adaptés à la précocité des différents terroirs. Les préconisations de la société Rémy Martin en matière date de récolte idéale sont d’ailleurs très claires : « Rentrer des raisins ayant une structure acide préservée et un état sanitaire parfait représente une priorité pour la révélation ultérieure du potentiel aromatique dans les eaux-de-vie ». J Georget a donc mis en place une organisation du chantier de récolte et du transport de la vendange répondant à cette attente : « Les parcelles les plus éloignées se situent à une dizaine de kilomètres du site de vinification ce qui induit des temps de transport dont nous avons tenu compte. Nous nous sommes fixé une deadline de 1 h 30 entre la récolte et le remplissage des pressoirs. Toute notre organisation a été construite en tenant compte de cette donnée. On a décidé de faire fonctionner les deux machines à vendanger dans la même parcelle pour ensuite optimiser les conditions de transport. Les bennes de 80 hl qui sont remplies en 20 minutes, permettent l’arrivée rapide de la vendange au chai même quand nous travaillons dans les zones les plus éloignées. Nous avons fait le choix d’utiliser des bennes monocoques Sthick de 80 hl de formes longues, pas trop hautes et équipées de couvercles et de suspensions pneumatiques sur les essieux pour limiter le tassement de la vendange ».
L’organisation optimisée du chantier de récolte et de transport :
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Une deadline de 1 h 30 entre la récolte et le remplissage des pressoirs
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Une distance maximum de 12 km entre les parcelles les plus éloignées et le chai
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2 machines à vendanger en fonctionnement dans les mêmes parcelles.
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Des bennes à vendanges de 80 hl remplies à la vigne en 20 minutes
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7 remorques en rotation entre le chai et les parcelles
Des bennes Sthick monocoques pas trop hautes, assez longues pour mieux respecter l’état de la vendange
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Des suspensions pneumatiques sur les essieux pour limiter le tassement de la vendange lors du transport
Une vendange traitée par gravité pour obtenir un bon équilibre de bourbes
L’élément le plus innovant du chai de vinification est le traitement de la vendange entièrement par gravité. Le choix de n’exercer aucunes interventions de reprise mécanique sur la vendange représente un engagement qualitatif fort. B Loiseau estime que le traitement respectueux du contenu des raisins est essentiel pour élaborer de grands vins de distillation : « Depuis plusieurs années, les nombreux essais conduits par notre service recherche et développement ont toujours mis en évidence l’importance d’aborder la phase traitement de la vendange avec le plus de douceur possible. Le fait de d’obtenir à l’issue du pressurage un niveau de turbidité des moûts compris entre 400 et 600 NTU est un critère de qualité majeur. L’obtention de jus très troubles nuit à l’expression de beaux arômes dans les eaux-de-vie et d’ailleurs, ensuite aucunes interventions correctives ne permettent d’en éliminer les conséquences. La seule solution est de limiter au maximum les phénomènes de libération excessifs et incontrôlés de bourbes. ll faut éviter d’exercer des pressions sur la vendange en la poussant avec des vis d’Archimède ou en la pompant dans des tuyauteries. Pour atteindre cet objectif, le traitement de la vendange par gravité s’avère être la solution idéale. Nous avons décidé de le mettre en pratique dans le chai des Martins ».
Le traitement de la vendange par gravité :
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La gravité, le seul moyen de bien respecter l’état de la vendange récoltée
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N’exercer aucune pression sur la vendange lors de son transport et de son transfert vers les pressoirs
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L’utilisation les différences de niveau naturelles du site des Martins pour mettre en pratique la gravité
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Des remorques déchargées directement dans les pressoirs
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Une trémie inox à 2 goulottes canalise la vendange vers les deux trappes des pressoirs
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Un volume de 70 hl de vendange déchargée en seulement 30 secondes
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Aucun risque d’effet de voûte et pas d’incidents liés à des corps étrangers
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4 pressoirs Bucher Xpert de 115 hl
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Un coefficient de remplissage des cages de 1,3
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Chaque pressoir est rempli avec le contenu de 2 bennes de 80 hl
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Un temps de pressurage n’excédant pas 1 h 30
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Un débit quotidien du chai de 2000 le/jour en 16 heures de travail
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En présence de vendange saine, les moûts ont une turbidité naturelle se situant entre 400 et 600 NTU
70 hl de vendange déchargés par gravité dans le pressoir en 30 secondes
La conception du chai a été pensée pour assurer le remplissage direct des pressoirs par les trappes en utilisant la topographie naturelle du site des Martins. Le site de vinification est organisé en plusieurs ateliers, implanté successivement dans la pente du coteau. Les bennes de raisins arrivent par le point haut et sont déchargées directement dans les pressoirs situés en dessous les quais. La conception de trémies inox à deux goulottes canalise la vendange vers les deux trappes des pressoirs posés sur le sol quelques mètres plus bas. En seulement 30 secondes, un volume de vendange de 70 hl déchargé dans les cages des pressoirs sans aucune intervention mécanique. Le niveau de remplissage de chaque pressoir pneumatique de 115 hl Bucher Xpert (Organ) est volontairement limité à deux bennes de 70 hl de vendange. Un tel volume de remplissage des pressoirs est aussi un choix qualitatif pour ne jamais surcharger les cages.
Une trémie inox à deux goulottes simple et très performante
J Georget avoue que la mise au point de cette chaîne de traitement de la vendange simple a nécessité une réflexion approfondie pour optimiser son fonctionnement : « Le fait de vouloir remplir les pressoirs par les trappes nous a obligés à faire preuve d’imagination pour assurer un déchargement rapide et efficace. La pente naturelle du site rendait possible cette intervention mais il fallait aussi penser à rendre ce principe technologique fonctionnel au niveau de l’organisation du travail. Il n’était pas envisageable de passer 30, 40, 50 minutes pour décharger 70 hl de vendange car toute l’organisation du chantier de récolte allait en être pénalisée. Nous avons donc réfléchi à l’implantation d’un système de canalisation de la vendange rapide qui ne risquait pas d’engendrer d’effets de voûte. Lors des vendanges 2017, dans l’un des anciens chais de vinification, nous avons testé plusieurs systèmes et trouver celui qui nous donne aujourd’hui pleine satisfaction. Il s’agit d’une trémie constituée de deux goulottes larges débouchant au dessus les deux trappes de chaque pressoir. La vendange descend par gravité dans les cages sans aucun phénomène de blocage (effet de voûte). Le personnel du chai apprécie beaucoup de ne pas avoir à soucier de la surveillance du remplissage des pressoirs. Les incidents liés à des blocages de pompes, de vis sont pour nous de l’histoire ancienne. Grâce à ce système de remplissage simple, les opérations de lavage de toute l’unité de traitement de la vendange en fin de journée sont également beaucoup plus simples ».
Un coefficient de chargement des pressoirs modéré, propice à la qualité des jus et à des cycles courts
Le remplissage des pressoirs par les trappes est aussi un choix qualitatif destiné à ne pas surcharger les cages et à conduire l’extraction de jus dans les meilleures conditions possible. En moyenne, les cages de chaque pressoir Bucher Xpert 115 heures sont remplies de 14 à 15 tonnes de vendange fraîche. Ce niveau de remplissage de l’ordre 1,3 fois la capacité des cages permet d’une part de tirer le meilleur profit de la capacité d’auto-filtration de la masse de vendange et d’autre part d’augmenter les fractions de jus extraits à basses pressions. Le système de programmation du cycle proportionnel au débit des jus fonctionne dans de bonnes conditions et le pilotage du pressurage s’en trouve facilité. Les montées en pression très progressives facilitent l’écoulement des jus et l’obtention de bons d’assèchement des marcs dans des délais courts. Les durées totales des cycles de pressurage courtes (n’excédant pas 1 h 30) représentent un avantage vis-à-vis du débit journalier du chai. Au cours des cycles de pressurage, le coulage moyen des jus en 2018 a représenté un volume de moûts de 110 à 120 hl. Les quatre pressoirs de 115 hl ont permis de traiter en moyenne 2 000 hl de moûts/jour en 17 à 18 cycles de pressurage/jour étalés sur une plage horaire de travail totale de 15 à 16 heures.
Le tamisage des moûts a été repensé
À l’issue du pressurage, les moûts sont tamisés avec un équipement novateur dont la conception a été pensée par techniciens de la maison Rémy Martin. Le service recherche et développement a conduit au cours des dernières années des essais de différents filtres à moûts commercialisés par des fournisseurs régionaux dont les résultats n’ont pas donné pleinement satisfaction. Les tamis statiques se colmataient souvent vite, les filtres rotatifs de par leur principe provoquaient des pressions sur les débris végétaux, les débits de beaucoup d’équipements n’étaient pas suffisants et leur nettoyage était complexe. Le tamisage est pourtant une intervention simple qui a pour objectif d’enlever tous les pépins, les fragments de raisins et les débris végétaux grossiers qui s’écoulent lors du pressurage. Leur élimination doit intervenir sans aucunes pressions dont les conséquences produisent des phénomènes d’extraction inappropriés.
Un principe de tamisage des moûts innovant :
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Un équipement de tamisage pensé par le service recherche et développement de la Maison Rémy Martin
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Un principe de tamisage statique avec trois niveaux de filtration successifs
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Un bac ouvert posé au sol constitué de 4 compartiments séparés par trois tamis
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Trois tamis ayant des surfaces filtrantes de maille et de section différentes
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Pas d’effet de colmatage même en présence de gros débits
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Chaque compartiment est équipé de vannes de vidange totale permettant d’éliminer les souillures et les eaux de lavage
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Des tamis sur glissières verticales se démontant très facilement
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Un équipement facile et rapide à laver
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Le matériel a été développé par la Chaudronnerie Francis Vignaud à Pons
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Un appareil statique équipé de trois tamis successifs
Fort de ce vécu, les techniciens ont imaginé le principe d’un tamis à moût idéal : Un appareil ayant un principe statique avec quatre compartiments (équipés de vannes de vidange totales) et trois tamis verticaux successifs ayant des surfaces filtrantes de mailles et de sections différentes. Le lavage de l’équipement s’effectue à grande eau et de façon très rapide. L’ouverture des vannes de chaque compartiment et le remontage vertical des grilles amovibles permettent tout d’abord d’éliminer les souillures et ensuite de bien nettoyer tout l’équipement. J Georget explique que la principale difficulté du tamisage réside dans le fait qu’il faut arriver à concilier les enjeux de débit à la qualité de la filtration : « Les essais conduits par notre service recherche et développement ont mis en évidence qu’aucun équipement ne permettait pas de tamiser correctement les moûts en présence de débits élevés à la sortie des pressoirs. L’observation du fonctionnement des nombreux matériels a débouché sur une idée toute simple : Le tamisage des moûts pourrait peut-être s’effectuer en plusieurs étapes successives au lieu d’essayer de le réaliser en une seule fois. Le partage de cette idée avec un chaudronnier, M. Francis Vignaud de Pons, a débouché sur la mise au point du tamis statique à trois grilles et quatre compartiments. Le premier prototype testé en 2017 et lors des dernières les quatre tamis Vignaud ont donné pleine satisfaction ».
Des mesures de turbidité systématiques aussitôt le pressurage
Les moûts issus de chaque cycle de pressurage sont isolés dans huit cuves de 180 hl juste avant d’être dirigés vers l’atelier de fermentation. Une fois le pressurage terminé, la structure des moûts traduit le potentiel de qualité des parcelles récoltées. B Loiseau considère que la phase d’observation de la qualité des moûts représente d’une part un moyen d’anticiper les problématiques optimisations de la conduite ultérieure des fermentations et d’autre part, une première appréciation du potentiel de qualité du millésime : « Dès qu’une cuve issue d’un pressoir est pleine, on doit s’intéresser à son contenu. La priorité est d’apprécier la turbidité des moûts et de les déguster. Au cours des dernières vendanges, la chaîne de traitement par gravité a démontré tout son intérêt. Nous pratiquons deux mesures de turbidité, l’une sur les jus de goutte au début du remplissage et l’autre une fois la cuve pleine. Quand la turbidité se situe entre 400 et 600 NTU, les moûts sont directement pompés dans les cuves de fermentation (en étant mis à température à 17 °C si besoin). Si le niveau de turbidité dépasse 600 NTU, des interventions curatives sont envisagées, des décantations statiques rapides ou l’utilisation de Trub-Ex au niveau de la vendange. La dégustation des moûts vient en général conforter les niveaux d’intensité du niveau des troubles. Les odeurs nettes et les saveurs agréables bien présentes dans les lots clairs disparaissent au profit des commentaires de lourdeurs dans les moûts très bourbeux ».
Un atelier de fermentation de 33 cuves thermorégulées de 700 hl
L’atelier de fermentation est composé de 33 cuves inox de fermentation de 700 hl thermorégulées et d’une petite unité annexe de 3 500 hl utilisé en tant que chai expérimental. C’est dans cette infrastructure que le service recherche et développement réalise des vinifications séparées de tous les essais (viticoles et de vinification). Ce pôle qui a l’origine abritait le chai de Juillac-Le-Coq est aujourd’hui constitué de petites batteries de cuves inox dont la capacité varie de 20 à 300 hl. Le choix de la contenance des grandes cuves de vinification a été raisonné en tenant compte à la fois des entrées quotidiennes de moût et de la capacité journalière de l’atelier de distillation. Les apports de vendanges quotidiens permettent de remplir trois cuves de 700 hl par jour (un niveau réel 600 hl/cuve). Au moment de la distillation, les huit alambics de 25 hl permettent de vider une cuve de 700 hl en à peine trois jours. Les citernes restent en vidange pendant un temps court ce qui les risque de déviation qualitative des vins.
Les spécificités de l’atelier de fermentation
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33 cuves inox de 700 hl thermorégulées et un chai expérimental de 3 500 hl
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Un bâtiment isolé abrite l’ensemble de la cuverie
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Trois cuves de 700 hl remplies chaque jour pendant les vendanges
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Une cuve de 700 hl vidée en à peine trois jours au moment de la distillation
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Des citernes de forme haute pour favoriser les échanges thermiques
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Des anneaux de refroidissement extérieurs répartis sur la hauteur des viroles
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Deux circuits de refroidissement sur chaque cuve
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Des cuves à fond conique sur pieds facilitant la remise en suspension des lies
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Un bâtiment est équipé de détecteurs de gaz carbonique à la base des cuves
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Un système d’évacuation du gaz carbonique
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Des départs en fermentation réalisés à partir de moûts ayant une température de 17 °C
Des fermentations alcooliques conduites entre 22 et 23 °C jusqu’à 1 030
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Un relâchement de la maîtrise thermique en fin de fermentation
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Un refroidissement des vins à 8 °C aussitôt les ouillages réalisés
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Des conditions de conservation des vins maintenues à 8 °C jusqu’à la distillation
Une conception des cuves adaptée aux spécificités des vins de distillation
Les caractéristiques de fabrication des cuves citernes de 700 hl sont adaptées aux exigences des utilisations des vins de distillation. Leur forme haute et leur diamètre limité à 2,50 m facilitent les échanges thermiques et l’efficacité des anneaux de refroidissement extérieurs répartis sur toute la hauteur des viroles. D’ailleurs, deux circuits de refroidissement extérieurs distincts sont implantés sur toute la hauteur des citernes pour permettre d’enclencher le contrôle des températures de fermentations dès le début du remplissage en limitant les consommations énergétiques. Les cuves sur pieds sont équipées de fonds coniques ce qui facilite la remise en suspension des lies avant la distillation. En effet cette opération d’homogénéisation des lies dans la fraction liquide représente une intervention incontournable pour le chargement des alambics et la conduite de la méthode de distillation Rémy Martin. Pour l’instant, aucun système d’inertage n’a été installé pour protéger les vins lors du vidage des cuves. L’atelier de fermentation abritant les 33 cuves de 700 hl a été pensé pour optimiser l’évacuation du gaz carbonique. Des capteurs de gaz carbonique sont implantés au niveau du sol pour alerter le personnel en cas de risque. La ventilation du bâtiment repose sur de nombreuses ouvertures de toit et des extracteurs puissants bien répartis qui poussent de l’air sain dans le bâtiment.
Une maîtrise de la thermie des moûts, des fermentations et des vins
Les aspects de mise à température en ligne des moûts, de contrôle des fermentations alcooliques et de la stabilisation de la température des vins durant la conservation ont fait l’objet d’une étude thermique très approfondie. En effet, les entrées quotidiennes de moûts importantes (2 000 hl/jour) étalées sur seulement deux semaines et demie, Le volume de cuverie fermentation total dépassant 26 000 hl et la durée de conservation des vins pendant trois à quatre mois ont servi de base de calcul pour dimensionner les besoins thermiques de l’unité de refroidissement durant les vinifications et aussi pendant la distillation. Le démarrage des fermentations alcoolique se déroule en présence de moûts ayant une température naturelle ou maîtrisée (en ligne) de 17 °C. Les apports d’azote et l’incorporation des levains sélectionnés sont anticipés pour la totalité du volume des cuves dès l’apport des premiers volumes de moûts dans les cuves. La cinétique fermentaire est contrôlée entre 22 et 23 °C jusqu’à 1 030 de densité et ensuite la maîtrise thermique est relâchée pour laisser les fermentations alcooliques bien se terminer. Lors des dernières vendanges, les fermentations alcooliques dans les cuves de 700 hl ont duré 5 à 6 jours. Aussitôt, la fin des fermentations, les vins sont laissés sur leurs lies et les ouillages sont effectués rapidement. Comme les fermentations malolactiques ne sont pas recherchées, un refroidissement des vins à 8 °C en 2 à 3 jours intervient rapidement pour optimiser leur conservation jusqu’à la distillation.
Une distillerie à la pointe de la technologie ou le nez des hommes est essentielle
La nouvelle distillerie a été implantée dans un bâtiment situé dans le prolongement des cuves de fermentation pour faciliter les opérations de charge et de préchauffage des vins. B Loiseau et son équipe ont souhaité construire une unité de distillation innovante ou l’homme soit assisté dans la réalisation des tâches fastidieuse mais reste le seul décideur des phases de sélections qualitatives majeures : « La conception de cette distillerie met l’innovation au service des hommes. Des moyens technologiques performants ont été développés pour faciliter les tâches fastidieuses, la charge, les opérations de préchauffage des vins, la surveillance des coulages et du contrôle thermique des cycles de distillation, le vidage, le nettoyage du réseau de tuyauteries, les transferts d’eaux-de-vie, … . Notre volonté a été de concevoir cette distillerie en 8 modules de distillation indépendants pour être en mesure de faire des essais et de conduire les cycles avec le plus de réactivité possible. Chaque alambic peut-être chargé et piloté différemment par les distillateurs. Les automatismes sont bien sûr très présents mais sans supplanter la fonction du distillateur. Les automates sont seulement des assistants et non pas des décideurs. Le nez des hommes est essentiel pour sélectionner les têtes et réaliser les coupes du cœur des bonnes chauffes ».
Un savant dosage d’équipements de pointe et d’esthétique
La distillerie de huit alambics de 25 hl neufs (des chaudières fluotournées) a été installée par la Société Chalvignac avec la volonté d’en faire un lieu esthétique et doté d’équipements technologiques performants présents mais d’une façon la plus discrète ; possible. Les huit chaudières sont équipées de brûleurs à air soufflés, d’automates avec des densimètres, de leurs propres cuves de réception des distillats et sont montées sur des foyers habillés de briques traditionnelles. Tous les câblages ont été au maximum masqués et la présence des écrans tactiles a été intégrée avec le plus d’esthétique possible. La distillerie dispose d’un local technique à l’abri des regards qui permet aux distillateurs de visualiser en permanence le déroulement des huit cycles de distillation. Il s’agit en quelque sorte « d’une capitainerie » disposant d’un système de visionique implanté sur un grand écran qui retranscrit en permanence le déroulement des huit cycles de distillation. Le bilan énergétique de la distillerie a été optimisé en utilisant les eaux chaudes sortant des pipes pour préchauffer les vins en ligne (à 35 °C) au moment de la charge. Ces mêmes eaux chaudes sont également utilisées pour chauffer une grosse réserve d’eau (de 15 à 50 °C) destinées au lavage des tuyauteries et des alambics. Le système de refroidissement en circuit fermé commence à, fonctionner sur des eaux se situant entre 30 et 40 °C ce qui limite considérablement les besoins de puissance.
Une distillerie à la pointe de la technologie ou les distillateurs décident :
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Une unité de distillation attenante au chai de vinifications
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8 alambics de 25 hl neufs implantés pour fonctionner de manière indépendante
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Des chaudières de 25 hl fluotournées équipées de brûleurs à air soufflé
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Les vins préchauffés en ligne au moment de la charge
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Des automatismes assurant toutes les tâches fastidieuses, la charge, le vidage, la maîtrise des courbes de chauffes et des températures de coulage
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La sélection des têtes et les coupes du cœur réalisées par les distillateurs
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Les automatismes ne font qu’assister le distillateur
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Un local technique faisant office de « capitainerie » pour suivre le fonctionnement des 8 chaudières
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Une recherche d’esthétisme avec des foyers en brique et des câblages et des écrans les plus discrets possible
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Les trois distillateurs sont les garants du style d’eaux-de-vie recherché par la maison Rémy Martin
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Une distillerie entièrement réalisée par la société Chalvignac
Les distillateurs sont les garants de la typicité des eaux-de-vie
J Georget à l’issue de cette première campagne de distillation estime que le nouvel outil technologique a donné pleinement satisfaction : « La conception de cette distillerie a mobilisé beaucoup d’énergie car l’objectif était d’en faire une référence de technologie valorisant le savoir-faire des hommes. Pour la maison Rémy Martin, les distillateurs sont les dépositaires du savoir-faire en matière de sélection des coulages des têtes et des coulages du cœur. La distillerie a été conçue pour que les hommes soient le plus possible libérés de toutes les tâches fastidieuses et répétitives. Le travail du distillateur devient plus en plus lourd au fil des semaines surtout que les campagnes de distillation sont de plus en plus longues. L’âme de leur métier, c’est la dégustation. Ce sont eux les garants et les faiseurs du style d’eaux-de-vie recherché par la maison Rémy Martin. Nous travaillons avec les mêmes distillateurs depuis longtemps qui se forment et partagent leurs expériences ensemble ». Les huit alambics sont pilotés par trois distillateurs dont deux sont présents ensemble au moment des coulages des têtes et des coupes du cœur. Le fruit de leur travail et de celui toute l’équipe des vignobles Rémy Martin a été récompensé cette année puisque plusieurs lots d’eaux-de-vie nouvelles ont décroché des primes de qualité et seront destinés à un vieillissement séparé dans l’optique d’ici plusieurs décennies de produire des Cognacs d’excellence.
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