vignes et violons d’Ingres

23 août 2017

Jean Auguste Dominique Ingres était peintre, un peintre néo-classique du XIXème siècle auquel on doit, entre autres chefs d’œuvre, « La Grande Odalisque », que sa recherche de la ligne parfaite dota de 3 vertèbres supplémentaires…Pourtant si son nom résonne assez souvent, aujourd’hui encore, au détour de nos conversations- même chez les complets incultes en matière de peinture-, son talent à manier le pinceau n’y est pour rien. Ce que l’histoire a retenu c’est que ce peintre renommé, ce génie du dessin avait une seconde passion artistique : il consacrait ses moments libres à jouer du violon, avec un certain talent là encore, puisqu’il devint deuxième violon à l’orchestre du Capitole de Toulouse… Depuis le début du XXème siècle, « avoir un violon d’Ingres » s’emploie à propos d’une personne qui pratique une activité non professionnelle avec une certaine passion.

 

C’est à la découverte de quelques un de ces « violonistes » que vous emmène aujourd’hui Le Paysan Vigneron : des viticulteurs qui partagent leur temps et leurs vies entre la vigne et … autre chose ! Pigeons, chevaux, outils, collections tous azimuts, livres ou course automobiles, ils sont tout autant passionnant que passionnés !

Des ailes de champion

 

En ce lundi après-midi ensoleillé de mai, confortablement installés dans leur pigeonnier 5 étoiles, les cracks d’Éric Billaud ont l’œil vif, la plume brillante et lissée, comme brushée de frais…Difficile d’imaginer qu’ils sont revenus la veille de Saint-Just, au sud-est de Rouen et qu’ils ont quelques 400 km dans les ailes…Grâce aux soins attentifs de leur coach, Éric Billaud, ces champions reprendront la compétition dès le prochain week-end !

 

C’est en écoutant sa grand-mère lui raconter les récits de son arrière-grand-père, un poilu de Verdun marqué par le rôle essentiel de ces infatigables porteurs de courriers pendant la première guerre mondiale, qu’Éric Billaud a commencé à s’intéresser aux pigeons voyageurs, un intérêt qui s’est transformé en passion lorsqu’il est devenu colombophile vers l’âge de 15 ans.

 

La colombophilie, c’est l’art d’élever des pigeons voyageurs pour les engager dans des courses ou des concours. Car si les pigeons ne sont plus utilisés comme messagers de nos jours, leurs fantastiques qualités d’athlètes – ils sont capables de voler 1000 km sans s’arrêter – et leur faculté innée de s’orienter spontanément– quel que soit l’endroit duquel il est lâché, le pigeon voyageur regagne toujours son colombier et seulement son colombier- sont toujours exploités par les colombophiles qui les alignent au départ de véritables compétitions. La saison du « jeu », qui se déroule sur plusieurs niveaux, par société (avec un classement interne local), par groupement, en intergroupes…- court du 1er avril au 31 juillet

 

De véritables athlètes

 

Pendant ces quatre mois, les courses de vitesse s’enchaînent chaque week-end. Le samedi est le jour de l’«enlogement » : les pigeons sont installés dans des paniers d’osier et un camion du Groupement Colombophile de Charente Maritime, qui regroupe les sociétés de Charente et de Charente Maritime, passe les ramasser dans les clubs (Niort, Royan, Sainte, Matha- le club de Éric Billaud- St Jean d’Angely, Sigogne, Ruffec, Cognac…) Lors de ce week-end de mai, après lequel nous avons rencontré Éric Billaud et ses champions, plus de 1500 pigeons ont participé au voyage, quittant la Charente pour l’Eure. « En début de saison, cela peut aller jusqu’à 2000 concurrents, mais tous ne rentrent pas, explique Éric Billaud. Hier, mes quarante-trois pigeons sont revenus. »

Le dimanche matin, les oiseaux sont lâchés et rentrent à la maison. C’est celui qui rentre le plus vite qui gagne. Le succès repose avant tout sur la volonté claire du pigeon de retrouver son nid : Très attaché à sa compagne, il est jaloux de n’importe quel autre pigeon qui s’en approcherait, ce qui donne à son maître un moyen efficace de stimulation pour le faire revenir au plus vite au pigeonnier, le « veuvage » : les couples sont séparés toute la semaine. Le colombophile les réunit le samedi, quelques minutes avant l’enlogement. Le pigeon lâché le dimanche lors du concours n’a donc plus qu’une seule motivation : retrouver son partenaire qui l’attend au casier à son arrivée. Pour quelques minutes d’intimité. Après quoi, les mâles sont à nouveau séparés des femelles.

Éric Billaud, qui est un homme fort occupé, a optimisé l’organisation de son accueillant pigeonnier égayé de couleurs vives avec de petits tapis roulants pour faciliter le nettoyage des déjections. Pendant la semaine, il consacre à ses pigeons 10 minutes le matin et 30 minutes le soir, car ils ont droit à un petit vol de dérouillage autour de leur domicile, avant le repas du soir. Des repas qui sont bien entendu étudiés pour les sportifs de haut niveau qu’ils sont. Jugez plutôt, lors de leur course de la veille, pour un lâché à 9h00, les premiers oiseaux sont arrivés vers 14h00, soit une moyenne de 78 km/heure ! La nourriture est donc légère en début de semaine et de plus en plus riche, supplémentée en électrolytes, au fur et à mesure qu’approche le week-end. Car en plus des courses de vitesse, des courses de demi-fond sont organisées tous les quinze jours, avec deux événements phares, les courses d’Osnabrück en Allemagne et de Assen aux Pays Bas qui font environ 950 km…

 

Pendant la période du jeu, il n’y a pas que les pigeons qui travaillent le week-end, car Eric Billaud est responsable de lâcher : en liaison avec les autres groupements, il passe ses dimanches à surveiller les bulletins météos sur les lieux choisi pour le lâcher et sur le parcours de retour pour s’assurer que le concours se déroule dans les meilleures conditions possibles.  

 


Éric Billaud exploite 47 hectares de cognac qu’il distille et fait vieillir à la propriété. Il dirige aussi

une société de prestation de service qui effectue des plantations de vignes assistée par GPS

 

 

 

 

« Collectionnite aigüe »

 

 

 

Où j’ai découvert la vache sérieuse…

 

 

 

La vache qui rit, tout le monde connait : depuis le fromage en portion des origines jusqu’à ses nombreux dérivés actuels, en passant par la parfaite illustration de « mise en abîme », offerte par ses boucles d’oreille (pour les plus littéraires) la sympathique ruminante n’a plus rien à cacher ! Mais, jugez de la surprise du rédacteur de ce papier en   découvrant à Mortier, un petit village proche de Jonzac, l’existence de la « vache sérieuse », une découverte due au syndrome de « collectionnite » aigue qui a frappé Marie- France et Francis Ouvrard, il y a longtemps déjà…    

 

 

 

« Tout petit déjà, j’avais une âme de collectionneur, explique Francis. Ma toute première collection, ça a été les vignettes d’animaux de la vache sérieuse** de la fromagerie Grosjean. Et j’ai toujours mon carnet de vignettes » ajoute-t-il, hilare et preuve à l’appui. Une vie et une exploitation viticole à construire plus tard, la folie de l’accumulation, qui était restée en sommeil pendant des années, l’a repris de plus belle, et ce, avec d’autant plus de force, qu’il avait contaminée son épouse Marie-France…

 

 

 

« Quand les filles ont été grandes et que l’exploitation nous a laissé un peu plus de temps, ça a commencé avec des robinets de barriques, en cuivre de toutes sortes avec ou sans clés, pour la dégustation … » C’est à ce moment-là que Marie France, quant à elle, s’est mise en quête de vaisselle rose, des articles très en vogue dans les années 50/55 : Pour les mariages, on offrait une carafe des verres à liqueurs et un plateau assorti…On a même fabriqué des ventouses en verre rose, que l’on retrouve bien entendu sur les étagères de Marie-France ! Et depuis qu’ils sont en retraite, de nombreuses pièces (avec une mention spéciale pour les greniers) de leur grande maison sont colonisées par leurs trouvailles. Car Marie France et Francis s’intéressent à tous les objets qui leur racontent une histoire…et ils savent tous deux tendre l’oreille !

 

 

 

Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?

 

 

 

Pèle mêle, ou consciencieusement organisés se succèdent des verres à bière, ou à cognac, des timbales de baptême en argent (45 ou 46 exemplaires), des 33 tours religieux, des nettoyeurs de tripes de cochon ( signés Manufrance), des saucières, un allume cheminée électrique des année 30, un « calmant pour dame » (c’est ainsi que Francis appelle un ancêtre du sex-toy électrique lui aussi !!) un pulvérisateur de nettoyant pour chrome, l’ancêtre de la batterie  écolo rechargeable manuellement (elle date de 1900), des couteaux secrets, une collection de bols à petit déjeuner ou à barbe, des lampes à pétrole, des ramequins, des images pieuses (collection de Madame pour les deux dernières ), un réchauffeur catalytique pour voitures (1932), des lessiveuses manuelles pour petit linge, avec ou sans bille (années 30 à 55), un briquet de table de 1872, un appareil à remailler les bas de femmes, des bidons à huile, des lampes à vélo (à acétylène, électriques ou avec bougies) des burettes à huile, de la vaisselle émaillée….

 

Sans oublier les quelques 120 chauffe-pieds, bouillottes ou chauffe-main transportables (à alcool, à braises…) et des tas de moulins à …plein de chose, dont un moulin à mystère (voir photo).

 

On trouve aussi tous les calendriers des postes de 1900 à 2000 ( Il ne manque que l’année 1901), des plaques métalliques de taxe pour vélo * de 1893 à 1941, des protège-cahier publicitaire des années 50 ( où l’on retrouve la vache sérieuse**)un mur de livres et de magazines, « sans compter les huit m3 stockés dans la maison de mes parents… »…Mais La collection préférée de Francis Ouvrad, ce sont les jouets :  pelle et seau pour la plage, tir aux pigeons, baby-foot,  flipper, camion dont il a trouvé le modèle- pour le restaurer- au musée du jouet en Belgique, lapin ou canard en bois pour bébé (1938), landeaux de poupées …

 

 

 

Pour dénicher tout ça, Marie –France et Francis font entre 150 et 200 brocantes ou vide grenier par an, « quelque fois trois ou quatre sur la matinée, ça nous a déjà emmené jusqu’à Toulouse… et on amène aussi beaucoup de choses ». S’ils ne vendent rien, ils donnent beaucoup ou prêtent certains objets à des associations pour des spectacles ou des expositions. L’un des grands plaisirs de Francis, c’est de remettre en état les objets abimés, « mais sans inventer, il faut que je trouve une représentation de l’objet complet, sur le internet par exemple. Tant que je ne trouve pas, il attend… »

 

 

*Une loi d’avril 1893 instaura une taxe annuelle sur les vélos en France ! Mise en application à compter du 1er juin 1893, cette loi fixait à 10 francs français la redevance pour la possession d’un « vélocipède ou appareil analogue ». Les possesseurs de bicyclette devaient ainsi se faire enregistrer auprès de la mairie de leur commune. Une plaque métallique mentionnant l’année de perception de la taxe indiquait que le propriétaire du vélo s’était bien acquitté de l’impôt. À partir de 1943, la plaque de vélo fut remplacée par un timbre fiscal. L’impôt sur les vélocipèdes sera définitivement supprimé en 1959 par un arrêté de décembre 1958.

 

**Ceux que la communication et l’histoire des marques intéressent trouveront un article amusant et bien documenté sur « la guerre des vaches », entre les fromageries Bell et Grosjean, sur heraldie.blogpost.fr

 


Livres anciens et équitation


 


Quand la passion devient profession…


 Depuis toujours, Philippe Deblaise aime les livres, les livres anciens de préférence…et comme son prénom le laisse présager*, il aime aussi les chevaux et élève des Pur-Sang Arabes d’Endurance. Alors, même s’il reste pour toujours viticulteur, lorsque ses fils sont prêts à reprendre l’exploitation familiale, Philippe Deblaise saute le pas et devient libraire…


 

La librairie Philippica est née avec ce siècle, en l’an 2000. Mariant les deux passions de notre viticulteur, elle est spécialisée dans la littérature équestre ancienne. Philippe Deblaise, qui est aussi écrivain – il a publié une dizaine de livres- s’est organisé pour conserver un maximum de liberté « afin de remettre de temps en temps ma casquette de vigneron » : il n’a pas de magasin et travaille beaucoup sur internet et par correspondance. « Trois ou quatre fois par an, j’envoie à mes clients un catalogues papier qui se doublent de e-catalogues sur le site de la librairie. »


S’il peut apparaitre comme très spécialisé, le créneau du livre équestre ancien bénéficie d’un large public d’amateurs, eux aussi passionnés de cheval, et puis « la littérature équestre existe depuis l’invention de l’imprimerie, explique Philippe Deblaise. Le livre le plus ancien répertorié est un ouvrage écrit par écrit par Federico Grisone, « Gli Ordini di Cavalcare », imprimé à Naples. »


D’ailleurs, en se lançant dans sa nouvelle profession, Philippe Deblaise savait devoir compter avec une concurrence parisienne bien implantée. Mais il a eu la chance de bénéficier d’une large couverture médiatique nationale, avec plusieurs reportages à la télé, son étonnante reconversion étant dans l’air du temps. « J’ai aussi profité du succès de mon premier livre, que je venais de terminer, « Gaspard des chevaux », aux éditions du Rocher. Il raconte l’histoire romancée d’un écuyer du XVIIème, Gaspard de Saunier. » Ce livre a reçu le prix Pégase de l’Ecole Nationale d’Equitation, ce qui a donné à son auteur l’opportunité de faire dans cette école une conférence sur la littérature équestre.


 Une approche originale de l’histoire des civilisations


 « C’est la beauté d’un livre et sa rareté qui en font le prix, la qualité de ses illustrations et son état de conservation Dans le monde entier, on a imprimé des livres parlant d’équitation. Ils offrent un éclairage original sur l’histoire des civilisations : ils nous renseignent sur les différentes façons de considérer, de dresser et de soigner un cheval – comme les point d’acupuncture que l’on peut trouver dans le premier livre vétérinaire du Japon, édité sous l’ère Hedo en 1620 – mais bien plus, ils sont un vecteur précieux pour suivre les échanges entre les peuples et comprendre à quel point ils ont commencé tôt… »


 Pour trouver les perles rares, Philippe Deblaise, qui appartient au Syndicat de la Librairie Ancienne court les ventes publiques et les salons du livre du monde entier, de celui au Grand Palais à Paris à celui de Sharjah, aux Emirats Arabes Unis. Comme expert de la chambre nationale des experts spécialisés, il est aussi sollicité par des particuliers ou par des entreprises : il a ainsi réalisé l’inventaire et l’estimation de la collection Hermès, une collection commencée en 1860 par Emile, le fondateur de la maison, qui comprend livres, selles, mors…


 Philippe Deblaise consacre aujourd’hui près de 80% de son temps à son activité de libraire et fait en outre de nombreuses conférences sur le livre équestre et son histoire, dont une à Saint-Pétersbourg à la demande du ministère russe de la culture. En parallèle, il poursuit sa carrière littéraire avec une dizaine de livres à son actif. « Il en est un que j’ai pris grand plaisir à écrire, plus encore que les autres. C’est « Nouvelles d’un livre » chez Actes Sud qui retrace l’itinéraire d’un livre équestre, inventé pour l’occasion, de propriétaire en propriétaire, depuis son impression au 16ème jusqu’à nos jours… »


 

*Le prénom Philippe vient du grec Philippos qui peut être interprété au sens de "qui aime les chevaux".


 

Course automobile


Roulez, roulez, petits bolides…


 


Depuis l’enfance, Paul Giraud aime la course automobile, les circuits, leurs bruits de moteurs et leurs odeurs d’essence…mais pas question pour lui de rester sur le bord de la piste. C’est derrière un volant, au milieu d’hommes et de femmes qui partagent sa passion, qu’il aime se battre pour améliorer ses résultats.


 Son amour de la course automobile, Paul Giraud la doit sans doute aux 24h00 du Mans -il a d’ailleurs une étonnante collection de modèles réduits des véhicules qui ont couru cette épreuve mythique- « Je me souviens de la voix de Tommy Franklin à la radio : juste deux minutes de commentaires toutes les heures, que l’on guettait tout au long de la journée. J’en avais la chair de poule et le plus dur, c’était d’attendre le lundi matin pour lire l’ensemble des résultats dans l’Equipe ».


 L’appel des circuits avait donc déjà commencé à se faire entendre, mais il est devenu plus fort encore pendant les études de Paul en viticulture-œnologie, à Montpellier entre 71 et 73. Dans cette région bénie par les dieux du sport automobile, courses de côtes, slalom et rallye s’enchainaient tous les 15 jours. « Avec deux ou trois copains de ma classe, on suivait presque toutes les épreuves, on passait les nuits dans la montagne, dans la neige. Je me souviens leur avoir dit : un jour c’est moi qui serait dans la voiture, c’est moi que vous regarderez tourner. Et un jour sur une épreuve de la coupe Renault, quelqu’un m’a tapé sur l’épaule. C’était l’un de mes anciens camarades de classe, et il m’a dit tu avais raison, tu es dans la voiture et tu tournes. »



Car, à partir de 1976 et jusqu’en 1984, Paul Giraud a couru chaque année la coupe Renault Elf Gordini sur tous les circuits français. « Tous les pilotes courraient avec la même voiture, une Renault 5 Alpine, raconte-t-il.  Il y avait jusque 150 concurrents par compétition et il n’y avait que 20 finalistes pour chacune des deux finales. Cela donnait des bagarres très serrées et c’est le talent du pilote qui faisait seul la différence. » En plus d’une bonne dose d’adrénaline, ces années ont beaucoup apporté à Paul Giraud, bien au-delà de la simple compétition automobile : « C’était une véritable école de la vie. Je sortais de ma campagne et je pensais que si l’on était honnête, poli et bien élevé, tout devait bien se passer. Ces courses m’ont fait découvrir le monde tel qu’il est. J’ai rencontré des gens formidables, des riches comme des moins riches, des vedettes et des anonymes, des cons et des bons, des coups de main et des coups fourrés…un excellent résumé de la vie. Ces années de coupe ne m’ont laissé que des très bons souvenirs, même si je les ai courues avec plus ou moins de bonheur, côté résultats. J’ai fait quelques podiums, fort heureusement, car c’est quand même pour être devant que l’on court, pour « être sur la boîte » comme on dit sur les circuits, pour être sur le podium.


Pour mon métier aussi, la compétition a été une bonne école, elle m’a appris la volonté de faire bien, et à mettre en place les moyens pour y parvenir. Elle m’a aussi appris à me critiquer moi-même…. Sur les circuits, j’ai vécu de vraies histoires humaines. Elles ont été possibles, parce qu’à l’époque ce genre de loisir pouvait se vivre avec des moyens raisonnables, et que je faisais en sorte de réduire les frais. Je me souviens par exemple que, pour aller sur les circuits le week-end, je partais avec mon ami Pierre Julliard et qu’on roulait de nuit, pour éviter la circulation, en se relayant… »


 L’aventure recommence…


 En 85, Paul Giraud arrête le circuit : la filière cognac est à la peine et il se marie. Impossible de tout mener de front, mais l’amour du sport automobile ne l’a pas quitté pour autant, et après la mort de son épouse, il renoue avec les circuits. Depuis 2012, il participe à un championnat des voitures historiques*, le Historic Tourism Championship Car (H.T.C.C.). « Quand les pilotes deviennent historiques, il est logique que les voitures le soient aussi, sourit Paul Giraud. » Avec des amis rencontrés au bord des circuits, ils créent l’équipe de Mousquetaires : « Nous sommes quatre bien sûr, explique-t-il, et tous licenciés à Nogaro dans le Gers. Cela faisait plaisir au producteur de cognac que je suis de faire un clin d’œil aux producteurs d’Armagnac. Tous les ans j’organise pour tout le circuit de Nogaro un apéritif cognac/ jus de raisin, dans la bonne humeur et en toute amitié. »


Les mousquetaires courent sur 4 BMW 323 I des années 80, totalement de série. Tous les quatre pilotent et chacun a un rôle spécifique dans l’équipe : Franck Cabarrou, excellent mécanicien, entretient les véhicules avec son fils Florian, Michel Goy, un ancien pilote de ligne, s’occupe avec Paul Giraud de recherche de sponsoring et de logistique. L’intérêt du HTCC- 5 à 6 meetings par an pour environ 40 concurrents et 2 courses par meetings- c’est de pouvoir courir à moindre frais :  les véhicules n’ont pas une énorme valeur, ils sont fiables et un bon mécanicien peut intervenir facilement dessus. Ce sont les derniers véhicules avant l’invasion de l’électronique et on trouve encore des épaves pour les pièces.


Sur le HTCC, on croise principalement d’anciens pilotes qui occupent agréablement leurs retraites. « Les mousquetaires, c’est de nouveau une belle aventure humaine. On s’est rencontré de façon fortuite, sur le bord d’un circuit et le mystère des affinités a joué. Le fait de tourner en équipe permet aussi de partager les compétences. Par exemple, moi qui suis nul en mécanique- je suis capable de faire un bon compte-rendu de ce qui cloche sur une voiture, grâce au ressenti de la conduite, mais ça s’arrête là et la mécanique ne me passionne absolument pas- j’ai besoin du talent de Franck. »



Les projets de Paul et de ses mousquetaires ? « Continuer à améliorer nos résultats bien sûr, ils sont plutôt bons pour le moment. Mais aussi aller sur des circuits mythiques, comme celui de Spa en Belgique ou sur le Nürburgring en Allemagne, juste pour rouler, juste pour le plaisir… »


 *voitures construites avant 85


 

Paul Giraud dirige une exploitation de 42 h à Bouteville, qui propose de la vente à la propriété et exporte 85% de sa production dans 30 à 35 pays


 

 

 

Vigne ou cheval… Le quel est le violon ?

 

 

Difficile pour Pierre Michelet de trancher et de répondre à la question, tant ces deux passions se sont entremêlées tout au long de sa vie mais ainsi qu’il l’explique « Le cheval, c’est beaucoup de passion, et il arrive un moment où l’on est content de s’en extraire un peu pour revenir à des activités plus terrestres… »

 

 A 20 ans, alors qu’il découvre les métiers de la distillerie chez Michel Boinaud, Pierre Michelet est en parallèle moniteur d’équitation. Il opte bientôt pour une carrière sportive de cavalier professionnel dans la discipline olympique de concours complet (voir encadré). Lorsqu’il décide de quitter la compétition, après une jolie collection de titres, c’est pour prendre la direction du centre de plein air de Chambon, où l’équitation tient bien sûr une place de choix. « Au Chambon, j’ai eu l’occasion d’organiser des épreuves importantes. C’est alors que j’ai commencé à créer des parcours de cross. La Fédération Internationale d’Equitation les a appréciés et ils m’ont demandé de prendre en charge la conception de parcours en France et à l’Etranger…c’est ainsi que je suis devenu «course designer», chef de piste ! »

 

 

Et bien qu’il soit revenu à Mazotte, près de Segonzac, pour prendre les rênes de la propriété paternelle, Pierre Michelet arpente le monde depuis plus de 20 ans pour concevoir et organiser des parcours. Moment fort de cette carrière, après être intervenu comme conseiller sur les jeux d’Athènes et de Londres, sa nomination comme chef de piste pour le cross de l’épreuve de concours complet des Jeux Olympiques de Rio en 2016.

 

 

Le rôle du chef de piste

 

 

L’épreuve de cross est sans conteste, la plus spectaculaire et la plus attendue des trois épreuves du Concours complet d’Equitation (CCE) :  chaque couple cavalier-cheval doit franchir des obstacles naturels et variés répartis sur plusieurs kilomètres de piste avec du dénivelé et des passages dans l’eau. Le rôle du chef de piste est donc de définir le tracé, de positionner les obstacles, et d’ajuster les difficultés – mouvements de terrain, combinaisons à obstacles multiples… – en tenant compte de la nature du terrain, des conditions météorologiques, tout en respectant le règlement de la compétition. La construction des parcours a une influence primordiale sur le déroulement des compétitions et une épreuve réussie offre un spectacle de qualité au public et un défi sportif aux concurrents,

 

« 80% du travail se fait dans la tête, explique Pierre Michelet. Il faut prévoir un premier déplacement pour étudier le terrain et décider des travaux à réaliser, car il faut parfois déplacer de la terre ou créer un plan d’eau…. Pour Rio par exemple, l’épreuve se déroulait sur un terrain militaire qui manquait d’envergure, il a fallu ajouter de la décoration. » La décoration ce n’est pas que pour faire joli, ça sert aussi à interpeller les chevaux quand ils arrivent sur un obstacle ou à compliquer un obstacle trop facile. « Il y a donc des visites de suivi de chantier et deux jours avant la compétition, on finalise, on fait les ajustements, ce qui prend beaucoup de temps. Pour Rio, je suis allé 15 fois au Brésil en 3 ans. »

 

Pierre Michelet est aussi tuteur pour la Fédération Internationale d’Equitation et donne des cours de « conception de cross » environ une fois par an…en Nouvelle Zélande, en Angleterre, aux USA…

 

Sa casquette de course designer l’entraîne loin de Segonzac, environ 200 jours par an, en Argentine, au Pérou, au Mexique, en Equateur, en Chine, à Hong Kong, en Espagne, en Inde… Quand à sa casquette de viticulteur… « C’est surtout l’hiver, ou en début de semaine car beaucoup de compétitions ont lieu le week-end… et puis j’ai la chance d’être entouré de gens compétents et sérieux. »

 

 

Pierre Michelet exploite 25 hectares de vignes à cognac.

 

 

Le concours complet d’équitation

Il consiste à enchaîner 3 tests :

°Le dressage valide le bon emploi des aides du concurrent et la qualité du dressage des poneys / chevaux.

°Le cross permet de vérifier la franchise du couple et la maîtrise d’une vitesse imposée en équitation d’extérieur.

°Le saut d’obstacles révèle l’aptitude à enchaîner un parcours, la bonne attitude et des gestes techniques justes.

Le concours complet nécessite que le cavalier ait une expérience des 3 disciplines équestres et une connaissance précise des capacités de son poney / cheval. Le poney / cheval exprime des compétences résultant d’un entraînement judicieux et rationnel.

Discipline reine de l’homme de cheval, le concours complet est apprécié par la complicité des tests qu’il comporte. Les adeptes du complet aiment le compagnonnage avec leur cheval pour une compétition qui s’inscrit dans la durée, du fait de la succession des trois tests avec le même cheval.

 

 

 

 

 

 

Quand le « violon » sonne comme une trompe….

 

 

…on peut en déduire sans hésitation que l’on s’apprête à parler chasse et grand gibier ! La chasse, Christian Vignaud est tombé dedans quand il était petit… il lui consacre depuis beaucoup de temps :  battues et chiens, réunions et responsabilités mais aussi musique puisque Christian est sonneur de trompe au sein du Rallye Saint Hubert du Pays de Cognac

 

 

« La chasse, c’est ma vie, c’est une partie de moi. Quand j’étais enfant, toute ma famille était passionnée par la chasse…Mon père était Président de la société de chasse de Cherves Richemont et lieutenant de louveterie », Les lieutenants de louveterie sont nommés par le préfet. Auxiliaires de l’État, ce sont aussi les conseillers techniques de l’administration pour les problèmes de gestion de la faune sauvage, y compris sur le plan sanitaire. Leurs fonctions, exercées dans l’intérêt général, sont bénévoles. Ils sont douze en Charente. En 1988, Christian Vignaud reprend le flambeau de son père, il est assermenté le 1er Janvier : « C’est hors des périodes de chasse qu’il y a le plus de travail, explique-t-il. Par exemple en ce mois de juin, on organise des battues administratives tous les week-end. »

 

En 1990, c’est à la présidence de la société de chasse de Cherves- Richemont qu’il prend la succession de son père : « Je suis un président actif : les réunions sont faites pour que toutes les questions soient mises sur la table et qu’on leur trouve des réponses…alors peu à peu, au fils du temps vos compétences s’affirment et les gens vous demande de prendre part à de plus en plus de chose. »

 

C’est ainsi qu’il devient 1er vice-président du groupement des Borderies en 2000, et qu’il semble tout naturel de lui confier la présidence du GIASC* des Borderie la même année. Depuis 2007, il est aussi membre de la commission Grand Gibier et consacre sans doute près de 50% de son temps à la chasse. Mais, quelque serrés que soit son agenda, il trouve toujours un peu de temps à réserver pour « sonner » !

 

 

Une trompeuse simplicité

 

 

« J’ai toujours aimé la trompe de chasse. Alors j’ai commencé à l’étudier à 18 ans et je ne me suis plus arrêté de sonner depuis. » Car on ne « joue » pas de la trompe de chasse, on en sonne. Indissociablement lié à la chasse au grand gibier, cet instrument à la sobre élégance est plus complexe qu’il n’en a l’air : Le son provient d’une vibration des lèvres dans l’embouchure. Le changement des notes se fait essentiellement par variation de pression, ce qui met la musculature de la bouche à rude épreuve. Lorsqu’ils sonnent en public, les sonneurs doivent porter la tenue de vénerie (cape ou casquette, cravate de chasse, veste, culotte, bottes de cheval ou bas).

 

Autre spécificité de la trompe, les sonneurs se placent dos au public, parce que le pavillon est dirigé vers l’arrière et envoie le son dans ce sens… Le public entend donc mieux lorsqu’il se situe derrière le sonneur…Christian Vignaud sonne avec le rallye de Saint Hubert du Pays de Cognac. Les seize membres s’entraînent tous les mardi soir et participent à de nombreux concours, mais aussi à des repas de chasse, à des fêtes de la Saint Hubert, à des concerts. Le rallye s’occupe aussi d’une école de trompe, dont les cours se déroulent tous les vendredi soir.

 

 

 

Christian Vignaud exploite 20 h avec son frère à Cherves- Richement

 

 

*Le Groupement d’Intérêt Agricole Sylvestre et Cynégétique G.I.A.S.C.), créé en Août 1985, est une Association selon la loi 1901, agréée au titre de la Protection de la Nature. Il est prestataire de services en travaux agricoles, forestiers, cynégétiques, et d’Entretien de l’Espace Rural et d’Espaces Verts. Il intervient auprès des propriétaires agricoles, forestiers, des particuliers, des entreprises et auprès des divers syndicats, Communes et Communautés de Communes.

 

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Des outils et des hommes….

 

 

 

Pour le philosophe Michel Serres, l’homme est un animal déspécialisé et c’est l’outil qui prolonge sa main qui le spécialise …impossible donc de penser outil sans penser humain, et lorsque l’on a la chance de découvrir la fantastique collection d’outils anciens que Guy Herbelot a patiemment constitué pendant plus de 40 ans, on ne peut s’empêcher d’imaginer les milliers de mains qui ont tenu ces objets, les milliers de corps qu’ils ont parfois déformés, les milliers de choses – de la simple barrique au chef d’œuvre- qu’ils ont permis de créer.

 

 

Guy Herbelot a la passion des outils. C’est son père, fils de menuisier charpentier, qui lui a passé le virus. Et depuis plus 40 ans, en courant les brocantes- quelques 80 par an- et les ferrailleurs, il en a accumulé plus de 15 000, des outils qui ont trait à la vigne, à la distillerie, à la tonnellerie mais aussi des outils de bourrelier cordonnier…et tout ce que l’homme a pu inventer pour faciliter son quotidien et améliorer ses créations.

 

Toutes ces merveilles, il les conserve dans son exploitation viticole de Charente-Maritime, dans ses chais et dans ses greniers. Si une partie de cette imposante collection est parfaitement rangée et même joliment présentée, ce n’est pas le cas pour tout le stock, mais qu’importe : il suffit de suivre le maître des lieux dans les allées encombrées pour qu’il vous fasse découvrir les pièces les plus insolites et les plus rares…qu’il trouve toujours sans coup férir !

 

 

Quelques morceaux choisis…

 

 

Passons sur les 350 salières, les 40 soupières et la collection de modèles réduits pour nous intéresser à la collection d’outils. Du côté de la vigne et de la tonnellerie, comptons plus de 650 sécateurs, des robinets par dizaines dont quelques superbes exemplaires décorés de têtes de chien ou de dauphins, des instruments de pesée d’alcool, au mercure et au plomb, dont un coffret Mareste ( au mercure) complet, avec ses tables, des bouteilles à échantillon, des bougeoirs de contrôle, toute sorte de bouche-bouteilles, une jauge pliante, un «voleur » utilisé pour travailler l’épaisseur des douves, un stockholm, rabot rond et cintré permettant de rogner et égaliser les douelles…Impossible de savoir ce que vient faire ici la capitale de la suède !

 

 

Et lorsqu’on s’éloigne de l’univers de la vigne, c’est pour découvrir des dizaines de fers à repasser, des coyers, les étuis dans lesquels les faucheurs rangeaient leur pierre à aiguiser dans un peu d’eau, du matériel de chapellerie, des fers à marquer, quelques 2000 marteaux dont un étonnant marteau chapeau de gendarme et de minuscules marteaux d’horlogerie, des marteaux d’ardoisier, de paveurs, de sabotiers, de maréchal ferrant….Sans oublier des batteurs à œuf ( comme ceux avec lesquels vous avez peut-être eu l’occasion de jouer enfant chez votre grand-mère), des fusils à aiguiser (quelle banalité ! ) des machine à couper les haricots verts !!!! – le plus étonnant étant sans doute qu’il en existe une version française et une version hollandaise et que Guy Herbelot possède les deux-, des pinces à coude, à castrer, ou à poser un anneau dans le nez des taureaux, des machines à faire téter les veaux, des moules à beurres, à cigares, ou à chocolat, des poids de toutes les époques, des cassottes ( louches à eau) pour se laver les mains en économisant l’eau du seau, des casse-sucre, des lampes de fiacres des taille-soupe ( pour couper de fines lamelles de pain rassis), des scies de long et des scies de chirurgien….

 

Et puisque ce papier commence avec Michel Serres, permettez-nous d’en appeler aux mânes de Jacques Prévert pour le conclure en ajoutant : …et un raton-laveur !

 

La famille Herbelot est à la tête de cette exploitation viticole à Echebrune depuis 4 générations

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

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