Les responsables de l’UGVC considèrent que l’accompagnement des besoins des marchés est prioritaire
L’expansion constante et soutenue des expéditions de Cognac depuis 15 ans a entraîné un développement de la filière Cognac qui se traduit par une demande et une production d’eaux-de-vie en hausse régulière. Les volumes de production en 2018 et les besoins pour les millésimes 2 019 et 2 020 atteignent des niveaux importants que les professionnels ont calibrés pour satisfaire les besoins des marchés actuels et futurs. Cette conjoncture porteuse a amené les responsables de l’UGVC à construire un projet global de développement des potentialités de production du vignoble Charentais en s’appuyant sur les données du Business Plan. Stéphane Roy, le secrétaire général de l’UGVC a souhaité expliquer la stratégie de production du syndicat.
– Revue Le Paysan Vigneron : – La présentation récente des besoins de production pour la récolte 2 019 de 922 242 hl d’AP débouche sur un rendement annuel Cognac minimum de 11,77 hl d’apr./ha qui sera réajusté au mois de septembre en fonction des prévisions de récolte. L’incidence des différents aléas climatiques, la grêle, le gel laisse penser qu’un rendement 2 019 se situant entre 14 et 15 hl d’ AP/ha est donc probable ?
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Stéphane Roy : – Il ne faut pas penser que les besoins de production d’eaux-de-vie des derniers millésimes ont été établis à partir d’éléments conjoncturels liés seulement à la bonne dynamique actuelle des ventes de Cognac. C’est justement tout le contraire. Les deux familles de la viticulture et du négoce ont fait le choix de se doter depuis plus dix ans d’un outil de gestion innovant, le business plan, dont la fonction est de cerner avec le plus de précisions possibles les besoins de production en eaux-de-vie annuels et les contingents de plantations nouvelles. C’est un véritable tableau de bord dont le fonctionnement intègre, les productions des derniers millésimes, les niveaux de stocks corrélés aux différents segments de qualités, les expéditions des dernières années, les prévisions des ventes pour la prochaine décennie et également une analyse prospective des capacités de production du vignoble à moyen terme. Les données fournies par le Business plan sont les bases de calcul des besoins de production et comme la filière Cognac vit une phase d’expansion régulière, ils atteignent des niveaux élevés.
– R.L.P.V : – Les données fournies par le Business Plan sont en quelque sorte devenues pour les responsables de l’UGVC et de l’interprofession, les éléments référents pour le développement de la filière ? L’outil a donc pleinement démontré sa fiabilité ?
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S Roy : – Au fil des années, le business plan s’est enrichi de nouvelles données qui l’ont fait évoluer et contribuent à lui conférer une meilleure fiabilité. Au départ, le BP était remis en cause uniquement au bout de chaque mandature (3 ans) mais désormais, il est challengé tous les ans. À l’échéance de chaque 31 mars, les données des sorties, des expéditions par qualité, de la production annuelle et de la couverture de stock par compte d’âge sont scrutées de près. Cette surveillance annuelle permet de voir si le réalisé est en phase avec les prévisions. Nous sommes bien conscients que l’on peut être confronté à des séquences de baisse ou de hausse plus ou moins fortes qu’il faut savoir intégrer dans notre outils de gestion régional. De trop fortes variations dans un sens comme l’autre par rapport aux indicateurs de sécurité engendrent une re-discussion et une remise en cause des données chiffrées. C’est un élément de sécurité important. Au cours des dernières années, le business plan a donné satisfaction et cela nous incite à faire évoluer la prévision annuelle de gestion des besoins de production et celles des contingents de nouvelles plantations. Déjà cette année, les nouveaux objectifs de production ont été fixés pour les récoltes 2 019 et 2 020. Notre volonté à partir de la prochaine mandature (de 2021 à 2023), sera d’établir une stratégie pour les trois récoltes à venir.
– R.L.P.V : – Quelle est la démarche de réflexion qui a permis d’aboutir à cette stratégie pérenne de niveaux de rendements Cognac élevés ?
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S Roy : – Nous voulons rendre la filière Cognac attractive. Les viticulteurs doivent dégager plus de revenus tout en permettent à la filière d’avoir une stratégie de développement pérenne. Au sein de l’UGVC deux approches de gestion du potentiel de production existent. La première tend à resserrer les volumes produits pour créer de la rareté et générer de la valeur et la seconde veut rendre la filière la plus attractive possible afin d’attirer des opérateurs importants qui développeront la catégorie Cognac dans le monde. Cette seconde approche est majoritaire ce qui justifie notre politique de rendements Cognac élevés. Plus des groupes de spiritueux importants investiront dans les maisons de négoce plus des moyens conséquents seront déployés pour développer les ventes de Cognac et plus on valorise notre filière. Pour attirer durablement des investisseurs de premier plan, il faut être en mesure de leur donner de la visibilité au niveau de la production d’eaux-de-vie. Nous avons fait le choix d’une politique de l’offre mais avec en contrepartie, une exigence de redistribution de valeur. En retour le négoce doit apporter la meilleure valorisation possible sur les eaux-de-vie. Une telle approche, « c’est du gagnant gagnant ». C’est la stratégie de l’UGVC.
– R.L.P.V : – N’avez-vous pas le sentiment que les niveaux de rendements deviennent inaccessibles pour un certain nombre de propriétés de la région ?
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S Roy : – Le niveau de rendement Cognac de la récolte 2 018 a créé au moment de sa fixation un certain émoi dans la région. Un certain nombre de viticulteurs qui l’avait contesté au départ en ont aussi bénéficié ensuite après les vendanges. La nature plus généreuse qu’espérée a parfois dopé la productivité et permis de mettre en stock des volumes commercialisables. À l’inverse, ceux qui ont été affectés par les aléas de grêle n’ont pas eu cette chance. Le déficit de production des surfaces grêlées a été pris en compte dans l’approche de fixation du rendement Cognac avant les dernières vendanges. Dans la conjoncture d’expansion des expéditions de Cognac et après le gel de 2017, la recherche de volumes compensant le déficit lié aux aléas climatiques s’est imposée comme le seul moyen permettant de satisfaire les besoins de production établis par le Business Plan et attendus par le négoce. Nous assumons cette décision qui est la conséquence des limites de productivité du vignoble actuel. Nous n’avons pas planté assez tôt ! La stratégie de développement ambitieuse de la filière avec de nouveaux contingents de plantations est une des réponses à toutes ces problématiques. Néanmoins, à terme, revenir à des rendements Cognac de 11 à 12 hl d’AP/ha serait souhaitable par rapport à la montée en puissance des exigences environnementales. Cela offrirait aussi la possibilité aux viticulteurs de reconstituer des stocks de réserve climatique.
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– R.L.P.V : – Toute votre stratégie repose sur un engagement responsable dans la durée la viticulture et du négoce ?
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S Roy : Effectivement, l’implication forte et pérenne des acteurs de la viticulture et du négoce est essentielle pour le développement de la filière Cognac. Le fondement de toute notre stratégie repose sur l’accompagnement des besoins des marchés. C’est à la fois simple et ambitieux. Cerner finement les besoins d’eaux-de-vie adaptés aux différentes qualités commerciales de Cognac vendues sur les marchés est le fondement du Business Plan. Ce tableau de bord est construit à partir de trois éléments, un modèle de calcul des besoins des marchés, un modèle de stock et un modèle de production. Un gros travail a été réalisé pour mieux appréhender les potentialités agronomiques actuelles et futures du vignoble. Les conclusions d’une étude ont permis d’analyser finement le taux de renouvellement des vignes, les pratiques de production, les scénarios climatiques engendrant des pertes de récoltes significatives et les conséquences de la montée en puissance progressive des exigences environnementales. Le modèle de stock intègre des analyses par compte d’âge corrélées aux besoins qui ont débouché sur la notion de taux de couverture. Un taux de couverture des stocks se situant entre 1,05 et 1,06, représente des disponibilités volumiques d’eaux-de-vie adaptées à la demande des marchés.
– R.L.P.V : – Vos choix assumés de politique de l’offre ne limite-elle pas les perspectives de retour de valeur pour la viticulture ?
S Roy : – Notre politique de l’offre ne pourra fonctionner durablement que si la redistribution de valeur pour les viticulteurs est régulière et cohérente. Nous sommes très attentifs à cet aspect des choses et le déroulement du contexte de l’écoulement de la récolte 2 018 nous conforte. L’année dernière, l’augmentation des volumes produits s’est accompagnée d’une hausse des prix des eaux-de- vie nouvelles proches de 10 %, ce qui est tout de même très significatif. Nous estimons qu’un tel niveau de revalorisation n’était pas lié seulement à des éléments conjoncturels mais à de réels engagements de redistribution.
– R.L.P.V : – Certaines propriétés confrontées à une fréquence accrue d’aléas climatiques ont des niveaux de productivité très inférieurs aux moyennes régionales et voient leurs stocks (commercialisable ou de climatique) s’amenuiser au fil des années. L’UGVC envisage-t-elle d’imaginer la mise en place d’un système de compensation solidaire à l’échelle de la région délimitée ?
S Roy : – Nous sommes pleinement conscients qu’un certain nombre de propriétés ont été soumises depuis 10 ans à une succession d’aléas climatiques qui pénalisent leur productivité. C’est le cas notamment de celles qui sont implantées dans des zones basses naturellement plus sensibles au gel. L’idée de mettre en place un système de compensation solidaire à l’échelle de la région avait été évoqué par plusieurs membres de l’UGVC mais ce projet complexe n’a pas abouti. Une baisse du rendement Cognac pour pouvoir mettre en stock des volumes de réserve climatique n’est pas non plus une solution cohérente car cela priverait la filière de volumes commercialisables.
Le seul véritable élément de compensation vis-à-vis des aléas climatiques est de s’assurer. Or, un nombre encore trop important de propriétés ne contracte pas d’assurance. C’est pourtant un moyen cohérent de limiter les pertes économiques liées à des gels ou à des grêles de fortes intensités. L’UGVC a été à l’origine d’une concertation et de négociation auprès des assureurs pour inciter les adhérents à bénéficier de conditions plus attractives. Des actions collectives ont été aussi mises en place pour densifier le réseau de lutte contre la grêle et plusieurs projets de réseaux de tours à vent antigel sont à l’étude.