Le début de cycle végétatif 2004 évolue d’une manière tout à fait normale en terme de précocité et après un début de mai pluvieux et froid, le retour de conditions climatiques plus clémentes a accéléré le développement des jeunes pousses. D’une manière générale, les effets nature des sols et date de taille ont influencé la précocité de l’éclosion des bourgeons, mais la sortie semble bonne et homogène dans les parcelles. Indéniablement, la période plus fraîche de début mai a eu une incidence sur la croissance végétative puisque l’on constatait que des pousses très courtes de seulement 3 à 5 cm de long possèdent déjà 3 ou 4 feuilles. La remontée des températures a été propice à un allongement rapide des entre-cœurs et le retard actuel d’environ une semaine sur une année moyenne risque d’être facilement rattrapé. Au 11 mai, la végétation semble être dans une phase d’attentisme typique des périodes climatiques déficientes sur le plan des niveaux de températures. Seules les parcelles ayant beaucoup souffert de la sécheresse l’été dernier ont un taux de bourgeons non débourrés nettement plus important. Le bon niveau de débourrement dans les vignes vigoureuses s’extériorise par la sortie de nombreux bourgeons latents au niveau des troncs et des bras de ceps qui, dès le stade 2 feuilles étalées, constituent un bon « ascenseur » pour nombre de parasites. Les travaux d’épamprage auront cette année toute leur raison d’être sur les cépages naturellement propices à émettre des gourmands et aussi sur les Ugni blancs. Les conditions sèches de l’hiver et du début du printemps ont aussi facilité la réalisation des travaux mécaniques (prétaillage, broyages et désherbages) dans de bonnes conditions de portance, ce qui a permis de ne pas « abîmer » la structure des sols. D’ailleurs, les préparations de sols en vue des plantations de ce printemps ont été réalisées dans d’excellentes conditions et les récentes pluies ont été bénéfiques vis-à-vis du développement rapide des plants.
La forte incidence de pluies pour les projections de spores de mildiou
La climatologie d’avril, avec une période sèche en début de mois et surtout une dernière décade pluvieuse, a été propice aux contaminations d’excoriose dans les parcelles précoces et préalablement infestées l’année dernière. La fin de ce mois a été aussi favorable à la dispersion des pleurs porteurs de bactéries assurant la diffusion de nécrose bactérienne, et les premiers symptômes de la maladie étaient visibles que vers la mi-mai. Les observations concernant l’évolution du risque mildiou réalisées par le SRPV de Cognac et le groupe Modélisation des Chambres d’agriculture ne semblent pas alarmistes en ce tout début de saison. Le modèle MIL VIT du SRPV de Cognac calcule les risques de contamination en début de saison en ne tenant pas compte du niveau de pluviométrie car ce sont les gouttelettes d’eau qui assurent la projection des spores sur la végétation par un simple effet mécanique.
Le rôle des rosées s’avère marginal dans le processus des contaminations primaires alors qu’il devient prédominant par rapport aux pluviométries lors du déroulement des contaminations primaires. L’eau est indispensable à la fois à la libération des zoospores, puis à leur germination et à leur pénétration par les stomates. La température joue un rôle déterminant sur la vitesse de germination des spores qui nécessite 17 heures à une température de 6 °C et une heure seulement à 18 °C (voir schéma). Le suivi de la germination des œufs d’hiver réalisé à Cognac a indiqué que la maturité en 24 heures en conditions de laboratoire était atteinte le 19 avril ; et en présence de conditions favorable liées à la climatologie et à la réceptivité de la plante, le parasite aurait pu développer sa première contamination.
Deux événements contaminants potentiels les 19 et 29 avril
L’intensité de la sporulation est étroitement liée au niveau des températures
Une méthodologie d’incubation rapide pour valider les premières contaminations potentielles
Cette année, l’équipe du SRPV de Cognac dispose de deux sites tests Raisomildiou qui commencent à apporter des informations de laboratoire sur la validité des tout premiers événements contaminants. Une parcelle de Folle Blanche très précoce de Grézac a permis d’observer l’apparition d’une tache d’huile les 6 et 7 mai, ce qui valide la contamination du 19 avril, date à laquelle des jeunes pousses étaient déjà au stade 2-3 feuilles étalées sur ce site. Des échantillons de feuilles en laboratoire provenant de Louzac-Saint-André et de Rouffignac ont extériorisé le 9 mai deux taches de mildiou, ce qui validerait les risques de contaminations primaires de la journée du 29 avril. Ces résultats de laboratoire en durée d’incubation accélérée apportent une information qui valide les indications fournies par le modèle, mais ils ne traduisent pas la réalité de l’apparition du mildiou sur le terrain puisque les durées d’incubation et les sporulations sont ralenties et perturbées par les niveaux de températures froides pour la saison.
UN EPI devenu positif seulement depuis le 11 mai
Au niveau du réseau régional Modélisation animé par les Chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime, l’analyse de la situation mildiou est tout à fait cohérente avec celle du Service de la Protection des Végétaux. Le modèle Potentiel Système permet de déterminer deux types de contaminations. Les premières sont des contaminations sporadiques dites « 7 élites » dues à une faible population d’œufs d’hiver ayant un cycle précoce par rapport à l’ensemble de la population, et cet événement contaminant est sans conséquence pour le vignoble. Les secondes sont des contaminations épidémiques responsables d’attaques au vignoble. Au 25 avril, des simulations de pluies de 10 mm avaient juste provoqué une maturation des œufs les plus précoces et donc seules des contaminations sporadiques étaient en mesure de se produire dans les vignes à la faveur de précipitations significatives. Les calculs du modèle au 4 mai ont permis de valider les premières contaminations élites et de nouvelles simulations en présence de pluies de 25 mm entraîneraient une pleine maturité des œufs d’hiver susceptibles de provoquer des contaminations de masse avec un gradient d’intensité supérieure sur la zone sud de la Charente-Maritime (secteur Saint-Bonnet, Jonzac, Montendre). Le 7 mai, les techniciens ont clairement exprimé dans l’Epiflash n° 3 que les prochaines pluies (de 5 à 10 mm seulement) seraient en mesure de provoquer les premières contaminations épidémiques de mildiou sur l’ensemble des postes d’observation. Un nouvel épisode pluvieux a validé cette hypothèse et les premières contaminations épidémiques ont été effectivement enregistrées sur la moitié des stations du réseau qui avaient été soumises à des pluies significatives. Les valeurs de l’EPI sont devenues positives sur l’ensemble des sites. La préconisation est de réaliser à partir du 12 mai une protection pour être en situation préventive avant les prochaines pluies. L’état actuel de la végétation des Ugni blancs qui n’a guère dépassé le stade 4 feuilles étalées rend tout de même difficile l’utilisation de fongicides systémiques dont l’efficacité sera diluée par une pousse rapide. A priori, les fongicides de contacts ou pénétrants sont mieux adaptés à ces interventions de début dont le renouvellement est soumis à la fréquence des précipitations et à la rapidité de la pousse. Le retour du beau temps à partir du 17 mai a entraîné une forte pousse de la végétation qui a doublé de volume en 4-5 jours. Des orages très locaux le 19 mai ont parfois apporté sur des zones 15 à 30 mm de pluie. Les valeurs de l’EPI, qui avaient enregistré une nette progression jusqu’au 15 mai, semblent ensuite s’être stabilisées jusqu’au 25 mai, à la faveur d’un climat chaud et sec. Néanmoins, l’arrivée de nouveaux épisodes pluvieux est en mesure de relancer la dynamique épidémique du mildiou.
Au niveau de l’oïdium, une très faible proportion des organes de conservation de la maladie commençait juste à arriver à maturité sur les sites les plus précoces au 10 mai et pour l’Ugni blanc le stade de sensibilité (boutons floraux séparés) n’est pas atteint. A cette même époque, pour les cépages précoces comme le Chardonnay, le Sauvignon, le Merlot et le Colombard, le stade grappes séparées est souvent atteint voire dépassé sur les situations les plus précoces. Au niveau du black-rot, la situation a évolué assez rapidement en ce début du mois de mai. Le SRPV de Cognac a observé les premières germinations d’asques autour du 10 mai et la réalisation d’une protection précoce synchronisée à celle du mildiou ne se justifie que dans les parcelles fortement infestées l’année dernière et où l’inoculum est resté présent. Les techniciens du réseau Modélisation ont aussi observé durant cette même période qu’un faible taux de périthèces était arrivé à maturité et seulement sur quelques sites réputés sensibles à la maladie.
Bibliographie :
M. Patrice Rétaud, du SRPV de Cognac. M. Jean-François Allard, de la Chambre
d’agriculture de la Charente. Le réseau régional Modélisation des Chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime. M. Benoît Herlemont, du SRPV Aquitaine.
M. Sébastien Ricard, de la société Syngenta.