Une politique de rupture pour réindustrialiser l’Amérique et rééquilibrer les échanges mondiaux

9 avril 2025

Nina Couturier

Scott Bessent, secrétaire américain au Trésor défend la stratégie tarifaire de Donald Trump

Le 7 avril 2025, le Secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, était l’invité de Tucker Carlson, éditorialiste passé par CNN et Fox News. Défendant la nouvelle doctrine tarifaire du président Donald Trump, Scott Bessent la qualifie de levier de transformation économique majeur, visant à passer d’un modèle financiarisé à une économie industrielle. Une politique « ambitieuse » s’inscrivant dans une tradition historique, d’abord portée par Alexander Hamilton, l’un des pères fondateurs des Etats-Unis, mais suscitant aujourd’hui des réactions (presque unanimes) à l’international.

Une tradition ancienne : des fondements hamiltoniens à l’ère Reagan

Scott Bessent a replacé la politique tarifaire du président Trump dans une continuité historique. Il rappelle qu’Alexander Hamilton fut le premier à imposer des droits de douane, pour financer la jeune république et protéger l’industrie naissante. Trump, selon lui, s’inscrit dans cette logique, en y ajoutant un usage moderne : la négociation.

Du côté des réactions à cette politique, Scott Bessent établit un parallèle avec Ronald Reagan, dont les débuts avaient été perçus comme instables mais qui fut largement réélu en 1984.

Pour le secrétaire américain au Trésor, Trump agit dans cette même veine historique : une politique économique volontaire, parfois le  à court terme, mais porteuse de résultats à long terme.

Objectif : de la financiarisation à la réindustrialisation

Le secrétaire au Trésor critique le modèle économique américain des dernières décennies, qu’il décrit comme « hautement financiarisé ». Il estime que les États-Unis ont cessé de produire l’essentiel, y compris ce qui est vital pour la sécurité nationale. L’exemple de la crise du COVID-19 est cité comme révélateur de la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement. L’objectif de la stratégie tarifaire est donc clair : relancer la production nationale, notamment via la construction d’« usines intelligentes », et redonner du pouvoir d’achat à la classe moyenne.

Un impact économique à plusieurs niveaux

Scott Bessent estime que les nouveaux droits de douane pourraient générer entre 300 et 600 milliards de dollars par an. Ces ressources permettraient de financer des baisses d’impôts ciblées pour les travailleurs, comme l’exonération des pourboires, des heures supplémentaires, ou encore la déductibilité des intérêts pour les véhicules fabriqués aux États-Unis. Il cite également une étude du MIT montrant qu’une hausse tarifaire de 20 % n’a provoqué qu’une augmentation de 0,7 % des prix à la consommation. À terme, selon lui, les revenus douaniers diminueront à mesure que les entreprises relocaliseront leur production, mais ils seront remplacés par les recettes fiscales issues de l’activité industrielle relancée.

Relations commerciales : une remise en cause des partenariats traditionnels

Scott Bessent affirme que de nombreux partenaires commerciaux des États-Unis, y compris certains alliés, ont bénéficié d’accords déséquilibrés. Il pointe du doigt la Chine, qualifiant son modèle économique de « profondément déséquilibré », basé sur des subventions massives, des barrières non tarifaires et des coûts de production très bas. Il considère que les États-Unis, en tant que pays déficitaire, ont désormais le pouvoir de réorienter les termes de l’échange mondial. Le but n’est pas de couper les ponts, mais de pousser vers un rééquilibrage. Il évoque même un scénario de coopération future avec la Chine, dans lequel les deux puissances rééquilibreraient mutuellement leur modèle économique.

Un lobbying étranger déjà en marche

Interrogé sur les réactions internationales, le secrétaire au Trésor reconnaît que les gouvernements étrangers chercheront à négocier leurs taux tarifaires. Il précise toutefois que la décision finale appartiendra au président Trump. Ce sont surtout les entreprises, selon lui, qui mèneront les discussions les plus significatives. L’administration américaine, de son côté, entend renforcer l’attractivité du territoire via une fiscalité incitative, la déréglementation et une énergie abondante. Il insiste sur le fait que la meilleure manière d’éviter les droits de douane est de produire aux États-Unis.

Un pari industriel aux effets différés

L’entrée en vigueur ce 9 avril 2025 de la nouvelle politique tarifaire de l’administration Trump marque un choix économique audacieux — mais aussi risqué — dans un environnement international déjà sous tension. Si les objectifs affichés par le Secrétaire au Trésor Scott Bessent sont clairs (réindustrialisation, souveraineté, justice économique), la stratégie tarifaire soulève plusieurs interrogations à la lumière des équilibres géopolitiques, commerciaux et financiers mondiaux.

La promesse d’une relocalisation industrielle et d’un renouveau manufacturier aux États-Unis suppose une capacité d’investissement, de formation et d’absorption que toutes les régions du pays ne possèdent pas immédiatement. En attendant que les usines soient construites et que les chaînes de production soient opérationnelles, ce sont les consommateurs, notamment les ménages les plus modestes, qui pourraient en subir les premiers effets via une hausse des prix sur certains biens importés. Bessent évoque une augmentation limitée, mais les effets cumulatifs restent incertains.

Enfin, cette politique tarifaire s’inscrit dans un moment délicat sur le plan diplomatique : guerre en Ukraine, incertitudes autour de Taïwan, instabilité au Moyen-Orient, et tensions monétaires liées aux politiques des banques centrales. Ajouter un choc commercial à ces dynamiques peut renforcer les risques de désalignement stratégique avec les alliés occidentaux, et compliquer la coordination sur d’autres dossiers essentiels (défense, énergie, climat, sécurité numérique).

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