Une maturité des raisins hétérogène qui complique les vinifications

3 octobre 2017

     Les vendanges 2 017 ne seront pas « joyeuses » dans la plupart des chais de la région. L’événement majeur du millésime est bien sûr le gel de printemps qui a sérieusement amputé le potentiel de production. Le cycle végétatif a été marqué par des séquences climatiques très contrastées à la fois béénfiques et inquiétantes.  La climatologie capricieuse de la fin de saison n’a pas permis de pleinement harmoniser les différences d’état de maturité des raisins dans les parcelles gelées et non gelées. Cette situation rend l’organisation du planning de récolte, des chantiers de vendange et des vinifications plus complexes. L’effet nature des raisins aura un impact fort sur la structure qualitative des productions du millésime 2017.

Le sinistre de gel a été d’une intensité forte sur pratiquement l’ensemble de la région délimitée et seule quelques zones hautes ou très proches de l’océan ont été totalement épargnées. L’état d’avancement de la végétation assez développée au moment des matinées glaciales du 27, 28 et 29 avril a amplifié les dégâts. 25 000 ha ont été fortement touchés et 15 000 ha sont considérés comme partiellement gelés et moins impactés.

 

L’incidence déterminante de la topographie

 

      Les effets de topographie, d’état de propreté des sols et de contexte des parcelles (date de taille, présence de haies ou de cultures adjacentes hautes,…) ont joué à plein. Les contre-bourgeons déjà sortis en nombre ont été grillés ce qui a encore réduit les espoirs de potentialité de récolte. Dans tous les secteurs bas, l’intensité du gel a été régulièrement supérieure à 70 %. Les situations de mi-coteaux ont été aussi touchées avec un gradient d’intensité inversement proportionnelle à l’altitude. Le palier de non-gel s’est situé cette entre 85 et 100 m en moyenne. Les parcelles entre 40 et 80 m d’altitude ont certes été moins affectées mais leur productivité sera réduite et difficile à évaluer.

 

2 à 5 grappes par ceps dans les vignes gelées à plus de 70 %

 

      Le beau temps de la mi-mai à la fin juin a permis un bon redémarrage de la végétation mais le décalage de stade avec les parcelles indemnes est resté très net jusqu’au début du mois de juillet. Le second débourrement a été en général en phase avec l’état d’entretien agronomique des vignes. Dans les situations détruites à plus de 70 %, les ressorties de grappes ont été dans l’ensemble décevantes et la charge de grappes ne dépasse pas 2 à 5 grappes par ceps. Seules les parcelles taillées tardivement (parfois fiancées) ou la proportion de contre-bourgeons non débourrée au moment du gel étaient plus forte, ouvrent la perspective de rendements plus importants de l’ordre de 40 à 60 hl/ha. Dans les parcelles de mi-coteaux, les dégâts de gel ont été globalement moins importants mais très hétérogène d’un endroit à l’autre. Les fractions de rangs touchés à 30 % et à 70 %, ont eu un cycle végétatif atypique tout au long de la saison. Il est fréquent de retrouver sur les mêmes ceps, des grappes de deux générations, celles épargnées par le gel et les autres issues du second débourrement beaucoup plus tardives. Les perspectives de rendements semblent certes plus importantes (entre 40 et 70 hl/ha) mais les différences d’état de maturité des grappes vont rendre la récolte et les vinifications beaucoup plus difficiles.

 

Une précocité accélérée par le beau temps de juin et juillet

 

      Le beau temps du mois de juin a permis une accélération du cycle végétatif pour les parcelles non gelées et gelées. Le tout début floraison dans les situations précoces a été observé par les ingénieurs de la Station Viticole du BNIC, le 30 mai. L’avance était d’une semaine par rapport à la date moyenne de floraison de la dernière décennie. Ce contexte laissait présager d’un millésime ultra-précoce comparable à ceux de 2003, 2 005 ou 2 011. Les inflorescences de deuxième génération des parcelles gelées ont commencé à fleurir autour du 20 juin ce qui finalement n’était pas trop tardif. La bonne répartition des pluies en mai et juin a permis d’empêcher l’apparition de situations de stress hydrique et stimuler la croissance végétative. La pression de mildiou et d’oïdium a été globalement faible durant tout l’été. Le beau temps chaud entrecoupé d’un gros épisode pluvieux (100 mm) jusqu’à la mi-juillet a favorisé le grossissement des baies et la précocité du millésime. Les phases de nouaison et la fermeture de la grappe se sont effectuées rapidement et dans de bonnes conditions. Dans les vignes gelées, la croissance végétative a été abondante et aussi tardive en saison.

 

Un net rattrapage des parcelles gelées à la fin juillet

 

      À la fin du mois de juillet, beaucoup de techniciens considéraient que les futures vendanges allaient être ultra-précoces. Les vignes gelées dont l’avancement a été « boosté » par les conditions favorables, avaient rattrapé une partie de leur retard. L’effet conjugué climat propice et faible charge de raisins a été perceptible. Les grappes de deuxième génération sont plus petites et assez compactes. Dans les vignes non gelées, les perspectives volumiques de production s’annonçaient comme généreuses. Le climat propice du début de l’été a été propice à l’obtention de grosses grappes compactes. La véraison des parcelles était annoncée comme imminente fin juillet.

 

Un mois d’août trop frais pour initier une véraison rapide et homogène

 

      Le climat d’août déficitaire en ensoleillement et en chaleur est venu bousculer ce pronostic. La véraison s’est déroulée difficilement et a été très étalée dans le temps. Dans les vignes non gelées, le stade pleine véraison a été atteint entre le 10 et 20 août et la présence de grappes lourdes dans les parcelles s’est confirmée. Par contre, les raisins de deuxième génération ont évolué avec retard et irrégularité. La dernière semaine du mois chaude et ensoleillée a fait renaître l’espoir d’un potentiel de maturation intéressant. Malgré la précocité de l’année, l’hétérogénéité de stade de développement des grappes était perceptible dans toutes les parcelles et la perspective de vendanges ultra-précoces s’est définitivement éloignée.

 

Des pluies en septembre contrariant la phase de maturation finale

 

Les conditions climatiques fraîches et pluvieuses durant les trois premières semaines de septembre n’ont pas arrangé les choses. Entre le 05 et 20 septembre, des pluviométries plutôt abondantes se sont produites (entre 60 et 75 mm). La dernière phase de maturation des raisins s’est déroulée lentement et les effets parcelles se sont accentués. Les grappes déjà compactes à la fin de la véraison ont continué de grossir. Les baies très serrées ont absorbé de l’eau et faute de place, certaines ont éclaté. Quelques foyers de botrytis latents se sont un peu développés à la faveur de l’hygrométrie ambiante élevée. Heureusement, les niveaux de températures froides ont gêné le développement de la pourriture. L’incidence des facteurs agronomiques sur l’expression des attaques de botrytis est cette année très perceptible.

 

Un risque botrytis à bien appréhender dans les vignes non gelées

 

      Dans les parcelles non gelées, le potentiel de grappes/ha assez moyen au départ a été bonifié par un poids des grappes très élevé ce qui laisse augurer de niveaux de rendement assez généreux. Par contre le déficit d’ensoleillement jusqu’au 20 septembre a favorisé l’hétérogénéité de maturation. Au sein des mêmes souches, certains raisins semblent avancés et d’autres présentent un aspect très vert. Cela pénalise l’augmentation des teneurs en sucres mais permet de maintenir des niveaux d’acidité corrects. La perspective de niveaux de TAV élevés espérée de par la précocité du millésime s’est progressivement estompée au fil des jours de pluie. Le sujet d’inquiétude reste bien sûr l’état sanitaire. Il s’était bien tenu jusqu’au 12 septembre mais ensuite, les dernières pluies à la fois plus abondantes et fréquentes semblent plus inquiétantes. Le développement des foyers de botrytis est plus net dans les sites traditionnellement sensibles.

 

Affiner la date et la qualité de récolte pour sortir le meilleur des raisins

 

      La recherche d’une qualité de vendange optimum en 2017 devra concilier la préservation de l’état sanitaire et l’avancement de la maturité. Les différences d’état de maturité de la vendange représentent aussi un sujet d’inquiétude sur le plan qualitatif car des raisins pas assez mûrs contiennent des teneurs plus élevées en précurseurs de composés herbacés (Cis-3-Héxénol, TDN) plus élevées. Par ailleurs, Une vendange sous-mûrie est plus difficile à récolter mécaniquement. La mise en œuvre d’une réflexion poussée pour affiner la date de récolte adaptée à la maturité de chaque parcelle ou îlot sera sans doute essentielle pour sortir le meilleur de raisins. La mise en œuvre de réglages fins sur les MAV adaptés aura une importance déterminante pour respecter la qualité des raisins et limiter la présence de débris végétaux.

 

 

Dans les parcelles mi-gelées, les enjeux économiques seront prioritaires

 

      Dans les vignes partiellement gelées, la situation est plus complexe car des grappes très mûres côtoient des grappes de deuxième génération nettement en retard. Le déficit d’ensoleillement en août et début septembre n’a malheureusement pas permis aux raisins ressortis après le gel de rattraper leur différence de maturité. Il est probable que la génération de grappes postérieure à la gelée sera naturellement plus riche en composés herbacés du fait de leur état de moindre maturité. La détermination de la date de vendange idéale dans ces parcelles sera conditionnée à la fois par les enjeux qualitatifs et économiques. Les propriétés ou les surfaces gelées représentent plus de 50 % des surfaces n’auront pas d’autres choix que de privilégier les enjeux économiques. La recherche de vins ayant des niveaux de TAV les plus élevés possible est le seul moyen d’espérer compenser en partie les faibles rendements/ha. Il n’est pas possible de reprocher à des viticulteurs dont les rendements seront de toute façon inférieurs aux coûts de production, de vouloir limiter les conséquences du gel. Avec des rendements de 50 à 70 hl/ha, un gain de TAV de 0,5 à 1 % d’alcool est toujours le bien venu.

 

Rechercher le juste compromis maturité en sucres optimum et état sanitaire correct

 

      La stratégie de recherche du maximum de maturité en sucres devra tout de même être abordée avec lucidité. La fragilité de l’état sanitaire dans certains îlots est une autre réalité à bien appréhender. La recherche d’un juste compromis une maturité en sucres optimale et un état sanitaire correct sera cette année prioritaire. Dans les vignes gelées à plus 70 %, la très grande majorité des raisins présents sont sortis après le gel. Leur état de maturité est plus homogène et aussi nettement moins avancé. Les niveaux de rendements attendus dans ces parcelles seront de l’ordre de 15 et 30 hl/ha. Le principal sujet d’inquiétude de cette vendange réside dans la structure des grappes, plus petites et surtout très compacte.  Quelle sera la capacité d’attente de ces raisins ? Ce sont les conditions climatologiques de la deuxième quinzaine de septembre qui en décideront.

 

 

L’effet «petits rendements rend les vinifications techniques

 

      La vinification de la vendange issue des parcelles gelées nécessitera une attention de tous les instants. Compte tenu de l’état de maturité déséquilibré des raisins, la priorité sera de limiter toutes les actions qui sont susceptibles de favoriser l’augmentation des teneurs en composés herbacés. Tout d’abord, la phase de récolte sera plus compliquée pour obtenir une vendange respectée et propre. Ensuite les faibles niveaux de production vont induire des durées de remplissage des pressoirs longues qui vont à l’encontre des objectifs qualité. Le respect d’un délai de remplissage n’excédant pas 1 h 30 paraît sage. Les pressoirs pneumatiques ont les capacités technologiques de pouvoir parfaitement fonctionner avec des cages remplies à seulement 40 à 50 %. Le lancement rapide de la fermentation alcoolique sera également très important car le remplissage des cuves de grandes capacités sera forcément plus long. Il sera probablement nécessaire de faire fermenter les vins dans des cuves partiellement remplies et ensuite de bien surveiller les fins de fermentation pour bien protéger la qualité des vins. Rien ne va être simple ! L’effet petits volumes dans de nombreux chais modifie profondément l’organisation des vinifications et nécessite une grande technicité pour valoriser un potentiel de qualité « fragile ».

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