Des Comités De Gestion Comme Autant d’Interprofessions

26 février 2009

jean_pierre.jpgCognac ne passera pas à côté de la réforme de gestion par bassin de production. La région a été invitée à émettre des propositions, présentées ici par le président du BNIC. Jean-Pierre Lacarrière plaide pour une simplification des circuits de décisions. Pour chaque filière, les comités de gestion ressembleraient à s’y méprendre aux interprofessions. Un changement dans la continuité, au nom du « modèle qui a fait ses preuves ».

 

« Le Paysan Vigneron » – Quelle traduction peut revêtir la gestion par bassin dans la région délimitée Cognac ?

Jean-Pierre Lacarrière – Avant de répondre à cette question, je voudrais revenir à ce qui sous-tend depuis plusieurs années déjà la réflexion régionale : la volonté d’organiser différemment nos productions. A plusieurs reprises, le ministère de l’Agriculture a présenté août 2007 comme une date butoir. L’OCM viti-vinicole va être réformée et ce changement entraînera la suppression de l’article 28. Les professionnels régionaux s’y sont préparés en substituant la notion de filières à l’empilement des volumes. Si la filière Cognac et la filière Pineau existaient déjà, la troisième filière, celle des vins de base et des jus de raisin, n’était pas véritablement structurée. Elle existait par défaut. En face des volumes la région a souhaité placer des ha, avec une réglementation adaptée à chaque production. Sinon, nous serions tombés dans un régime de vin de table. La logique du système est là. L’affectation des surfaces en sera sa manifestation concrète. Parallèlement à la réforme de l’OCM vin, nous allons être confrontés à la révision du règlement 1576 qui encadre le produit phare de la région, le Cognac, dans ses aspects d’étiquetage notamment. Ce n’est peut-être pas une coïncidence si les deux réformes viennent de concert.

« L.P.V. »- Pour revenir à la question de départ, la région de Cognac constitue-t-elle un bassin et de quelle manière peut-on l’organiser ?

J.-P. L. – A l’évidence, si nos trois filières ne sont pas concurrentes entre elles, elles partagent le même cépage et sont élaborées sur la même zone, délimitée depuis 1909. Dans notre cas, les contours du bassin ne font pas débat. La région délimitée Cognac constitue bien un bassin à part entière, quoiqu’en pensent ou aient pu en penser certains. Autour des marchés, se sont greffées de nombreuses activités annexes – tonneliers, pépiniéristes, chaudronniers, fabricants d’étiquettes, verriers… – qui participent à l’économie du bassin et ont donc vocation à y être représentées. Tout ceci contribue à nous amener à proposer une organisation de bassin qui peut se décliner de la manière suivante : trois sections, encore appelés comités de gestion, qui, en fait, sont la reprise des trois interprofessions du Cognac, du Pineau et celle des vins de base/vin de table/vin de pays, encore à créer. Bien qu’indépendantes, ces interprofessions auront besoin, à un moment donné, de s’asseoir à une même table. C’est pourquoi une organisation chapeau – éventuellement appelée comité de bassin – pourra être mise en place, conçue comme une fédération d’interprofessions. Qui plus est, cette structure chapeau permettra d’accueillir les assemblées consulaires – Chambre d’agriculture, Chambre des métiers… – ainsi que les acteurs locaux (métiers annexes).

« L.P.V. » – Tel que vous le décrivez, ce type d’organisation fait la part belle aux interprofessions. Où sont les syndicats et l’INAO ?

J.-P. L. – Quelque part, ce schéma paraît assez conforme à l’esprit de la loi d’orientation agricole votée le 22 décembre 2005. Cette loi me semble donner aux interprofessions plus d’initiatives, plus de pouvoirs et de réactivité. Par ailleurs, l’INAO est en pleine refonte, l’ONIVINS aussi. Au sujet de la gestion par bassin, le ministre nous a dit : « Osez faire des propositions, soyez créatifs. » Ici, à Cognac, je pense que nous avions une petite longueur d’avance. Par rapport à d’autres régions, nous avions en quelque sorte anticipé la gestion par bassin en réfléchissant à une organisation de filières. C’est pourquoi je crois que la proposition que nous faisons tient la route. Restent sans doute de nombreux détails à affiner, en sachant que les détails sont parfois les plus compliqués à régler.

« L.P.V. » – Le côté « expérimental » a été évoqué au sujet des réflexions charentaises.

J.-P. L. – Cette notion me semble en effet très importante. D’abord parce que nous sommes bien conscients que de gros changements nous attendent. Ensuite parce qu’un schéma d’organisation n’est jamais bon à 100 %. Il doit évoluer et rien ne sert de s’arc-bouter sur le passé. Reste que notre mode de fonctionnement régional a fait ses preuves et que ce n’est pas manifester du conservatisme que de s’appuyer sur ce qui existe, quitte à l’amender. Par ailleurs, il faut simplifier, raccourcir les circuits de décisions. Nous avons trop tendance à réfléchir en tant que producteurs alors qu’il s’agit de satisfaire le consommateur. Face à des clients de plus en plus volatils, nous avons intérêt à nous montrer très souples, flexibles et réactifs.

« L.P.V. » – Qu’entendez-vous par « simplifier les circuits de décisions » ?

J.-P. L. – Je veux dire que le but n’est pas de multiplier les organismes pour des missions relativement proches. Cela génère des coûts supplémentaires, sans réels besoins. Cette question m’apparaît très importante et les professionnels devront s’en saisir. Je ne crois pas non plus qu’il faille multiplier les organes de décisions. Par exemple, à partir du moment où le comité de gestion définit le rendement, les conditions de production, qu’il s’occupe de la communication et de la défense de la filière, pourquoi créer d’autres structures ?

« L.P.V. » – N’est-ce pas à l’ODG, l’organisme de gestion des appellations, à qui revient le rôle de définir les conditions de production et donc le rendement ?

J.-P. L. – Qu’est-ce qu’un ODG ? On ne le sait pas très bien. Au vu des missions qu’on semble lui assigner, la différence entre un ODG et une interprofession n’apparaît pas nettement. Comment va évoluer l’INAO ? On l’ignore également. En Espagne, qui jouit d’une organisation décentralisée, l’équivalent de l’INAO n’existe plus. La gestion par les interprofessions a démontré son efficacité. A meilleure preuve ! D’autres régions s’intéressent à notre façon de faire. Par ailleurs, une eau-de-vie n’est pas un vin. Ce que nous souhaitons, c’est que les décisions soient prises ici, dans chaque section, sans qu’il faille trois commissions d’enquête de l’INAO pour en discuter. Par contre, l’Institut de la qualité vérifiera que les conditions de production sont bien légales, en concordance avec les textes.

« L.P.V. » – Quel serait le degré de similitude entre les comités de gestion et les interprofessions ?

J.-P. L. – A mon avis, le comité de gestion du Cognac ne sera pas la réplique exacte du BNIC, ne serait-ce que parce l’assemblée plénière du BNIC compte d’autres personnes que des professionnels. Dans les rangs du comité de gestion ne figureront que des professionnels.

« L.P.V. » – Qui dit interprofession dit fonctionnement paritaire à 50/50 entre viticulture et négoce. Quelle place peut occuper le négoce vis-à-vis des conditions de production ?

J.-P. L. – Je ne sais pas si le fonctionnement partiaire des interprofessions est un dogme. En tout cas, dans la région, c’est ainsi et je pense qu’il est bon de le conserver. Personnellement, je n’y ai jamais vu quelque chose de dramatique. C’est d’autant plus vrai maintenant où un système mathématique de détermination de la QNV permet de s’extraire des discussions sans fin et de l’arbitrage ministériel. Je crois que cette manière de faire s’appliquera très bien aux nouveaux comités de gestion.

Les marchés évoluent de plus en plus vite. L’organisation par filière ainsi que la gestion par bassin constituent autant d’opportunités de changer notre mode d’organisation. Nous devons nous adapter, sans nous contenter de regarder les trains passer. Soyons attentifs, réactifs, créatifs. Voici le credo qui doit nous guider.

Gestion par Bassin : un nouveau mode de gouvernance ?

Pour répondre à la crise viticole qui secoue la France, Dominique Bussereau a ouvert un grand chantier, celui de la gestion par bassin. Après la visite de son « missi dominici » dans toutes les régions viticoles – Bernard Pomel, préfet coordonnateur* – le ministre devrait rendre ses conclusions début avril. A priori, les bassins de production seraient au nombre d’une dizaine en France, pour coller aux grandes zones viticoles. Ils ont pour finalité déclarée de mieux structurer les filières régionales. Partant du constat que les marchés ne présentent pas de cloisons étanches, il s’agit de mieux organiser la mixité entre les différentes productions : AOC, vins de pays, vin de table. A travers l’échelon décentralisé que représente le bassin, l’Etat semble également rechercher un interlocuteur unique, qui se chargerait des arbitrages préalables. Mais, concrètement, comment le bassin peut-il fonctionner ? A-t-il vocation à être une structure de concertation entre les différents acteurs ? Ou peut-il représenter un nouveau mode de gouvernance ? Des questions « politiques » qui, à priori, ne sont pas encore tranchées.

* Bernard Pomel a rencontré les professionnels de la région délimitée Cognac le 13 février dernier.

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