Une Interview d’Antoine Allard, Président Du Cesam 16 : Le courant électrique

11 décembre 2009

Eolien, géothermie, photovoltaïque, voiture électrique, huile végétale pure pour les tracteurs… Antoine Allard nourrit une approche éclectique à l’égard des énergies « propres » et de leurs développements. Mais son intérêt ne reste pas que théorique. Il pratique aussi. Céréalier à Vars, entre Angoulême et Rouillac, il fut un éclaireur en Poitou-Charentes pour l’installation de panneaux solaires sur des hangars agricoles. Président du Cesam 16, le Cercle d’échange de la Charente, son association s’investit dans l’accompagnement du photovoltaïque auprès des adhérents.

« Le Paysan Vigneron » – D’où vous vient cet intérêt pour les énergies renouvelables ?

Antoine Allard – Je le ferai peut-être remonter à mon service militaire en Allemagne, dans les années 1987-1988. Là-bas, j’ai vu à l’œuvre un activisme citoyen infiniment plus puissant qu’en France, avec une prise de conscience des enjeux de développement durable, même si, dans le même temps, les Allemands possèdent les plus grosses cylindrées et sont gros consommateurs d’essence.

« L.P.V. » – Comment cette sensibilité s’est-elle exprimée chez vous ?

A.A. – C’est par l’habitat que ça a commencé. Quand j’ai eu ma propre maison, dans les années 90, je l’ai d’abord chauffé au bois. Mais quand j’ai agrandi, le poêle à bois ne suffisait plus. Je me suis alors tourné vers la géothermie, grâce notamment à un installateur du voisinage, Gilles Sylvestre, de Villejésus, qui possédait une grande expérience dans le domaine. Il a monté ses premières pompes à chaleur il y a 25 ans. C’est ainsi que la cour s’est retrouvée truffée d’un réseau d’1 km de tuyaux enterrés à 80 cm de profondeur, sur une surface d’environ 500 m2. Cette installation donne toute satisfaction. Par rapport à un radiateur électrique classique, le COP (coefficient de performance) d’une pompe à chaleur géothermique est de 4,5, quand le rendement d’une pompe à chaleur air/eau (la plus courante) s’élève à 2,5-3 voire 3,2 chez les plus performantes. Malgré tout, pour la première fois, je consommais – un peu – d’électricité pour le chauffage de la maison. Cherchant à compenser l’impact électrique, j’ai d’abord pensé à l’éolien. C’est ainsi qu’un projet de centrale éolienne a vu le jour à Vars tout début 2005. Une structure a même été créée pour l’occasion, Espace éolien développement. Sauf qu’à 1 million d’€ l’unité – et le projet comptait 4 ou 5 éoliennes – le budget dépassait largement les facultés contributives de simples agriculteurs. Pour l’instant, faute d’opérateur éolien intéressé, le projet reste dans les cartons. Le mât de 60 m a été démonté. Pendant deux ans et demi, il nous a servi à mesurer la vitesse du vent (il faut dire qu’Antoine Allard habite sur une crête calcaire qui surplombe la vallée de la Charente – NDLR).

« L.P.V. » – Et les panneaux solaires dans tout ça ?

A.A. – Voyant que l’éolien n’aboutirait pas de sitôt, j’ai commencé à regarder du côté du photovoltaïque dès août 2005. A l’époque, dans la région, un seul artisan sérieux maîtrisait la question. C’était Jean-Claude Masson, un technicien installé à Charron près de La Rochelle, d’origine suisse. Venant de l’univers des télécommunications, il avait installé dès 1975 les premiers panneaux photovoltaïques à 2 000 m d’altitude. C’est lui qui montera mon installation en février 2007, avec l’aide de trois jeunes électriciens, dont Eric Nebout, de Châteauneuf.

« L.P.V. » – Votre installation était la première en Charente ?

A.A. – Non mais à l’époque, avec une puissance de 27 Kw (220 m2), nous figurions comme la plus grosse installation professionnelle du Poitou-Charentes. Cela nous a valu pas mal de visites, du CRER (Centre régional des énergies renouvelables), des agriculteurs des alentours, de la Chambre d’agriculture. Au bas mot, 300 personnes sont venues voir l’installation. Au début de la décennie, quand vous parliez de géothermie, de chauffe-eau solaire, quand vous disiez rouler en voiture électrique ou avoir installé une citerne de récupération d’eau de pluie de 52 000 litres, on vous regardait d’un drôle d’air. Vous vous sentiez un peu seul au monde. Et puis, tout d’un coup, le photovoltaïque a, d’une certaine façon, « incarné » ces notions d’énergie renouvelable, les a rendues plus proches, plus attractives, par l’intérêt financier qu’il véhiculait, en plus de son intérêt écologique.

« L.P.V. » – En ce qui vous concerne les motivations financières, étaient-elles étrangères à votre démarche ?

A.A. – Bien sûr que non. Sans être premières, elles étaient bien présentes. Mes filles sont encore jeunes mais dans dix ans, elles entameront, je l’espère, des études supérieures. L’installation sera alors payée. Je compte bien sur le photovoltaïque pour m’aider financièrement. Je ne pense pas qu’il faille trop espérer des revenus agricoles. J’exploite 103 ha de céréales, dont 20 en jachère. Aujourd’hui, cette surface fait de moi presque un petit exploitant, sans parler de l’hypothèque qui pèse sur la PAC à partir de 2013.

« L.P.V. » – Vos panneaux fonctionnent depuis un peu plus de deux ans. Vous bénéficiez déjà d’un petit retour d’expérience.

A.A. – Je ne parlerai que de la première année, car depuis j’ai procédé à des extensions (370 m2 aujourd’hui – NDLR). Du 15 avril 2007 au 15 avril 2008, le rendement observé s’est élevé à + 1,4 %, soit légèrement mieux que les prévisions du modèle PVSYST, un logiciel de simulation très puissant qui calcul des prévisionnels de production. Mon implantation n’est pourtant pas orientée plein sud mais 74° est, c’est-à-dire plus est que sud-est.

« L.P.V. » – Vous présidez le Cesam 16, le Cercle d’échange de services agricoles de la Charente. Avec le Cemes 17, votre association se propose d’accompagner les adhérents des cercles d’échange dans leur projet photovoltaïque.

A.A. – Tout a fait. Avec nos collègues du Cemes 17, nous avons identifié un besoin général autour de l’environnement. C’est pour cela que nous venons de créer la Sarl Cemes environnement, compétente pour développer des projets en rapport avec le photovoltaïque, le bois énergie, le compostage, la distribution alimentaire dans les cantines. En ce qui concerne le photovoltaïque, nous sommes en train d’initier des partenariats avec différentes structures. Nous avons tout d’abord sélectionné un installateur qui réalise les chantiers « dans les règles de l’art », travaille avec du matériel européen, assurera le SAV durant les 20 ans du contrat. Nous avons ensuite rencontré banquiers et assureurs, pour voir qui proposait les meilleures conditions du marché. L’idée était aussi d’obtenir des conditions préférentielles pour notre groupement, en contrepartie de l’effet volume. Parmi les neuf banques rencontrées, nous allons en retenir une. Quant à l’assureur, il est déjà choisi. La remise de 10 % proposée couvrira d’emblée la cotisation au Cercle d’échange. Enfin, nous sommes allés voir la Région, pour mieux comprendre ce qu’elle attendait de nous en terme de demande de subvention. C’est Julien Primault, un des animateurs du Cemes, qui s’occupe du photovoltaïque. Cemes et Cesam comptent à eux deux 390 adhérents (320 en 17 et 70 en 16). Parmi les adhérents du Cercle d’échange, 40 se déclarent intéressés par l’investissement dans le solaire. Cela représente un potentiel de 17 000 m2 de panneaux.

« L.P.V. » – En s’éloignant un peu du photovoltaïque mais en restant toujours dans le domaine du développement durable, vous avez évoqué tout à l’heure la voiture électrique. Le sujet semble vous tenir à cœur.

A.A. – Nous possédons depuis dix ans une Peugeot 106 électrique. A la maison, ce n’est pas la seconde voiture mais la voiture principale. Elle a 100 000 km au compteur. Tous les ans, elle fait presque 20 000 km. Inutile de dire que je n’ai pas de 4 x 4 pour aller dans les champs. En coût électrique, la voiture consomme l’équivalent d’un litre de gas-oil au 100. A ce tarif, il faut ajouter la location de la batterie, que je pourrais acheter mais que je préfère louer pour plus de tranquillité (échange standard régulier). Dans l’année, la voiture consomme à elle seule 3 à 4 000 Kwh, ce qui correspond à peu près à la consommation électrique d’un ménage de quatre personnes. A la nuance près que la voiture se recharge la nuit, entre minuit et 6 heures du matin, à un moment où les centrales nucléaires sont en surproduction. Pensez que l’on pourrait alimenter ainsi 5 millions de véhicules par jour, juste avec le surplus électrique. Même durant les 22 jours « rouges » les plus froids de l’année, les centrales nucléaires dispensent chaque nuit 15 000 mégawatts de puissance disponible, en pure perte.

« L.P.V. » – De quelle autonomie disposez-vous ?

A.A. – La voiture a 80 km d’autonomie. Dans les années 90, avait été lancé un programme de maillage du territoire en bornes rapides de rechargement, plus ou mois abandonné depuis. La borne de Saintes a été démonté, faute d’utilisateurs. C’était une bonne idée pratique mais une mauvaise idée écologique, dans la mesure où c’est le soir qu’il faut recharger les batteries et non dans la journée. Malgré tout, quand on est sur la route, on est bien obligé de trouver des systèmes anti-panne. D’ailleurs, comme d’autres outils « verts », la voiture électrique n’est qu’une affaire de compromis. Au Danemark, où l’électricité provient du charbon pour 30 à 50 %, la voiture électrique dégagerait plus de CO2 que la voiture conventionnelle.

« L.P.V. » – Comment expliquer que la voiture électrique ne se développe pas plus dans l’Hexagone ?

A.A. – A ce jour, seulement 10 000 voitures électriques circulent en France. Sciemment, les constructeurs automobiles ont saboté la voiture électrique. Ils n’ont jamais voulu en vendre. En octobre 2000, lors du Salon de l’auto, un essai avait été réalisé avec une batterie au lithium fabriquée ici, à Hiersac, chez Saft-Leclanché. Son autonomie fut mesurée à 261 km. Et puis plus rien. Qu’est-ce qui coûte cher dans une voiture électrique ? La batterie, qui relève du domaine du chimiste. Or les constructeurs sont des mécaniciens, qui ignorent délibérément le monde des chimistes. Un moteur a explosion compte 3 000 pièces. C’est très compliqué à fabriquer et rapporte donc beaucoup d’argent, tant aux constructeurs qu’aux mécaniciens-réparateurs. A l’inverse, un moteur électrique – moteur Leroy-Sommer d’Angoulême soit dit en pensant – est inusable. A 100 000 km ma voiture a encore ses plaquettes de frein d’origine. A part un peu d’eau dans la batterie, il y a zéro entretien, pas d’embrayage à réviser. Après la hausse du prix du pétrole en 2007, la voiture électrique a connu un léger regain d’intérêt. En 2010, devrait sortir la petite Friendly, la voiture à trois places d’Heuliez, le constructeur-équipementier des Deux-Sèvres. A titre personnel, je m’intéresse de près à l’actualité des voitures électriques sur un forum de discussion – vehiculeselectriques.fr. Ce site européen regroupe une foule d’informations sur les véhicules électriques. Après trois ans de visites sur le forum, je commence à bien connaître le petit monde des utilisateurs et l’histoire de la voiture électrique. Savez-vous que la première voiture à dépasser les 100 km/heure en 1896 était une voiture électrique, conduite par un pilote italien.

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