Une belle couleur et la finesse aromatique et gustative

21 mars 2009

La Rédaction

La société Henri Mounier et la coopérative UNICOOP sont des acteurs majeurs de la filière Pineau des Charentes sur le plan de la commercialisation et de la production puisque les premières bouteilles de Pineau Reynac ont été commercialisées à la fin des années 60. L’entreprise bénéficie d’une grande connaissance de ce produit et son double statut de producteur et de metteur en marché représente un atout important. Actuellement, la coopérative élabore dans ses chais de Mirambeau 15 000 hl de Pineau tous les ans dont 5 000 hl de rosé. Ce dernier produit, qui s’est littéralement « construit » au cours des années, a fait l’objet d’investissements techniques et commerciaux qui ont contribué à son développement. M. François Thibault, le maître de chais d’UNICOOP et d’Henri Mounier ayant en charge tout le suivi qualitatif de la filière de production, considère que l’élaboration de Pineau des Charentes rosé nécessite des efforts de technicité constants de la vigne à la mise en bouteille.

 

m_francois_thibault.jpgAu cours des 20 dernières années, les caractéristiques aromatiques et gustatives du Pineau rosé ont profondément évolué et M. F. Thibault tient sur ce sujet un discours cohérent : « Pour le consommateur, les références de couleur des Pineaux étaient à l’origine soit le blanc ou le rosé mais pour ce dernier produit les choses ont évolué. Les produits trop clairs sont moins vendeurs et les qualités riches avec des nuances de rouge vif et non pas orangées se sont progressivement imposées. Au niveau commercial, une couleur rouge intense et la prédominance du caractère fruité sont devenues des exigences essentielles. C’est le consommateur qui a souhaité cette évolution et actuellement les irrégularités de couleurs et de qualité entre deux mises en bouteilles ne sont plus pardonnées. Le Pineau Reynac rosé a vu sa couleur monter en puissance au cours des 15 dernières années et aujourd’hui il a une teinte rouge affirmée mais pas rouge encre. La notion de couleur est importante dans l’esprit du consommateur qui a sûrement tendance à associer l’intensité des teintes à la qualité du produit. Actuellement, la demande de Pineau bien rouge est une réalité qu’il est impossible de contourner, d’autant que notre produit est commercialisé en bouteilles blanches sur les linéaires. Notre rôle de techniciens et de producteurs est de répondre à cette attente en se donnant les moyens technologiques d’élaborer tous les ans de belles couleurs, des arômes riches et des saveurs
fruitées. »

Un suivi parcellaire de la maturation

Au sein de la coopérative UNICOOP, une organisation complète a été mise en œuvre pour maîtriser l’extraction de la couleur à la fois au niveau des vinifications et aussi sur le plan viticole avec les viticulteurs. L’ensemble du parcellaire est identifié exploitation par exploitation et, durant le cycle végétatif, la conduite des vignes est optimisée pour produire des raisins sains et susceptibles d’arriver à bonne maturité au moment de la récolte. Les parcelles sont sélectionnées en tenant compte de leur implantation (nature des sols, densité de plantation, système de conduite), identifiées de manière durable et le mode de paiement intègre d’autres éléments que les seuls critères de rendement et de titre alcoométrique potentiel. Durant la maturation, un suivi de maturation est mis en place afin de connaître pour chaque parcelle l’évolution de l’état sanitaire et de la maturité phénolique. Des tests laccases sont effectués systématiquement et au-delà 5 % de pourriture grise, la récolte des parcelles n’est plus apte à élaborer des moûts rosés. L’évolution de la maturité phénolique est appréciée par la réalisation de trois tests de laboratoire qui permettent de cerner l’aptitude du potentiel de couleur à se libérer. De petites manipulations ont été mises au point par le laboratoire d’UNICOOP Henri Mounier pour reproduire sur un contrôle de maturation les conditions d’extraction d’une macération simple, d’une macération à l’alcool et d’une macération à la chaleur.

Evaluer préventivement l’état sanitaire et le potentiel de couleur

M. F Thibault estime que ces informations, qui contribuent à une meilleure connaissance de la nature de la future récolte, sont fondamentales pour la conduite ultérieure des extractions de couleurs : « Les écarts d’évolution de maturité phénologique peuvent être importants d’une année à l’autre et pour nous le fait d’apprécier sur souches dans les semaines précédant la récolte le potentiel de couleur et surtout son aptitude à se libérer représente des données essentielles pour réussir ensuite les extractions de couleurs. Les effets nature des sols et conduite du vignoble jouent un rôle déterminant sur la capacité des baies à libérer leur potentiel de couleur. Avec le recul, on constate que les années difficiles sur le plan de la couleur ne sont pas liées à une insuffisance de teneurs en anthocyanes et en tannins mais à la difficulté à les extraire. L’intérêt de notre suivi parcellaire est justement de bien apprécier l’aptitude du parcellaire à libérer de la couleur. Cela permet d’organiser le calendrier de récolte et de moduler l’intensité des moyens technologiques nécessaires à l’extraction. » Le jour de la récolte des parcelles, un test laccase est effectué sur les premiers hl de vendanges afin d’identifier les lots à risques et d’avoir une démarche préventive. Le maître de chais considère aussi que des lots de vendanges rouges botrytisés ne sont pas aptes à la production de Pineau blanc. L’action du botrytis entraîne une dégradation de la couleur et aussi une perte d’arômes, de saveurs fruitées, et l’apparition de goûts phénolés qui vont à l’encontre des exigences de qualité actuelles. Par contre, la vinification de cépages rouges, et tout particulièrement des Cabernet Sauvignon en blancs, permet d’élaborer des Pineaux blancs riches en arômes et bien équilibrés sur le plan du rapport sucres/acidité. Leur incorporation dans des proportions raisonnables dans des assemblages de Pineaux blancs s’avère très souvent bénéfique.

Des macérations enzymatiques qui donnent entière satisfaction

Les extractions de couleurs ont fait l’objet d’intenses réflexions techniques au sein de la coopérative UNICOOP depuis trente ans, compte tenu de l’antériorité et des volumes de Pineau rosés élaborés. L’entreprise a réalisé des macérations à l’alcool pendant très longtemps mais au début des années 1990, la conduite d’essais de diverses méthodes d’extraction a fait évoluer les choses. M. F. Thibault nous expliquait que lors de ces essais, l’intérêt des macérations enzymatiques a été mis en évidence surtout au niveau de l’équilibre aromatique et gustatif des produits, et par ailleurs la mise en œuvre de cette méthode semblait plus adaptée aux exigences de fonctionnement d’une structure collective.

Depuis maintenant presque 10 ans des macérations enzymatiques à froid sont réalisées dans le chai de Mirambeau. Le vendangeoir est équipé de quatre cuves Vinimatic de 400 hl dans lesquelles se déroulent les macérations, et la bonne utilisation de ces équipements facilite considérablement la conduite des extractions. La programmation sur mesure des rotations assure une bonne homogénéisation ; des remontages efficaces et l’encuvage comme le décuvage de la vendange sont faciles à réaliser. Les horaires de récolte sont adaptés en fonction de la climatologie afin de collecter des raisins à des températures comprises entre 18 et 20 °C qui sont propices à la pleine efficacité des enzymes. Les apports d’enzymes s’effectuent dans les bacs à vendange ou dans le conquet afin de faciliter leur homogénéisation lors des opérations de transfert vers les cuves. Les macérations durent entre 12 à 24 heures selon les cépages et les niveaux d’extraction de couleur souhaités. Un suivi de l’extraction de la couleur est réalisé de manière visuelle et par des mesures de DO pendant toute la durée de cuvaison. La surveillance des macérations dans les dernières heures par des dégustations fréquentes est déterminante pour justement arrêter les extractions au moment opportun, c’est-à-dire juste avant que des arômes et des saveurs herbacées n’apparaissent. M. F. Thibault considère que même les années où la couleur se libère difficilement, il ne faut pas chercher à pousser trop loin les macérations car l’obtention de moûts rouges très intenses est souvent indissociable de la libération de composés herbacés.

Rechercher l’équilibre entre la couleur et la structure aromatique et gustative

Actuellement, deux tiers des moûts rosés sont élaborés à partir du Merlot qui libère plus facilement les anthocyanes que le Cabernet Sauvignon. L’ensemble des volumes de vendanges rouges collectés subissent des macérations enzymatiques de durées variables afin d’obtenir des lots de Pineau très homogènes en terme de couleur et de structure gustative. Les années propices à la maturité, la conjonction de raisins très mûrs et de macérations très poussées peut conduire à l’élaboration de Pineaux lourds et ayant parfois des notes confiturées pas toujours agréables. Les Cabernet Sauvignon résistent beaucoup mieux aux attaques de botrytis et leur récolte à bonne maturité permet de conduire des macérations intéressantes. Leur apport sur le plan du potentiel aromatique et du floral est toujours bénéfique dans les assemblages mais, malheureusement, les surfaces en production de ce cépage ont tendance à régresser.

La réalisation de lots de Pineau bonificateurs sur le plan de la couleur (intéressant lors des assemblages) n’est plus une démarche prioritaire pour M. F. Thibault qui privilégie actuellement l‘obtention chaque année de production équilibrée sur le plan des couleurs et de la structure aromatique, et il se donne les moyens de conserver cette couleur pendant le vieillissement : « Les macérations enzymatiques ont l’avantage de permettre d’élaborer des lots de Pineau bien équilibrés et souples sur le plan aromatique et gustatif. Par contre, les belles couleurs obtenues à l’issue des écoulages ne sont pas stables dans le temps et durant le vieillissement les couleurs vont évoluer naturellement du rouge vif vers l’orangé. Aussi la stabilisation de la matière colorante des moûts est indispensable et c’est pour cette raison que nous réalisons un tanisage au moment du décuvage afin de limiter au maximum les phénomènes d’oxydation. L’apport très précoce de tanins permet de fixer les anthocyanes qui sont naturellement des composés avides d’oxygène ; après ce traitement, les couleurs se tiennent bien lors du vieillissement. L’assemblage des deux cépages est indispensable pour rester dans une philosophie de produits commerciaux de belle couleur ayant aussi du fruité et de la fraîcheur qui rappellent le raisin. Des conditions d’élevage trop oxydatives conduisent à une évolution des saveurs fruitées et onctueuses vers des notes de pruneaux et de raisins secs qui ne correspondent pas aux attentes actuelles des consommateurs en matière de Pineaux rosés jeunes. »

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