Après une décennie de marasme économique, le vignoble de Cognac semble retrouver une certaine capacité d’investissement et les fournisseurs de la filière viti-vinicole se félicitent de cette évolution favorable alors que la plupart des autres régions de productions traversent une crise sans précédent. Le redressement de l’activité en Charentes ne s’apparente tout de même pas à une phase d’investissement majeur comme notre région a pu connaître entre 1988 et 1992. Il s’agit d’achats raisonnés, raisonnables, réalisés avec « prudence », ce qui est le reflet de la situation économique encore fragile et incertaine au niveau de la production. Le Sitevi 2005, qui se tiendra au parc des expositions de Montpellier-Fréjorgue, sera l’occasion pour les viticulteurs de la région de Cognac de pouvoir capter toutes les informations récentes sur les évolutions technologiques, les avancées scientifiques et les nouvelles contraintes réglementaires.
Le SITEVI 2005 est un événement d’informations technico-économiques incontournable de la filière viticole française et européenne qui mobilise tous les fournisseurs et tout l’environnement technique. Après une décennie 90 très porteuse en France pour tous les fournisseurs viti-vinicoles, le marché est rentré depuis l’année 2002 dans une phase de régression et les vignerons français gèrent de façon plus mesurée leurs investissements. Les aspects de gestion raisonnée et raisonnable deviennent incontournables dans le fonctionnement des propriétés, ce qui fait évoluer les relations avec les fournisseurs. Par ailleurs, lorsque des propriétés ont fait de gros efforts pendant presque dix ans pour réhabiliter leurs vignobles et leurs chais, on peut considérer que ces investissements majeurs ont été effectués pour durer dans le temps. L’acquisition de cuverie, l’implantation de bâtiments fonctionnels, le renouvellement des plantations… s’inscrivent dans la pérennité des propriétés. Les grands fournisseurs de la filière vigne qui sont à l’écoute de leur marché commencent à intégrer cette évolution de comportement de leurs clients dans leurs réflexions sur la recherche de nouveaux produits. En 2004, les ventes de tracteurs vignes et vergers se sont élevés à 3 318 unités (en diminution de 13,8 % par rapport à 2003), et en 2005 les constructeurs pensent que ce marché va encore baisser de 12 à 15 %. Les ventes de machines à vendanger en 2004-2005 accusent en France une nouvelle baisse (- 25 % avec 458 unités vendues) et contrairement à 2004 les marchés d’exportation ne compenseront pas cette baisse. Les ventes de matériels de pulvérisation et de culture ont été aussi assez moroses avec quelques régions beaucoup plus porteuses que d’autres. La conjoncture reste assez délicate dans le Bordelais, en Bourgogne, dans les Côtes-du-Rhône, dans la zone méridionale, alors qu’une région comme l’Alsace résiste bien et la situation s’améliore en Champagne et en Charentes.
Le redressement de l’activité en Charentes s’effectue dans un contexte de fragilité « économique »
En effet, le vignoble de Cognac vit un peu à contretemps des grandes régions productrices de vins car, durant la décennie 90, pendant que leurs voisins bénéficiaient d’une conjoncture très favorable, les viticulteurs charentais traversaient une crise sans précédent. Pendant cette période, les ventes de tracteurs vignes, de MAV, de matériel viticole, d’équipements de chais… ont connu un développement inespéré dans toutes les régions jusqu’en 2002 sauf en Charentes où le marché était en pleine dépression. La faiblesse du marché charentais et certaines exigences différentes avaient incité les fournisseurs à se désintéresser d’une région à faible potentiel. Depuis deux ans, les investissements dans la région de Cognac enregistrent une hausse significative sur certains créneaux (les plantations, le matériel de réception et de pressurage, la cuverie, la distillation et plus récemment le stockage des eaux-de-vie). Ce redémarrage des investissements est lié à plusieurs éléments : l’augmentation rapide des surfaces de certaines propriétés, le vieillissement du parc matériel et la montée en puissance de nouvelles exigences qualitatives. Au cours de la campagne 2004-2005, les ventes de pressoirs neufs ont atteint un niveau record depuis plus de dix ans avec 95 unités alors qu’en 2000 elles ne dépassaient pas 30 modèles. Au niveau des vendangeuses neuves, la même tendance à la hausse est plus mesurée, puisque les ventes se situent autour de 60 machines alors que deux ans avant leur niveau s’établissait autour de 50 unités. Les ventes de cuverie enregistrent aussi une nette hausse puisque 1 200 citernes neuves auraient été fabriquées et installées (70 à 80 % de citernes en fibre de verre) alors qu’en 2002 le marché se limitait entre 400 et 500 unités. Des investissements conséquents ont été aussi réalisés dans le domaine de la distillation avec l’implantation de 60 à 70 alambics dont 80 % d’occasions. Les ventes de tracteurs vignerons, vergers et de petits standards (utilisés dans les vignes larges) enregistrent aussi depuis deux ans une hausse, mais les niveaux de ventes restent tout de même très moyens par rapport à la période d’euphorie du début des années 90. La présentation de tous ces chiffres confirme à première vue le redressement de l’activité mais, comme nous l’ont expliqué plusieurs fournisseurs exerçant dans des domaines différents, les viticulteurs investissent prudemment en ayant le souci d’acheter « utile » et la plupart des aménagements de chais sont réalisés sous la pression des acheteurs. Plusieurs responsables de domaines importants qui souhaitent garder l’anonymat n’hésitent pas à dire que les marges de manœuvre économiques dégagées sur chaque hectare sont insuffisantes pour faire face aux besoins d’investissement : « Nous vendons la plupart du temps nos vins et nos eaux-de-vie en dessous de leur prix de revient, ce qui rend la gestion des propriétés tendue. Les efforts constants que nous avons réalisés depuis dix ans pour réduire les coûts de production nous ont permis de tenir mais au prix d’une décapitalisation sans précédent. Aujourd’hui, le renouvellement d’un tracteur, de pressoirs ou de cuverie s’inscrit dans une démarche d’achat indispensable et raisonné avec une rigueur maximum. Nous usons le matériel existant et on le change vraiment quand il devient inadapté aux exigences de productivité. Je réalise actuellement sur ma propriété des investissements à l’économie sans me projeter dans l’avenir alors que je sais que sur certains dossiers cela va générer des contraintes majeures d’ici 4 à 5 ans. Cette situation est tout de même paradoxale dans un métier qui s’inscrit dans la pérennité et où à 40 ans on se remet à planter des vignes pour son successeur. Un autre exemple concerne l’achat de cuverie qui se fait sans réflexion globale vis-à-vis des problèmes d’environnement, de maîtrise thermique, de capacité de distillation… car notre objectif pour l’ensemble des investissements est de négocier le meilleur prix dans l’instant. L’amélioration de nos revenus depuis deux ans reste tout de même bien limitée et les marges d’autofinancement dégagées sont plus liées aux efforts de gestion que nous avons réalisés qu’à une nette amélioration des niveaux de valorisation de nos productions. »
Une hausse des ventes de cuves toujours dominée par la recherche du meilleur rapport volume/prix
Ce discours, qui témoigne du pragmatisme et de la rigueur des investissements des viticulteurs charentais, peut paraître décalé par rapport au développement commercial des ventes d’équipements évoqués un peu plus haut, mais il convient de resituer les choses dans un contexte plus large en comparant la situation actuelle en Charenbtes à celle d’autres régions. Dans le Bordelais par exemple, avec une surface en vignes de plus de 100 000 ha, les ventes annuelles de cuverie se sont situées – de 1998 à 2000 – entre 4 000 et 4 500 citernes neuves tous matériaux confondus (inox, fibre, ciment et bois), d’où le développement important des ateliers de fabrication d’inox et du tissu de revendeurs pour agencer les équipements de chais. En Charentes, l’utilisation de la cuverie est très différente puisque plus de 90 % des volumes de vins sont sortis des chais en propriété à la fin du mois de juin suivant la récolte, mais en contrepartie chaque hectare produit deux fois plus de volume. Par ailleurs jusqu’à présent, peu de contraintes techniques de maîtrise des cinétiques fermentaires incitaient les viticulteurs à remettre en cause le parc important de cuverie béton, même si leurs capacités petites et moyennes compliquaient le travail. Les achats de cuverie en Charentes sont généralement liés à des agrandissements d’exploitation et l’investissement cuve obéit souvent à une règle simple : rechercher un contenant à la conception très basique ayant le meilleur rapport volume/prix. Les fortes chaleurs durant les vendanges 2003 ont mis en évidence les limites technologiques des cuves de grandes capacités et des bétons vis-à-vis de l’élévation des températures de fermentation. Aussi depuis deux ans quelques exploitations de tailles importantes ont décidé d’investir dans des installations de mise à température en ligne des moûts ou de maîtrise thermique (pour de la cuverie récente de grande capacité), mais ces démarches concernent moins de 20 unités de vinification dans la région délimitée. Le développement des décantations rapides de moûts depuis quelques années a constitué une évolution importante dans l’organisation des chais sur le plan du travail et des équipements, et tout particulièrement en matière de cuverie spécifique pour mettre en œuvre cette opération. La réalisation des décantations nécessite souvent l’achat ou l’agencement de deux cuves par pressoir supplémentaire (citerne sur pieds équipée de trappes à vidange totale, de coudes décanteurs d’une capacité moyenne de 80 à 200 hl) et une organisation beaucoup plus rigoureuse des départs en fermentation. La prise en compte de l’ensemble de ces éléments permet de comprendre pourquoi les ventes de cuverie en Charentes, qui s’établissaient autour de 400 à 500 contenants neufs par an, ont plus que doublé en 2004-2005, mais ce potentiel commercial à première vue élevé de 1 200 citernes neuves (80 % de fibre et 20 % d’inox) dans le vignoble de Cognac reste inférieur à celui du Bordelais où 1 500 à 1 800 cuves se sont encore vendues cette année (70 % d’inox et 30 % de fibre, ciment, bois) dans un vignoble en pleine crise.
Beaucoup de « prudence » dans les achats et la rénovation de cuverie
La prise en compte des résultats commerciaux dans les deux régions confirme que le redressement des ventes de cuverie en Charentes traduit seulement une volonté de mise à niveau technologique de la capacité de stockage des vins plutôt qu’une véritable stratégie d’investissement. Le parc de cuverie béton est ancien et très important en volume, et sur de nombreuses propriétés leur utilisation n’est que partiellement remise en cause. L’état de surface des revêtements en ciment s’est naturellement dégradé après 25 ou 30 ans d’utilisation et le sous-équipement des citernes béton (absence de robinetterie adaptée, de trappe d’ouillage pour faire les pleins) peut engendrer des problèmes de conservation des vins. La rénovation (revêtements époxy, pose de robinetterie, trappes, cheminées d’ouillage) des cuves béton est somme toute logique au bout de trois décennies d’utilisation, mais elle engendre des charges importantes pratiquement équivalentes au prix d’achat des cuves neuves. Certains viticulteurs optent pour ces démarches de rénovation surtout quand les bâtiments où elles sont implantées sont fonctionnels (à proximité des distilleries ou dans le prolongement de l’unité de pressurage), alors que d’autres préfèrent implanter de nouvelles cuveries plus fonctionnelles (sur le plan de l’hygiène, de l’écoulement des eaux de lavage) pour un coût identique. La mise en œuvre par les grands négociants de démarches de contrôles de qualité plus rigoureuses a aussi contraint les viticulteurs « à une certaine obligation de résultat » au niveau de la qualité des vins, et de ce fait l’amélioration de l’état de la cuverie est devenue prioritaire. Le dosage systématique dans les microdistillations de l’acétate d’éthyle, du butyrate d’éthyle, du Butanol 2 permet d’apprécier le niveau d’hygiène mis en œuvre au cours des vinifications. Néanmoins, les investissements dans de la cuverie neuve restent pour l’instant des achats d’obligation de résultats « prudents » qui sont à relier à la fragilité du contexte économique. Les principaux fournisseurs de cuverie de la région confirment cette attitude prudente des viticulteurs qui investissent à l’économie et étalent leurs achats dans le temps, et une réflexion des commerciaux revient souvent : « La confiance dans l’économie de la filière Cognac au niveau de la production n’est pas suffisante pour que la majorité de nos clients s’engagent dans des investissements plus lourds qui seraient pourtant cohérents par rapport aux attentes de qualité actuelles et surtout à venir. » La forte proportion de vente de cuves en fibre de verre (70 à 80 % des ventes totales) atteste peut-être aussi de la fébrilité du pouvoir d’achat en Charentes car, durant la période d’euphorie 1988-1992, les ventes d’inox étaient beaucoup plus importantes. Actuellement, le différentiel de prix de 15 à 20 % en faveur de la fibre est devenu un argument incontournable. Si dans les années à venir la proportion de cuverie inox vendue venait à augmenter, cela attesterait d’une volonté d’investissement beaucoup plus marquée.
Une phase de renouvellement normal des pressoirs après une décennie de mévente
Les ventes de pressoirs constituent la bonne surprise de la campagne 2004-2005 puisque 95 à 100 matériels neufs ont été vendus, ce qui constitue un niveau record de ventes depuis dix ans. Cela fait trois ans que les ventes de pressoirs connaissent une progression significative et les perspectives de marché en 2005-2006 semblent intéressantes. Dans une région qui produit chaque année 8 à 9 millions d’hl de vins blancs, les équipements de pressurage représentent un maillon clé des installations de vinification et le parc total de pressoirs est estimé entre 8 000 et 10 000 unités. Les pressoirs horizontaux à plateaux représentent encore 75 % de ce parc total, mais leur niveau de fonctionnement est en forte baisse depuis quelques années. Ces matériels ont eu une longévité assez exceptionnelle puisque beaucoup de ces matériels ont été achetés neufs dans la période 1970-1985. Actuellement, leur remplacement est lié à la fois à l’usure naturelle des vis et des plateaux et aussi au travail que nécessite leur utilisation. Les premiers pressoirs pneumatiques ont été vendus dans la région de Cognac à partir du milieu des années 80 et les constructeurs estiment qu’environ 1 000 unités de cette famille de matériel sont actuellement en fonctionnement dans la région délimitée. Le volume de vendange traité par des pressoirs pneumatiques est important compte tenu de la capacité moyenne des cages (environ de 80 hl) et du développement du concept des unités mobiles de pressurage. Les entrepreneurs de travaux viticoles, les CUMA de vendanges ont été les premiers demandeurs d’équipements de pressurage mobiles de grande capacité susceptibles d’être utilisés pour satisfaire le débit des machines à vendanger. Les pressoirs pneumatiques de 80 ou 100 hl montés sur des unités mobiles travaillent en moyenne sur des surfaces comprises entre 70 à 80 ha/an, ce qui permet d’en réduire les coûts d’utilisation. Les égouttoirs-presses, qui dans le courant de la décennie 80 avaient connu une certaine expansion compte tenu de leurs débits, ne se vendent plus aujourd’hui en raison des prises de position des principaux acheteurs d’eaux-de-vie de la région déconseillant leurs utilisations. Le redressement du marché des pressoirs neufs depuis trois ans, 40 unités en 2002-2003, 60 unités en 2003-2004 et 100 unités au cours de la dernière campagne, est somme toute logique compte tenu à la fois du vieillissement du parc de pressoirs dans la région délimitée et du faible niveau d’achats pendant la période 1995 à 2000 (en moyenne des ventes de 20 pressoirs neufs par an). Durant cette période, les transactions d’occasions auprès des concessionnaires et entre viticulteurs représentaient un marché nettement supérieur aux ventes de neufs et la demande concernait surtout des pressoirs à plateau de 32, 40 et 68 hl. Actuellement, les concessionnaires estiment qu’environ 60 % des pressoirs d’occasions repris vont directement « à la casse » compte tenu de leur état. Les pressoirs pneumatiques neufs vendus au cours des cinq dernières années ont une capacité de cage moyenne qui se situe autour de 80 hl et environ 30 à 40 % des équipements sont installés sur des unités mobiles.
La demande d’unités mobiles de pressurage est un phénomène spécifique au vignoble de Cognac et cela illustre les efforts de recherche de productivité quasi permanents des viticulteurs de la région. Le surcoût lié au châssis mobile tout équipé se situe autour de 15 000 à 18 500 € ht selon le niveau d’équipements et quelle que soit la capacité du pressoir acheté.
On voit aussi se développer des unités mobiles sur portique souvent moins coûteuses en matière d’investissement et plus polyvalentes. Le pressoir est déplacé en utilisant une benne élévatrice qui permet de le poser sur des béquilles et la remorque sert ensuite à collecter les marcs de raisins à l’issue du pressurage. Le surcoût de la benne élévatrice (utilisée toute l’année à d’autres fins) est inférieur au châssis mobile traditionnel équipé de système de convoyage des marcs. La seule limite de ces unités mobiles sur portique est leur encombrement qui peut poser des problèmes lors des déplacements pour des capacités de 80 hl et plus. La vente d’un seul pressoir pneumatique de 50 hl en installation fixe correspond aux attentes de propriétés d’une surface de 25 à 35 ha et cela remplace en général au moins deux cages de 32 hl. L’installation de pressoirs de 80 et 100 hl fixes ou mobiles correspond soit à des utilisations en commun (ETA, CUMA, grosses surfaces avec deux ou trois sites d’exploitation), soit à des vignobles importants et cela assure le remplacement de 3 à 4 pressoirs de 32 hl.
La modernisation des chais souvent motivée par « l’obligation » de résultats qualitatifs
Les concessionnaires régionaux qui réalisent les montages des unités mobiles et des installations fixes constatent que, globalement, les investissements sont réalisés avec un souci permanent de bien acheter et de les limiter à l’essentiel. Depuis deux ans, la proportion d’installations fixes semble augmenter, ce qui est peut-être à relier à l’évolution des pratiques de vinification et notamment au développement de la décantation. L’introduction de cette nouvelle intervention pré-fermentaire est peut-être en train de redonner un intérêt aux installations fixes compte tenu des contraintes matérielles et humaines qu’elle engendre.
Depuis quelques années, on voit des CUMA de vinification se constituer sous la forme de chais collectifs justement pour répondre aux attentes qualitatives liées à la décantation rapide, à la mise à température en ligne des moûts et aux problèmes d’environnement. Parallèlement au développement des ventes de pressoirs neufs depuis trois ans, la demande de pressoirs pneumatiques d’occasion est devenue très forte mais elle n’est pas satisfaite compte tenu de la rareté des capacités supérieures à 50 hl. Les seules disponibilités en pressoirs pneumatiques d’occasion étaient jusqu’à présent dans des capacités de 30 à 40 hl qui ne sont pas réellement adaptées aux propriétés charentaises. Il semble que les premières grosses capacités de pressurage pneumatiques mobiles arrivent dans une phase de renouvellement, mais leur faible nombre risque d’en renchérir leur prix.
Les pressoirs à plateaux d’occasion de 32 et 40 hl représentent encore un volume de ventes significatif auprès de viticulteurs voulant pousser leur parc matériel le plus loin possible. Beaucoup de transactions se font encore directement entre viticulteurs sans réellement prendre en compte les exigences de mise aux normes sur le plan de la sécurité. Par contre, le devenir des pressoirs à plateaux d’occasion de toutes capacités constitue un sujet de préoccupation majeur pour les concessionnaires charentais. Certains ne cachent pas qu’ils ont la plus grande difficulté à les revendre alors que d’autres semblent développer un courant d’affaires régulier en commercialisant des matériels révisés et mis aux normes. Les démarches de remise à niveau technologique sur les pressoirs à plateaux de 32 hl et plus avec la mise aux normes et l’installation d’automate (et de draineurs centraux), qui avaient connu un certain développement depuis les années 2000, ont un peu baissé au cours de la dernière campagne. Néanmoins, le marché des pressoirs à plateaux d’occasion de 32 hl et plus représentent encore dans la région des volumes conséquents qui, selon les années, doivent être proches de celui du neuf.
Des ventes de MAV assez stables dans le temps malgré un parc important
Le marché de la machine à vendanger neuve en Charentes n’a pas connu au cours des dernières années un développement aussi spectaculaire que les ventes de pressoirs et de cuverie. Les ventes de MAV neuves se situaient autour de 45 à 50 machines depuis plusieurs années et elles sont passées à 60 unités au cours de la dernière campagne. Le parc de vendangeuses en fonctionnement doit se situer autour de 2 000 à 2 500 machines dans la région délimitée dont plus de 500 tractées. Le renouvellement annuel de 50 à 60 machines ne constitue donc pas un niveau de vente très élevé d’autant que dans le Bordelais il se serait vendu au cours de la dernière campagne près de 70 MAV neuves. Durant la période la plus délicate de baisse de revenu des exploitations, des systèmes de location de machines se sont développés dans la région et un certain nombre de propriétés qui n’avaient plus les moyens de renouveler leur MAV ont opté pour cette solution. Les concessionnaires louent des MAV récentes d’une ou deux campagnes dans deux vignobles, par exemple sur 80 ha dans le Midi de la France et ensuite sur 80 ha à Cognac, ce qui permet de pratiquer des prix de prestations équivalents à ceux des ETA. Le système de locations de machines dont il est difficile de cerner l’importance (peut-être 20 MAV/an entre 1998 et 2002 et en baisse depuis 2 ans) a sans aucun doute gêné le développement des ventes de neuves. Si, historiquement, le vignoble de Cognac a été le fief des vendangeuses tractées, aujourd’hui ce n’est plus le cas puisque seulement 5 à 10 machines sont vendues chaque année en moyenne. La demande d’automotrices neuves correspond aux attentes des grosses exploitations et des entrepreneurs de travaux agricoles et des CUMA (environ 20 à 25 % des ventes totales pour ces deux catégories de prestataires). D’ailleurs, le nombre d’entrepreneurs de travaux agricoles est particulièrement important dans la région de Cognac, ce qui est sûrement à relier aux difficultés économiques.
Un développement des ETA et une demande soutenue d’automotrices d’occasion
En effet, durant la crise, un certain nombre de viticulteurs soucieux à la fois de mieux rentabiliser leur parc de matériel et de trouver une source de revenu complémentaire (et souvent indispensable) ont décidé de développer de véritables entreprises de prestations de services englobant les vendanges, le pressurage, le prétaillage, l’enfonçage de piquets, le palissage, l’effeuillage… et même des prestations complètes d’entretien des vignobles. Ces prestataires de travaux viticoles renouvellent régulièrement leur parc de matériel compte tenu du niveau d’utilisation élevé des équipements et des phénomènes de décote important des automotrices au-delà 4 à 5 ans. Pour mieux amortir leur matériel de récolte, beaucoup d’entrepreneurs de travaux agricoles travaillaient à la fois en Charentes et en Gironde, mais depuis quatre à cinq ans le chevauchement des dates de vendanges pose des problèmes et cela a été particulièrement flagrant sur les millésimes 2003 et 2005. La recherche de maturité tardive sur les Merlot et les Cabernet dans le Bordelais et plus précoce sur les Ugni blancs en Charentes remet en cause l’utilisation des vendangeuses des ETA sur ces deux vignobles proches. La chute des ventes de tractées alors qu’un parc important existe est sans aucun doute liée à deux phénomènes, le développement des travaux de vendange par entreprise et l’évolution des structures des exploitations qui grossissent en surface. Des propriétés de 20 à 40 hectares, lorsqu’elles s’agrandissent de 15 à 20 hectares supplémentaires, renouvellent leur équipement de récolte généralement avec une automotrice récente. Le marché des MAV d’occasion en Charentes dépasse en volume les ventes de neuves et une forte demande existe sur les automotrices récentes. Au cours de la dernière campagne, les transactions de MAV d’occasion se seraient situées autour de 80 MAV au sein de la région délimitée et cette demande est constante depuis plusieurs années. Un concessionnaire nous expliquait aussi qu’il voit des exploitations d’une surface de 40 à 60 ha réintégrer l’activité de vendange en raison de l’attention qu’ils portent désormais à la conduite des vinifications. Le fait de rentrer des volumes très importants de vendanges par jour sur des exploitations de moyenne surface rend quasiment impossible la réalisation des décantations de moûts et amplifie fortement les risques d’excès thermiques lors des fermentations alcooliques. L’absence d’investissement au niveau du matériel de vendange provoque une prise de risque supplémentaire au niveau des vinifications que certains viticulteurs ne veulent plus prendre. Cette évolution de comportement prenant plus en compte les aspects qualitatifs se ressent au niveau de la demande de matériel d’occasion qui a tendance à augmenter ces dernières années.
Une économie viticole de crise qui a modifié de façon irréversible les mentalités
L’évolution de marché des trois produits présentés précédemment atteste du changement de comportement fondamental des viticulteurs charentais dans leurs démarches d’investissements. Les achats sont effectués avec beaucoup de pragmatisme et les enveloppes budgétaires sont gérées avec une extrême rigueur. Ce nouveau contexte a fait évoluer les relations entre distributeurs et viticulteurs qui reposent principalement sur des réalités économiques. La très forte crise au sein de la région délimitée entre 1993 et 2002 a véritablement remis en cause un certain nombre de valeurs historiques du système de production. Depuis les années 70, le vignoble a perdu 25 000 ha et aujourd’hui il ne reste plus que 6 500 à 7 000 exploitations dont un certain nombre tire un revenu conséquent d’autres productions agricoles (et même aussi d’activités externes au milieu). L’économie viticole charentaise a connu une mutation sans précédent et le début de redressement à la production de l’économie régionale Cognac depuis deux à trois ans reste tout de même limité et très fragile. Les propriétés qui ont réussi à traverser cette période ont assaini et rationalisé leurs structures et leurs méthodes de production afin de s’adapter à des niveaux de revenus souvent inférieurs à 40 000-45 000 € ht (25 000 à 30 000 F/ha). Plus concrètement, pendant plus de 10 ans, les investissements ont été stoppés ou limités à leur niveau minimum, la taille des exploitations a rapidement grossi, la productivité par unité de main-d’œuvre a augmenté de manière spectaculaire. Une logique de conduite de vignoble et de gestion de toutes les activités « à l’économie » et de plus en plus mécanisée s’est imposée et la priorité a été la réduction des coûts de production. En moins de 10 ans, le viticulteur charentais amateur de belles vignes s’est transformé en gestionnaire contraint de produire le moins cher possible pour se préserver un petit revenu. Pendant cette période, tous les fournisseurs de la filière régionale ont beaucoup souffert car les seuls investissements qui étaient réalisés étaient ceux qui permettaient de réduire les coûts de production. Les ventes dans le vignoble de Cognac de tracteurs vignes, de MAV, d’équipements de chais, d’alambics, de fûts… ont connu leur plus bas niveau. Il fallait durer et faire durer tous les moyens de productions, vignoble, matériel vigne, chais, distillerie et un changement de fond s’est opéré dans les démarches d’investissement des propriétés. Le seul objectif était de produire des vins et des eaux-de-vie à un prix de revient le plus bas possible pour essayer de compenser les pertes volumiques de débouchés et l’érosion des prix. Les viticulteurs ont cherché à optimiser leur outil de production en limitant le nombre d’interventions au vignoble et en gérant leur parc matériel avec un souci de rentabilité maximum. La proportion de vignes non palissées s’est fortement accrue, l’enherbement s’est généralisé pour des raisons de simplification des travaux, l’externalisation de certains travaux s’est fortement développée (prétaillage, vendanges, pressurage parfois) et les rares investissements étaient réalisés dans des équipements générant des économies de main-d’œuvre. Les fortes ventes de prétailleuses, de palisseuses, de broyeurs polyvalents à herbes et sarments, de sécateurs électriques, d’attacheurs, d’andaineurs à sarments, attestent de cette évolution. Les interventions mécaniques au vignoble ont été réduites d’une part en simplifiant le calendrier des travaux et d’autre part en cherchant à réaliser plusieurs opérations en un seul passage (rognage et broyage). Les efforts de recherche de productivité ont aussi concerné les équipements de chai. L’utilisation de pressoirs montés sur des châssis mobiles, de cuves de grandes capacités illustre parfaitement cette recherche de productivité permanente qui est toujours d’actualité aujourd’hui. Pour optimiser l’utilisation d’une capacité de pressurage un peu juste par rapport à la surface, certaines grosses exploitations n’hésitaient pas à vendanger 24 heures sur 24. Des ETA proposaient des prix de prestations plus attractifs moyennant de pouvoir faire fonctionner chez leurs clients les vendangeuses et les unités mobiles de pressurage plus de 20 heures/jour.
Les distributeurs régionaux ont beaucoup souffert au cours de la décennie 90
La dureté du contexte économique de la région de Cognac a profondément modifié les mentalités des vignerons et cela se ressent dans leurs attitudes au moment où ils décident de réaliser un investissement. La très forte pression économique que subissent les viticulteurs les a amenés à devenir des acheteurs plus avisés, soucieux d’investir de façon juste et n’hésitant pas à mettre en concurrence plusieurs fournisseurs. La chute libre du marché des équipements viti-vinicoles pendant presque 10 ans en Charentes a incité les fournisseurs nationaux et locaux à redéployer leurs efforts sur des secteurs porteurs, et le tissu de distribution régionale des intrants et des équipements viticoles, des consommables, de matériels de chais, d’équipements de distillerie a profondément souffert. Par exemple, la quinzaine de concessions qui vendaient des gammes complètes de matériels spécifiques en 1990 a été divisée par deux et les personnels les plus compétents ont souvent choisi de quitter les entreprises faute de perspectives de carrière intéressante. Un certain nombre de concessions ont redimensionné leurs activités et leurs structures, et d’autres ont carrément été rachetées par des groupes de distribution importants. L’effectif de deux cents personnes que mobilisaient la fabrication et l’entretien des alambics et des distilleries ne dépasse plus aujourd’hui une soixantaine de spécialistes qui détiennent un savoir-faire unique. Paradoxalement, les cinq sociétés travaillant actuellement dans la chaudronnerie cuivre sont débordées de travail et il n’est pas sûr qu’elles auraient en 2006 la capacité financière et technique de fabriquer 40 alambics neufs en trois parties traditionnelles (alors que toutes les grandes maisons de négoce plaident en faveur de ce type de chaudière). La mutation des conditions de production n’a épargné aucun secteur d’activité et même les distributeurs de produits phytosanitaires ont observé une évolution des pratiques de protection et d’entretien du vignoble. Les budgets protection et fumure ont été nettement revus à la baisse et l’introduction des limites de rendement/ha à 120-130 n’a fait qu’amplifier le phénomène. Ce contexte de baisse d’utilisation des intrants a eu des répercussions au niveau des entreprises, les coopératives et les négociants qui se sont concentrés par des fusions ou des rachats. En résumé, le marché charentais était devenu faible en volume et « dur » sur le plan des négociations commerciales, ce qui n’a pas incité les grands fournisseurs à s’intéresser à d’autres régions plus porteuses. Par ailleurs, en dix ans les structures des grandes sociétés ont beaucoup évolué et la récente reprise de l’activité commerciale en Charentes est perçue à la fois avec intérêt et aussi prudence.
Les structures d’entreprise des fournisseurs de la filière ont aujourd’hui totalement changé
En effet, les entreprises fabriquant des équipements viti-vinicoles ont profondément évolué depuis 15 ans, soit par le biais de phénomènes de rachats aboutissant à des gammes de plus en plus longues (tracteurs, moissonneuses-batteuses, vendangeuses, pulvérisateurs, outils de travail du sol…), soit par une spécialisation dans des créneaux d’activités obligeant les sociétés à travailler sur la filière viticole mondiale (les machines à vendanger, les pressoirs, les équipements portatifs, les pressoirs, le matériel de chai). Cette mutation fondamentale des structures de production des fournisseurs de la filière a concerné toutes les entreprises, les petites unités régionales, les sociétés moyennes et les grands groupes de machinisme viticole et agricole. Des petites et moyennes sociétés sont en mesure aujourd’hui de diffuser leurs produits en France et dans toutes les zones de production viticoles du monde. Ce contexte de marché beaucoup plus large a profondément modifié les stratégies de développement de nouveaux produits qui désormais doivent répondre à une demande la plus large possible. Aussi, un potentiel de production comme le vignoble de Cognac avec 75 000 ha de vigne et des ventes annuelles de 60 vendangeuses, de 100 pressoirs et de 1 200 cuves/an n’est plus suffisant pour mobiliser l’intérêt des fournisseurs. Les sociétés ne dénigrent pas le regain d’activité de la région délimitée mais la dynamique commerciale qu’il engendre n’est plus suffisante pour développer des stratégies de production dans le moyen terme. La logique industrielle s’est imposée dans tous les créneaux d’activité du secteur viti-vinicole et aujourd’hui les chefs d’entreprise essaient de diversifier leurs débouchés pour éviter d’être trop dépendants d’une aire de production trop « locale ». Peut-on réellement blâmer un tel comportement ? Objectivement non car aujourd’hui le tissu économique des fournisseurs s’est certes beaucoup concentré mais il est toujours présent et les viticulteurs charentais veulent renouer des contacts avec des partenaires fiables.
Un marché de renouvellement et non pas de création d’entités de production nouvelles
Une usine de fabrication de contenants en fibre de verre employant 100 personnes possède une capacité de production si importante qu’elle ne peut plus prendre le risque de ne travailler que sur un type de produit destiné à la seule région de Cognac, surtout si ce débouché est très fluctuant dans le temps. Un atelier de chaudronnerie inox parfaitement structuré de 100 personnes qui est en mesure de fabriquer plus de 1 200 contenants inox de toutes capacités doit obligatoirement aller chercher des marchés dans d’autres régions de production et sûrement aussi en dehors du secteur vinicole pour valoriser ses compétences internes dans le temps. Les constructeurs de pressoirs se félicitent de voir les ventes en Charentes atteindre un niveau plus important (d’autant que la valeur unitaire de chaque pressoir est assez importante dans la région avec une capacité moyenne de 80 hl), mais le fait d’avoir multiplié par trois le potentiel est-il suffisant pour développer une stratégie de produits spécifique à notre région ?
Les deux entreprises qui dominent le marché en Charentes, Vaslin Bucher et Diemme, possèdent des structures industrielles importantes dont le fonctionnement doit s’appuyer sur une demande de produit beaucoup plus importante et diversifiée. Le récent développement commercial ne repose pas sur des démarches de création d’entités de production viticole comme c’était le cas au début des années 70 mais sur une phase naturelle de renouvellement. L’ensemble des acteurs commerciaux de la filière viti-vinicole charentaise est en mesure de mieux cerner ce marché de renouvellement dans les années à venir en tenant compte d’une part de la longévité des équipements actuellement en service et d’autre part d’un contexte de stabilité (ou d’amélioration) économique.
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