Bruno Arrivé produit des vins de pays depuis presque 20 ans en ayant le souci permanent d’améliorer la qualité et la diversité des productions. Le hasard d’une rencontre avec Olivier Tombu, le responsable de la tonnellerie Baron, l’a convaincu de faire un essai de vinification intégrale en barriques neuves sur des Merlot et des Cabernet Sauvignon. Après quelques mois d’élevage, l’évolution qualitative des vins paraît intéressante et ce producteur considère qu’elle peut présenter de l’intérêt pour élaborer des cuvées spéciales.
Jean-Guy et Bruno ont constitué un vignoble de vin de pays d’une quarantaine d’hectares, le Domaine du Taillant, qui leur permet d’élaborer une gamme complète de vins blancs, rosés et rouges. Une véritable unité de production de vins de pays a été créée au cours des vingt dernières années avec le souci permanent d’améliorer la qualité des vins et de proposer aux consommateurs une diversité de vins et de cuvées. C’est en fait le mode de commercialisation des vins qui a en quelque sorte stimulé la démarche de production. La commercialisation des premières récoltes s’est effectuée de façon directe à partir de quelques points de ventes situés dans des zones touristiques proches du lieu de production. Les contacts directs avec la clientèle estivale habituée à consommer des vins provenant de diverses régions se sont avérés très enrichissants et avec d’autres producteurs du Bordelais, du val de Loire ont été très enrichissants et stimulants. Bruno Arrivé, qui a suivi un cursus d’études supérieures de viticulture et d’œnologie, a très vite pris conscience des limites qualitatives des vignes de vins de pays conduites comme des Ugni blancs (vignes larges hautes à faible densité et vigoureuses). A partir de 1988, toutes les nouvelles plantations ont été implantées à 5 000 ceps/ha (2 m sur 1 m) et actuellement elles représentent plus de 50 % des surfaces.
Le vignoble de cette exploitation est très diversifié en terme de nature de cépages blancs et rouges et B. Arrivé réalise tous les ans des essais grandeur nature de cuvées de cépages ou de méthodes de vinification particulières. Ce souci d’élaborer une diversité de vins permet de capter une clientèle plus large et de faire face à une concurrence de plus en plus vive notamment sur le créneau des vins rouges.
Une vinification en rouge conduite intégralement dans des barriques de 225 à 400 l
Le hasard d’une rencontre avec Olivier Tombu, le responsable de la tonnellerie Baron aux Gonds en Charente-Maritime, a convaincu B. Arrivé de faire un essai de vinification intégrale en barriques sur du Merlot et du Cabernet Sauvignon. Le principe de cette nouvelle technique est de réaliser toute la vinification en rouge dans des barriques neuves (en les remplissant de vendange) et ensuite de pouvoir utiliser ces mêmes contenants pour élever les vins traditionnellement. Les barriques remplacent donc la cuverie pour réaliser le cycle complet de vinification en rouge traditionnel. La tonnellerie Baron a bien sûr adapté la conception des barriques afin de rendre fonctionnel la réalisation des encuvages de la vendange fraîche, des remontages (sans pompage), des pigeages (sans interventions mécaniques) et de l’écoulage des barriques au bout de 15, 20, 25 jours, voire plus. Cela fait maintenant trois ans que la tonnellerie Baron a développé ce concept de vinification intégrale en barriques en partenariat avec des domaines leaders du Bordelais. Les dégustations des vins ont confirmé l’intérêt de cette technique et plusieurs centaines de barriques intégrales ont été commercialisées dans diverses régions viticoles en France et à l’étranger. Sur le plan qualitatif, le fait de vinifier en barriques permet d’obtenir des vins ayant une structure tannique à la fois complexe et équilibrée, avec une bonne présence du caractère fruité des raisins d’origine. Le fait de réaliser la fermentation en barrique semble propice à l’expression aromatique, à une meilleure stabilité de la couleur dans le temps et à l’intégration avec souplesse des notes boisées issues du bois neuf. B. Arrivé, qui pratique déjà des élevages en fûts sur des cuvées de vins de garde, a été agréablement surpris par le caractère très fondu des notes boisées présentes dans des vins jeunes issus d’une vinification intégrale en fûts neufs.
Des barriques conçues et installées pour recevoir et décuver de la vendange et réaliser des remontages facilement
Le concept de vinification intégrale repose à la fois sur une fabrication de barrique particulière et sur l’utilisation du procédé de stockage des barriques Oxoline. Les fûts sont équipés sur un fond d’une bonde en inox d’un diamètre de 120 mm qu’il est possible d’ouvrir et de fermer de manière parfaitement étanche (en la vissant et la dévissant). La vendange éraflée est introduite par cet orifice de grand diamètre en utilisant un entonnoir inox spécial (trois accessoires sont disponibles selon le mode de remplissage, manuel, par gravité ou par pompage) et la barrique est remplie à 85 % de son volume total pour éviter les débordements durant la phase fermentaire. Toutes les interventions pré-fermentaires, puis la fermentation alcoolique et les extractions de matière colorante se déroulent dans la barrique sans aucune manipulation mécanique et sans pompage. L’utilisation de la structure de stockage Oxoline permet d’avoir une gestion indépendante de chaque fût (qui repose sur quatre galets) et de réaliser les remontages et les pigeages par de simples rotations des contenants sur eux-mêmes. Récemment l’entreprise a mis au point un module Oxoline monobloc qui permet de stocker une seule barrique et surtout d’être déplacée avec le fût plein par un transpalette. L’avantage de ce système est de pouvoir rendre totalement mobile l’unité de vinification et de stockage, ce qui facilite considérablement les travaux d’encuvage et ensuite d’écoulage. Le bouchon est équipé d’une spatule inox de 45 cm de longueur qui reste à demeure à l’intérieur du fût et permet de bien homogénéiser la vendange lors des rotations. Au moment de l’écoulage, il suffit de mettre la bonde inox en position haute et de retirer le bouchon avec la spatule et de le remplacer par un filtre (de même nature que les grilles de remontage dans les cuves) avec une sortie en pas mâcon de 40 ou de 50 susceptible d’être raccordée à des tuyaux. Une rotation de la barrique met en position basse la bonde et le filtre, et le vin s’écoule par gravité. Ensuite, la bonde filtrante est retirée et les marcs sont sortis en utilisant une raclette inox. Cette opération nécessite une dizaine de minutes pour une barrique de 225 l et environ 15 mn pour une de 400 l.
Une vinification facile à maîtriser sur le plan pratique
L’essai conduit par Bruno Arrivé porte sur quatre barriques de 225 l de Merlot et de Cabernet Sauvignon. Les bois utilisés pour la fabrication de ces fûts neufs étaient des grains fins et mi-fins provenant du Centre de la France et de la forêt des Vosges avec des chauffes moyennes. La vendange éraflée a été introduite dans les fûts par un pompage et toute la vinification s’est déroulée sur des modules Oxoline monoblocs. Après un léger sulfitage et un enzymage, une macération à froid à 6 °C a été réalisée pendant 5 jours en homogénéisant la vendange deux fois par jour par deux rotations des fûts. Durant cette phase pré-fermentaire, les barriques ont été déplacées dans une chambre froide afin de maîtriser d’éventuelles montées de températures. Il est aussi possible de maintenir les températures en injectant régulièrement dans le fût de la neige carbonique (avec un carboflash). Ensuite, les barriques ont été remises dans le chai et après un levurage, la fermentation alcoolique s’est déroulée sans problème et les niveaux de températures sont montés au maximum entre 28 à 30 °C. Les vins ont été ensuite conservés plusieurs jours sur leur marc et la durée de la cuvaison a été de trois semaines pour les Merlot et de deux semaines pour les Cabernet Sauvignon. Le rythme des remontages et des pigeages a été de trois demi-rotations quotidiennes de chaque côté pendant la fermentation alcoolique et de deux demi-rotation quotidiennes de chaque côté pendant la phase de conservation sous marc post-fermentaire.
Des vins très aromatiques avec un boisé fondu très intéressant
Au moment de l’écoulage, les vins issus des barriques de merlot possédaient une couleur franche mais pas très intense et à la dégustation les saveurs de fruits rouges et de raisins étaient très présentent. Les vins de Cabernet Sauvignon avaient, eux, une couleur beaucoup plus riche et intense et gustativement « on avait réellement l’impression de manger du fruit ». Les saveurs de bois étaient perceptibles mais ne dominaient pas et ne masquaient pas le potentiel aromatique ni la structure du vin. Après l’écoulage, les barriques ont été lavées et immédiatement remplies avec un assemblage de Merlot et Cabernet Sauvignon dans des proportions de 40 et 60 %. Après trois mois d’élevage dans ces mêmes barriques, B. Arrivé a dégusté régulièrement les vins et l’apport de cette méthode de vinification ne le laisse pas indifférent : « La couleur des vins s’est bien tenue et le vin possède une richesse aromatique et un équilibre en bouche assez surprenants. Les notes boisées ne sont pas agressives et déjà un peu fondues dans la structure tannique du vin alors que d’au-tres lots vinifiés en cuve et élevés en fûts neufs sont dans une phase où les saveurs de bois sont nettement plus dominatrices. La bonne évolution du vin m’incite à envisager un élevage long en barrique. Je pense aussi qu’en 2003, les caractéristiques de maturité de la vendange étaient idéales pour réaliser ce type de vinification. Les raisins, et tout particulièrement ceux de cabernet sauvignon, ont atteint un niveau de maturité exceptionnel et propice à l’expression aromatique. La méthode de vinification intégrale en barrique à comme seul inconvénient d’être coûteuse surtout pour élaborer des vins de pays charentais basiques, mais par contre je pense qu’elle a de l’intérêt pour des cuvées spéciales à plus fortes valorisations. Sur le plan pratique, le déroulement des vinifications en barriques est finalement assez simple à conduire avec le système Oxoline et seule l’opération de décuvage est un peu lourde, mais avec des barriques de 400 l le travail sera déjà plus simple. » B. Arrivé a aussi réalisé un essai d’élaboration de pineau rosé en vinification intégrale. Une macération enzymatique à froid (à 6 °C) de 72 heures en barriques neuves a été conduite en présence d’alcool à 10 % vol. Le résultat s’est avéré assez concluant puisque les pineaux, après quatre mois d’élevage, possèdent une belle couleur (qui se tient) et un caractère fruité très agréable qui n’est nullement dominé par les notes boisées.
