Un débourrement précoce, attendu et craint !

9 mai 2019

La Rédaction

            Le débourrement 2 019 s’annonce comme précoce dans le vignoble de Cognac et dans le Bordelais ce qui n’est pas réellement une surprise. Le climat du Cœur de l’hiver en novembre, décembre et janvier normalement pluvieux et peu froid n’a pas engendré une phase de dormance longue et tardive. Ensuite, des séquences de beau temps inhabituelles à partir de la mi-février et durant tout le mois de mars ont stimulé le réveil de la nature. Durant cette période, les thermomètres au cœur des après-midi affichaient très régulièrement 18 à 22 °C. De tels cumuls de températures ont favorisé un démarrage de la végétation précoce dès la mi-mars pour des cépages comme le chardonnay, le sauvignon, le colombard et le merlot. Au niveau des ugni blanc naturellement plus tardifs, l’enclenchement du débourrement est également constaté avec une avance significative et aussi très diverse selon la nature des terroirs et les dates de taille.

 

Des Merlot et des sauvignons qui marquent les rangs dans le Bordelais

 

            Dans le secteur du Libournais, les merlots avaient atteint très régulièrement le stade 1 feuille étalée au 1er avril alors qu’en 2018, à cette même période, la phase d’éclatement commençait. Dans le secteur du Blayais, l’avance d’une grosse dizaine de jours est très perceptible et d’une manière générale, le débourrement est rentré dans une phase active partout et même dans les terroirs tardifs. Dans cette zone, les sauvignons au 1er avril sont très régulièrement au stade 1 à 2 feuilles étalées et dans les situations précoces, les inflorescences sont visibles. Les merlots sont en moyenne au stade pointe verte et d’une manière générale, la qualité de la sortie paraît  régulière.

 

Des Ugni blancs déjà bien avances dans les situations précoces

 

            En Charentes, le débourrement s’annonce précoce mais aussi très divers compte tenu de l’étendue et des spécificités de l’aire de production. Dans le vignoble de l’île de Ré, les chardonnays sont au stade 2 feuilles étalées, les colombards et les merlots au stade 1 feuille étalée et les bourgeons d’ugni blancs sont très régulièrement dans le coton. Dans les secteurs proches de l’estuaire de la Gironde, l’avancement des cépages précoces est identique et les ugni blancs taillés assez tôt sont régulièrement au stade pointe verte. Dans le cœur du vignoble, les parcelles de colombard et de folle-blanche ont leurs premières feuilles et marquent déjà les rangs. La qualité de la sortie dans les vignes avancées paraît régulière. Les effets nature des sols, dates de taille et âge des vignes semblent avoir cette année une incidence marquée sur l’état d’avancement des bourgeons. Dans les sols légers et bien exposés, le stade bourgeons dans le coton est régulièrement atteint alors que dans les terroirs lourds et taillés tardivement, la phase d’éclatement des bourgeons commence.  Les relevés de phénologie réalisés par les techniciens confirment la précocité du débourrement 2 019 par rapport au millésime précédent et valeurs moyenne de la dernièresdécennie. L’avance serait en moyenne de 10 à 12 jours et une proportion significative de parcelles aura atteint le stade de réceptivité au risque de gel dès le 05 à 10 avril. Pour de nombreux viticulteurs, les trois à quatre semaines à venir vont donc être difficiles à vivre !

 

 

            L’ambition affichée de reconquête de valeur pas encore perçue par les centrales d’achats         

            La publication des premières ordonnances d’application de la loi EGalim depuis le début de l’année est l’aboutissement logique et aussi très attendu des états généraux de l’alimentation. Cette initiative qui a suscité de gros espoirs et des interrogations vise à moraliser les relations commerciales dans l’univers agricole et aussi à promouvoir le développement d’une alimentation saine et durable. L’un des volets vertueux de cette loi est de permettre aux agriculteurs d’avoir des revenus dignes en répartissant mieux la valeur au moment des négociations commerciales. Une telle idée a été forcément rassembleuse auprès des catégories de producteurs des filières d’élevage, de maraîchage, d’arboriculture,…  très confrontées à la grande distribution et à son dialogue de pression permanente sur les prix.

            L’objectif serait d’arriver à imposer dans les négociations commerciales, des propositions de prix tenant compte des coûts de production propres à chaque filière. La loi prévoit un contrôle du suivi des accords et même des sanctions en cas de non-respect des dispositions initiales. Or, les premiers échos de divers représentants des producteurs ayant négocié des marchés en 2019 avec la grande distribution démontrent que le climat de dureté des échanges reste identique. Les textes de loi EGalim ne semblent pas avoir modifié l’état d’esprit des acheteurs jusqu’à présent. La culture du prix le plus bas reste plus que jamais d’actualité auprès des décideurs des centrales d’achats. Le cadre législatif devra être conforté par une volonté politique plus forte accompagnée d’actions probantes pour faire bouger les lignes et faire gagner de la valeur aux producteurs.

 

La séparation des activités de vente et de conseil des phytos, une petite révolution

 

            Un autre volet important de la loi EGalim concerne l’amélioration environnementale des conditions de production. Ce challenge amorcé depuis une dizaine d’années a été formalisé dans le cadre du projet de loi avec une série de propositions phares, la séparation des activités de vente et de conseil des produits phytosanitaires et l’interdiction des remises et des ristournes sur le business des intrants dans le but de mieux en contrôler leurs utilisations. Les projets d’ordonnances relatifs à cet aspect des choses ne sont pas encore totalement finalisés. Des discussions sont en cours avec les acteurs de la distribution pour que d’ici la fin du mois de mai, les modalités d’application soient établies. L’idée de vouloir rendre indépendant les conseils d’utilisation des intrants phytosanitaires de l’activité économique qu’il génère est louable. Les porteurs du projet de loi considèrent que cette initiative va permettre de réduire les consommations de pesticides.

            Une telle séparation de ces deux activités va entraîner une petite révolution dans le fonctionnement des coopératives et des négoces agricoles. Aujourd’hui la grande majorité de ces entreprises exercent ces deux activités et les marges dégagées sur la vente des intrants financent l’apport des conseils. Le projet de loi modifie complètement l’organisation technique et économique avec une séparation stricte des deux activités avec d’un côté, un conseil stratégique obligatoire et indépendant facturé (sous la forme de prestations à l’hectare ou à l’intervention) et de l’autre, l’achat de produits à un coût forcément moins onéreux. Désormais, les coopératives et les négoces devront choisir leur métier, soit devenir seulement des conseillers de terrain, soit être uniquement des vendeurs d’intrants phytosanitaires. Les vendeurs devront apporter des conseils d’usage des produits prescrits par les organismes de conseil. Le modèle économique actuel et les structures humaines des coopératives et des négoces d’appros vont être remis en cause ce qui engendre des réactions houleuses. Toutes ces PME vont devoir s’adapter à cette nouvelle donne. Cela risque à court terme de bousculer en profondeur à la fois les approches de diffusion des conseils et le business des phytos. La distribution en direct des phytos auprès des agriculteurs à partir de plateformes régionales, voire nationales pourrait se développer et parallèlement des structures de conseils nouvelles liées ou pas à des distributeurs risquent de se créer.

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