A deux mois des vendanges, 2012 fait partie de ces millésimes où la nature a montré toute sa puissance ! L’actualité c’est bien sûr la terrible épidémie de mildiou. En ce début de mois d’août, la maladie est toujours très présente dans les parcelles et la conservation d’un feuillage fonctionnel durant la maturation va nécessiter une grande vigilance. La « sporée » de mildiou est telle qu’à chaque pluie à venir, de nouvelles contaminations se produiront. Après trois mois de lutte acharnée, un certain sentiment de déception envahi l’esprit des viticulteurs. Contrairement à 2007 ou 2008, peu de parcelles dans la région en ce début août sont indemnes de symptômes sur grappes. Les dégâts, même quand ils n’excèdent pas 5 à 10 %, interpellent ! 90 % des stratégies de protection ont été mises à mal et la moindre erreur a été lourde de conséquences. Le mildiou a fait preuve d’une agressivité inégalée. Les effets cumulés des apports de fumure, des fortes vigueurs, d’un climat propice et d’une réceptivité maximum de la plante ont favorisé l’expansion de la maladie. L’usure de la famille des fongicides à base de CAA (confrontée à des phénomènes de résistance) n’a pas non plus facilité les choses, surtout quand ces spécialités ont été positionnées directement sur du mildiou déclaré. Cependant, toutes ces réalités n’expliquent pas tout. Le principal sujet de déception des viticulteurs réside dans la moindre rémanence des spécialités systémiques ou pénétrantes. Les renouvellements à 10-11 jours se sont parfois révélés décevants ! Or, investir 50 à 60 € ht/ha pour assurer une couverture de seulement 8 jours passe mal.
L’événement majeur de l’épidémie a été la puissance des sorties sur feuilles et sur grappes fin juin et début juillet. L’intensité de la maladie a franchi à cette période un palier qui a surpris beaucoup d’observateurs avisés. Le mildiou 2012 dans les vignes d’ugni blanc généreuses n’était-il pas indomptable ? N’aurait-on pas, au fil des années, sélectionné de nouvelles souches de champignon dont la virulence accrue malmène toutes les stratégies de traitement actuelles ? L’épidémie de mildiou 2012 à Cognac inquiète car il s’est passé quelque chose dans le vignoble. Des travaux de recherches fondamentaux sur la biologie de la maladie, la caractérisation des souches de mildiou, l’évolution des phénomènes de résistance et l’efficacité des différentes familles de fongicides, l’utilisation de nouvelles approches de luttes (SDN…) sont nécessaires à l’échelle de la région pour comprendre la puissance de l’épidémie et en tirer les enseignements pour l’avenir. Or, malheureusement, les seuls développements des dernières années concernent la modélisation et les réductions de doses d’intrants phytosanitaires. Est-ce suffisant pour un contexte de production Charentais ultra-sensible à la maladie où, au cours des 6 dernières années, trois cycles végétatifs ont été fortement impactés par la maladie ? Vouloir conseiller efficacement au niveau de la protection du vignoble et de l’agronomie nécessite de s’appuyer sur des connaissances régionalisées solides et récentes. La philosophie de production « ugni blanc de Cognac » est un monde à part dans l’univers viticole français.
Les dégâts occasionnés par le mildiou auront des conséquences sur le potentiel de production qu’il est difficile de quantifier précisément. Les attaques sur grappes ont été nombreuses mais leur intensité dans de nombreuses parcelles ne dépasse pas 5 à 10 %. Le mildiou n’est pas le seul handicap de l’année 2012. La sortie de grappes inférieure de 16 % à la moyenne des dix dernières années, des conditions de floraison pas idéales, la présence de chlorose et l’impact des maladies du bois ont aussi grignoté des hectolitres. L’évolution du poids des grappes et du TAV pendant la maturation sera cette année les éléments déterminants de la productivité régionale. On s’oriente vers des niveaux de rendements moyens en volume et tout le monde espère que l’arrière-saison permettra d’obtenir une richesse alcoolique correcte. L’état d’avancement du cycle végétatif est plutôt tardif et la véraison est attendue après le 15 août. Il ne faut pas non plus dresser un tableau trop noir de la situation car la charge de raisins reste correcte dans bon nombre de propriétés.
Les souches d’ugni blanc de la région de Cognac ne sont pas un matériau industriel inerte dont on peut programmer le niveau de productivité « en appuyant » sur les seuls leviers fumure et longueur des bois de taille. Les notions d’agronomie, d’entretien de la pérennité du vignoble deviennent capitales quand on cherche à produire 11 à 12 hl d’AP/ha. Le capital « forme » des ceps de vigne se construit dans le long terme en faisant preuve d’attention et de constance. La notion d’entretien agronomique du vignoble prend tout son sens dès que l’on demande aux souches de faire plus de raisins. Or, cette réalité a été mise à mal par la crise de surproduction de 1995 à 2005. Pour passer ce cap très difficile, les viticulteurs n’ont pas eu le choix : « il fallait trancher dans le vif » ! Transformer l’établissement des parcelles, sous-alimenter les souches, gérer les travaux uniquement à la calculette, ne plus renouveler les plantations sont des méthodes de production adaptées à des objectifs de productivité de 6 à 8 hl d’AP/ha mais pas plus. Au cours de cette décennie de « maltraitance », les ceps d’ugni blanc se sont affaiblis et cela se ressent encore fortement lors de cycles végétatifs difficiles comme celui de 2012. Maintenant, il faut attendre quelques années pour que les efforts actuels d’entretien portent leurs fruits et redonnent de « l’énergie » aux vignes charentaises.
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