Les défenseurs des droits de plantation ont toujours été persuadés que l’opinion publique – l’opinion des professionnels comme l’avis de « l’homme de la rue » – jouerait un grand rôle dans un dossier aussi « civilisationnel » que celui des droits de plantation. L’exemple du « couper n’est pas rosé » les incite à le penser. C’est bien parce que tous les acteurs se sont mobilisés que la tentative de la Commission a échoué : celle d’autoriser le coupage rouge/blanc pour produire du vin rosé.
A ce stade des négociations sur les droits de plantation, l’EFOW, la Fédération européenne des vins d’origines, vient de lancer un blog multilingue (français, anglais, italien, espagnol). L’idée ? Permettre à tout le monde de s’exprimer et/ou de s’informer sur le sujet. « Chacun a son mot à dire sur la dérégulation des plantations de vignes. C’est un modèle de société qui sera remis en cause si nous ne revenons pas sur cette décision » affirme Bernard Farges, président de la CNAOC*. Pour se rendre sur le blog, rien de plus simple. Il suffit de taper l’adresse http///www.plantingrights.eu. Libre ensuite de déposer un commentaire, un avis. Le blog adopte un ton volontiers ironique, décalé. Son slogan ! « Plantez-vous ». Démarré il y a quelques semaines, la véritable montée en puissance du blog est attendue à l’automne. D’ores et déjà un certain nombre de « followers » le suit sur twitter. Même chose sur Facebook.
Comment évolue le dossier des droits de plantation à Bruxelles ? Manquent toujours 40 voix pour décrocher la majorité qualifiée au Conseil des ministres de l’Agriculture. Les pays viticoles tentent toujours de rallier à leur thèse des pays non-producteurs comme la Pologne, la Belgique, la Finlande, la Lituanie. La partie semble plutôt bien engagée sauf que la période ne s’avère pas très favorable à une réponse immédiate. L’agriculture européenne est plongée en pleine négociation de la PAC et chacun essaie de faire monter les enchères, pour obtenir plus de contrepartie budgétaire. D’où l’impression, peut-être, d’une négociation en panne, même si les lobbyistes restent confiants. « A condition que les pays producteurs demeurent unis, la majorité qualifiée est à portée de main. »
Au cours de la semaine du 2 au 6 juillet 2012, le groupe de réflexion à haut niveau s’est réuni pour la deuxième fois. Il rendra ses conclusions en novembre, à l’issue d’une dernière rencontre. Un calendrier en adéquation avec la PAC, ce qui tombe plutôt bien pour tous ceux qui prônent l’intégration du texte « plantations » dans la PAC.
Michel Dantin, le député européen rapporteur du projet d’OCM unique au Parlement européen, a rendu public son projet de rapport. Il prévoit de réintégrer le système actuel d’encadrement des droits de plantation jusqu’en 2030. Une position ferme, un signal fort envoyé aux pays producteurs même si chacun sait que cette proposition ne sera pas retenue en l’état. Il s’agit d’une base de négociation.
La Commission européenne persiste dans son attentisme. En coulisse, elle continue de militer pour un abandon de l’encadrement des droits de plantation. Elle vient de proposer de créer trois sous-groupes de travail au sein du GHN (groupe à haut niveau) : Quelles conséquences pour les AOC ? Droits de plantation et vins industriels ? Droits de plantations et vignes en pente ? « Les professionnels y compris le négoce devraient se montrer très prudents » prévient Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la CNAOC. « Nous savons très bien où la Commission veut nous emmener. Sa feuille de route vise à obtenir à minima la liberté de planter pour les vins sans indication géographique. Et si quelque chose devait se mettre en place pour les AOC, ce serait calqué sur le modèle des AOP fromagères, soit un dispositif assez limité, sur une durée déterminée et des décisions locales toujours notifiées à l’échelon communautaire, doté d’un rôle d’arbitre. »
L’étape de la négociation
Pour les pays producteurs, le temps semble venu de passer à la seconde étape, l’étape de la négociation, après celle de la réintroduction du principe de régulation, pour tous les types de vins. « Nous allons commencer à proposer des améliorations au dispositif actuel ; ou proposer un dispositif nouveau mais avec effets équivalents. » Cette négociation se fera « au sein du GHN ou à côté ». Contrairement au GHN lait, chargé d’émettre des propositions à caractère législatif, le GHN « droits de plantation » n’a qu’une vocation consultative, celle « d’enrichir les réflexions ». « A son sujet, la Commission n’a pas fait preuve de beaucoup d’ambition » notent les observateurs.
Bruno Le Maire, l’ancien ministre français de l’Agriculture, s’était montré très en pointe sur le dossier des droits de plantation. Qu’en est-il de son successeur ? Lors d’une conférence de presse à Bruxelles, Stéphane Le Foll s’est exprimé pour la première fois sur le sujet. « Faisons en sorte que la libéralisation des droits de plantation ne s’applique pas » a-t-il dit. Satisfaction parmi les pays viticoles et notamment en France, même si l’on dit attendre une déclaration plus officielle. « L’important, c’est que Bruxelles sente que, quelle que soit la majorité au Gouvernement, la position ne change pas. » Parler d’une seule voix s’impose plus que jamais comme la seule ligne de conduite à tenir. Car la Commission est à l’affût des dissensions, des dissonances. Elle les exploite au maximum.
Au cours de la campagne 2011-2012, la région de Cognac aura distillé environ 770 000 hl AP. Si ce n’est pas exactement un record, la dernière campagne de distillation se classe au troisième rang, derrière 1989-1990 (805 623 hl AP) et 1990-1991 (798 916 hl AP). En 2010-2011, il s’était fabriqué 714 928 hl AP. A fin mai 2012, sur les douze mois mobiles, les sorties de Cognac ont atteint 503 856 hl AP, dont 462 855 hl AP en Cognac et 41 000 hl AP pour les mutations Pineau, liqueurs…
* Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d‘origine contrôlées.
0 commentaires