Un adjuvant de pressurage qui retient les bourbes en excès

21 août 2012

La maison Rémy Martin considère que la qualité des moûts à l’issue du pressurage joue un rôle déterminant sur la qualité finale des eaux-de-vie. L’obtention de jus peu bourbeux à l’issue du pressurage est un challenge qualitatif majeur car, en Charentes, aucune intervention corrective de clarification poussée ne peut être mise en œuvre. Le débat « qualité des moûts » a amené Baptiste Loiseau à s’intéresser à l’utilisation d’un adjuvant de pressurage qui permet d’améliorer la capacité de drainage des jus. Les essais réalisés depuis trois ans confirment l’intérêt de cette nouvelle pratique et cela ouvre de nouvelles possibilités au niveau de la conduite de l’extraction des jus.

La maîtrise qualitative de la chaîne d’extraction des jus est une phase capitale de la vinification des vins de distillation. L’ensemble des composés extraits pendant cette étape technologique a une incidence déterminante sur la structure finale des vins de distillation. L’obtention de moûts peu bourbeux est un challenge qualitatif majeur vis-à-vis de la maîtrise des teneurs en alcools supérieurs, en composés issus de la trituration et de la richesse des vins en esters fermentaires. Les messages d’information sur la conduite de la chaîne technologique d’extraction des jus émanant de toutes les maisons de négoce sont cohérents. L’obtention de moûts trop bourbeux à l’issue du pressurage est à l’origine de déviations qualitatives qu’il n’est malheureusement pas possible d’atténuer ensuite au cours de la vinification. L’impossibilité d’utiliser du soufre pour réaliser une clarification maîtrisée et efficace lors d’un débourbage rend nécessaire de porter la plus grande attention aux conditions d’extraction des jus.

Des moûts peu bourbeux à l’issue du pressurage, un plus pour la qualité

p32.jpgLa maison Rémy Martin attache une grande importance aux aspects qualité des moûts et le discours de Baptiste Loiseau, le maître de chais adjoint, précise bien les choses : « L’obtention de moûts les plus clairs possible à l’issue du pressurage représente une priorité qualitative. Cela repose avant tout sur la mise en œuvre d’actions préventives au niveau de l’utilisation de la machine à vendanger, des opérations de transfert de vendange et dans la conduite du pressurage. La décantation rapide à l’issue du pressurage est une opération qui présente des avantages et des inconvénients. Son principal intérêt est d’éliminer des éléments grossiers (fragments de pulpes, de rafles, de feuilles, et toutes les particules lourdes) et d’améliorer la clarification de moûts qui, à l’origine, ne sont pas trop bourbeux. La principale difficulté est d’arriver à gérer le déroulement de la décantation. Certaines conditions rendent sa mise en œuvre délicate à piloter. Par exemple, des moûts ayant des températures élevées (plus de 18 °C) et les gros volumes de coulage des pressoirs rendent complexe et parfois risquée la mise en œuvre des décantations. C’est pour cette raison que nous préconisons la réalisation de cette intervention seulement quand on est en mesure de bien la maîtriser. La décantation est une intervention de clarification limitée qui n’est pas en mesure de pallier totalement les extractions de bourbes intenses lors du pressurage. Depuis que l’on vendange à la machine, la moindre proportion de rafles dans les cages des pressoirs a rendu le drainage des jus plus difficile. La masse de vendange a perdu une partie de sa capacité d’auto-filtration, d’où l’importance de porter une attention particulière à la conduite des cycles de pressurage. Chercher à minimiser l’extraction des bourbes doit vraiment être le critère essentiel pour adapter la programmation des cycles de pressurage. Cela fait de nombreuses années que l’on se demande comment on pourrait retrouver un effet auto-filtrant comparable à celui des rafles avec de la vendange récoltée manuellement ? C’est faisant part de cette spécificité de la chaîne d’extraction des jus en Charentes à un fournisseur de produits œnologiques, la société La Littorale, que la possibilité d’incorporer un adjuvant d’auto-filtration dans la vendange a été imaginée. »

Un adjuvant à base de cellulose qui améliore le drainage des jus au cours du pressurage

p32a.jpgLa Littorale commercialise des adjuvants de filtration fabriqués par le groupe allemand Erbsloh. L’entreprise a mené des recherches il y a quelques années pour remplacer les terres filtrantes à base de kiselguhr. Cela a débouché sur le développement d’une nouvelle gamme de supports filtrants à base de cellulose végétale. Un des produits, le Trub-ex, est utilisé en Allemagne pour faciliter la clarification des jus de fruits durant leur extraction et par certaines coopératives vinicoles comme adjuvant de pressurage. Le produit améliore l’effet de filtration de la masse de vendange et augmente la quantité de jus extraite lors des cycles de pressurage. La découverte par l’équipe du service technique de la maison Rémy Martin du Trub-ex a débouché sur la mise en œuvre d’une expérimentation en Charentes. L’idée de B. Loiseau d’incorporer dans la vendange un additif qui soit susceptible d’améliorer la capacité d’auto-filtration de la vendange au cours du pressurage devenait réalité. Le produit d’une consistance fibreuse, cotonneuse, se présente sous la forme de blocs rectangulaires de 10 kg (10 à 15 cm d’épaisseur) qu’il suffit de casser à la main en fragments (par poignée) pour les incorporer dans la vendange avant le pressurage. Il faut le laisser gonfler un moment pour qu’il devienne efficace. Les fibres de cellulose à basse densité au contact de la vendange ont un pouvoir absorbant des jus libres (dans les bennes et les conquets) qui ensuite, lors du pressurage, sont libérés. Au moment de son incorporation, le produit s’imbibe immédiatement de jus. L’idéal est de l’incorporer dans les bennes de transport ou dans les conquets avant le chargement des pressoirs. L’origine totalement alimentaire de la cellulose est garantie par la société allemande qui achète la cellulose directement dans des scieries.

Les essais probants de 2009 et de 2010 chez un bouilleur de cru chevronné

Des expérimentations en grands volumes ont été conduites par la maison Rémy Martin pendant plusieurs années. En 2009, le premier essai s’est déroulé chez un bouilleur de cru réputé pour sa rigueur au niveau de la conduite des vinifications et son aptitude à élaborer des eaux-de-vie aromatiques. L’itinéraire technologique de vinification habituel de cette propriété a été utilisé pour vinifier deux modalités d’essais comparatives de 250 hl. L’objectif sur ce site était de comparer un itinéraire classique sans décantation à la modalité Trub-ex sans décantation. Conjointement, des mini-vinifications ont été réalisées par le service technique R.M. L’exploitation est équipée de deux pressoirs pneumatiques de 50 hl utilisés en chargement axial, mais les cages ne sont jamais surchargées. L’adjuvant a été incorporé à une dose de 800 g/hl dans le conquet lors du déchargement de la première benne. Les premières séries d’observations ont été réalisées sur les moûts et ensuite à l’issue des fermentations alcooliques. L’analyse des microdistillations a permis de doser les composés influençant l’équilibre qualitatif des bourbes. Les résultats de cet essai se sont avérés encourageants. Les moûts aussitôt le pressurage avaient une turbidité inférieure de 45 % à ceux du témoin. L’augmentation des volumes de jus extraits au cours de la phase de pressurage a été beaucoup plus importante que lors des cycles de pressurage sans adjuvant. Les pertes volumiques liées à l’utilisation du Trub-ex ont été de 7 %, soit un volume légèrement supérieur aux prélèvements effectués lors des décantations (se situant entre 5 à 6 %). Les teneurs en alcools supérieurs ont diminué de 24 % et celles des composés en C6 l’hexanol et l’hexenol ont baissé respectivement de 73 % et de 6 %. Les concentrations en esters fermentaires ont légèrement augmenté (+ 6 %) et la dégustation des microdistillations a révélé une préférence pour la modalité Trub-ex.

La même expérimentation a été conduite sur cette propriété en 2010 en allant jusqu’à la distillation des vins. Les résultats en grand volume sur les moûts et les vins ont confirmé ceux de l’année précédente au niveau de l’augmentation des coulages de jus au cours du cycle de pressurage et des pertes volumiques (de 5 %). Par contre, les teneurs en esters, en alcools supérieurs ont été équivalentes, ce qui s’explique en grande partie par la grande maîtrise technique au niveau des vinifications de ce viticulteur.
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Un intérêt démontré en 2010 sur une propriété ne pratiquant pas la décantation

Une deuxième expérimentation a été conduite en 2010 dans une propriété traitant quotidiennement des volumes importants (avec deux pressoirs pneumatiques de 80 hl chargés en axial) et qui ne réalisent pas systématiquement de décantation rapide. Sur ce site, l’expérimentation a intégré la distillation séparée des deux lots de vins de 180 hl. Les résultats montrent un avantage net à la modalité Trub-ex. Cela se matérialise au niveau des moûts par une forte augmentation des volumes de jus extraits lors du pressurage et une baisse de la turbidité des moûts de 40 %. Au niveau des eaux-de-vie, l’incidence des esters fermentaires (+ 162 % d’acétate d’isoamyle, de l’hexanol (- 43 %) et de l’hexénol (- 14 %) est très significative. Par contre, les teneurs en alcools supérieurs sont restées stables.

Un essai sur de la vendange botrytisée en 2011

Un troisième essai a été conduit en 2011 sur de la vendange botrytisée (10 % d’atteinte). Le souhait du service technique de R.M. était d’évaluer l’intérêt correctif du Trub-ex en présence de pourriture grise. Le produit a été utilisé dans les bennes à une dose de 450 g/hl. Les résultats sont aussi encourageants, avec une nette augmentation des volumes de jus extraits au cours du pressurage, une perte quantitative de 4 %, une baisse de la turbidité des moûts de 30 %, des concentrations d’esters fermentaires en hausse et une stabilité des alcools supérieurs. Par contre, aucun impact sur les marqueurs du botrytis n’a été observé.

Une nouvelle pratique qui présente un réel intérêt

A l’issue de ces trois années d’expérimentation, B. Loiseau et Laura Mornet considèrent plus que jamais que la qualité du traitement de la vendange entre la récolte et le pressurage joue un rôle déterminant sur la structure aromatique finale des eaux-de-vie nouvelles. La phase de clarification des moûts avant l’enclenchement de la fermentation alcoolique reste très importante en matière de moindre production d’alcool supérieur, d’augmentation des esters fermentaires et de diminutions des composés issus de la trituration. Ils estiment que les enjeux qualitatifs doivent être abordés avec cohérence durant toutes les étapes de la vinification : « Nous pensons que la réussite des vinifications des vins de distillation repose avant tout sur un investissement technique et humain cohérent dans toutes les étapes clés. L’élaboration d’eaux-de-vie de qualité est dépendante de quatre leviers techniques majeurs : l’obtention de moûts peu bourbeux, l’apport d’azote dans les moûts à bon escient, l’utilisation des bonnes souches de levures et une gestion de la températuredes moûts et du pilotage de la fermentation alcoolique. Les expérimentations concernant le Trub-ex sont très encourageantes. Nous allons les poursuivre.L’utilisation de cet adjuvant de pressurage peut remplacer la décantation. Il présente un réel intérêt dans les propriétés présentant des problèmes récurrents d’alcools supérieurs et de composés issus de la trituration. La mise en œuvre proprement dite du produit reste simple, mais son incorporation dans les bennes ou les conquets nécessite un peu d’organisation pour ne pas perturber le déroulement des phases de transport et de transfert de la vendange. Nous conseillons aux viticulteurs intéressés par cette pratique de la tester la première année sur une ou deux cuves et de nous contacter pour le suivi de ces essais. La dose conseillée actuellement est de 500 g/hl. Le coût de la mise en œuvre du Trub-ex revient à 15 € ht/hl d’AP, ce qui n’est pas forcément très élevé par rapport aux charges qu’engendre la décantation rapide des moûts. »

 

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