« Le Paysan Vigneron » – Que pensez-vous de l’initiative de Rémy Martin ?
Umberto Caselli – Je la trouve très intéressante. Ce « training » est très motivant pour nos jeunes barmen. Ici, le plus âgé des finalistes n’a pas 40 ans. Dans notre travail, l’élément le plus important n’est pas tant la réalisation du cocktail lui-même que la connaissance des produits. Si on ne les connaît pas, on ne peut pas les mélanger. L’épreuve proposée par Rémy Martin ne comportait pas moins de 49 questions à propos du Cognac.
« Le Paysan Vigneron » – On dit qu’un barman peut vendre n’importe quel produit. Est-ce exact ?
U.C. – C’est vrai que nos clients nous font confiance mais il ne faut pas exagérer. Beaucoup de barmen se disent amis de leurs clients. C’est faux. Entre les clients et nous, il y aura toujours le bar. Par contre, si une relation de confiance s’instaure, on peut leur conseiller de nouveaux produits et ils nous suivront. C’est peut-être pour cela qu’on dit qu’avant d’installer un produit en grande distribution, il doit d’abord passer par le bar.
« Le Paysan Vigneron » – Existe-t-il des produits spécifiques des bars et ont-ils évolué dans le temps ?
U.C. – Nous travaillons tous les produits mais il existe des incontournables. Je citerais le Champagne, vendu aujourd’hui plus volontiers au verre qu’à la bouteille ou les cocktails, qui représentent bien sûr une des grandes spécialités du bar. Quant au vin, voilà longtemps déjà qu’il a fait son entrée au bar. Il est habituel d’en proposer quatre ou cinq variétés.
« Le Paysan Vigneron » – Quel est votre cocktail favori ?
U.C. – Moi, personnellement, j’adore après dîner un « Stiger », un cocktail classique fait de Cognac, de pipermint blanc (crème de menthe blanche) dans le shaker, servi dans une coupe glacée. En apéritif, j’apprécie un Manhattan composé de Whisky canadien, de vermouth rouge et d’un trait d’Agustura. Ce sont deux des soixante cocktails codifiés par l’IBA. Que l’on soit à Londres, Paris ou Tokyo, vous devez pouvoir retrouver un goût identique pour ces cocktails classiques.
« Le Paysan Vigneron » – Vous-même, avez-vous créé un cocktail ?
U.C. – J’ai une spécialité que j’appelle San Marc, un long drink composé de Vodka, de crème de banane Bols, de jus d’orange, de jus de pamplemousse allongé d’un tonic, avec, en garniture, un morceau d’orange et un sherry (une cerise).
« Le Paysan Vigneron » – A votre avis, qu’elle est la qualité principale d’un barman ?
U.C. – La confidentialité. Le totem de notre profession, ce pourrait être les trois singes de Guinée, dont les postures symbolisent chacune une attitude : « Je n’entends rien, je ne vois riens, je ne dis rien. » En 42 ans de carrière, j’ai reçu beaucoup de confidences, de quoi écrire un livre mais je ne le ferais pas.
« Le Paysan Vigneron » – Votre profession s’exerce-t-elle de la même façon partout dans le monde ?
U.C. – En Amérique et en Asie, les rapports du barman avec la clientèle s’effectuent sur un mode beaucoup plus familier qu’en Europe. Sur l’ancien continent, nous avons une approche plus professionnelle. Tout dépend aussi du standing du bar. Les meilleurs professionnels se retrouvent généralement dans les grands hôtels, les American bars, les cocktails bars.
« Le Paysan Vigneron » – Comment devient-on barman ?
U.C. – En grande majorité, les jeunes sortent des écoles hôtelières en ayant choisi entre différentes spécialités : restaurant, salle, bar, cave. Le contact direct avec la clientèle fait du métier de barman quelque chose de différent de celui de maître d’hôtel ou de garçon de restaurant. Dans les beaux établissements, l’équipe de bar se compose de 5 à 8 barmen. Le chef de bar est toujours là et peut travailler de 9 à 13 heures par jour. Ceci étant, le bar, « ce n’est pas l’usine ». C’est un espace social et relaxant et ces valeurs doivent se refléter derrière le bar. L’accueil fait partie des qualités premières d’un barman. C’est pourquoi nous envoyons les jeunes se former partout dans le monde, pour apprendre le service mais surtout se frotter à des mentalités différentes. C’est pour cela aussi que l’IBA organise des écoles itinérantes de niveau international dans trois endroits du monde : à Singapour, en Europe et au Brésil. Ces séminaires durent 10 jours, 8 heures par jour.
« Le Paysan Vigneron » – Vous organisez aussi un concours.
U.C. – Oui, en tant qu’association officielle, nous organisons tous les ans un concours mondial. Cette année, il se tiendra à Séville, en 2004 à Las Vegas et en 2005 en Finlande. Notre démarche est soutenue par 29 membres associés (sponsors), dont Rémy Martin et Rémy Cointreau.
« Le Paysan Vigneron » – Où se trouve le siège de l’IBA ?
U.C. – Pour l’instant à Milan, parce que je réside dans cette ville. Mais en 2005, l’association changera de lieu en même temps que de président. Avant moi, l’IBA était présidée par Michel Bigot, chef barman du Ritz.