La Coopérative De Distillation Investit dans l’aval

17 mars 2009

Que l’aval donne un coup de pouce à l’amont. C’est le pari fait par l’UCVA, alors que la réforme de l’OCM vin l’oblige à revoir son modèle économique. La coopérative de distillation, spécialisée dans le traitement des sous-produits de la viticulture, a pris le contrôle de l’UFAB, l’un des deux élaborateurs français de brandy.

Selon l’expression de Frédéric Pellenc, directeur de la Fédération nationale des distilleries coopératives, c’est dans une « ère nouvelle » que vont rentrer, avec la réforme de l’OCM vin, les distilleries comme l’UCVA spécialisées dans le traitement des sous-produits de la viticulture, marcs et lies. Un temps, on a même pu craindre leur élimination pure et simple, tant la distillation des prestations viniques était menacée. Finalement, le Conseil des ministres de l’agriculture de l’UE, dans son accord politique du 19 décembre 2007, a accepté que chaque Etat membre puisse, s’il le souhaitait, maintenir l’obligation de distiller les prestations viniques et ce sans limite dans le temps. Que va faire la France ? A deux mois de l’entrée en vigueur de la nouvelle OCM, on peut affirmer sans crainte que la France a choisi de maintenir le principe de la distillation des prestations viniques. Dans la grande lessive communautaire, deux autres distillations surnagent : la distillation dite « de crise » mais pour quatre années seulement (jusqu’en 2012) et, dans un autre contexte, la distillation « alcool de bouche », dite encore « buvable », destinée à alimenter le marché des brandies. Cependant, à partir du 1er août 2008, le modèle économique des distilleries coopératives va sans doute passablement changer. Dans l’ancien système, les distilleries réalisaient leur marge sur la différence entre le prix de vente de l’alcool livré à l’intervention (au FEOGA c’est-à-dire VINIFLHOR en France) et le prix payé au viticulteur, lui-même fixé par le FEOGA. Ce modèle valait pour toutes les distillations aidées, hormis la distillation article 29 « alcool de bouche » (prix d’achat fixé par le FEOGA mais alcools « en libre disposition » directement mis sur le marché par les distillateurs). Demain, le marché de l’alcool ne passera plus par le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural, nouveau nom du FEOGA).

« allo viniflhor ! »

Comme le dit de manière imagée Hubert Burnereau, président de l’UCVA, « ce ne sera plus allo Viniflhor ! ». L’alcool issu des prestations viniques devra être vendu sur le marché libre de l’alcool industriel et des biocarburants, dont les prix actuels ne dépassent pas 40 € l’hl AP et encore dans la sphère européenne (niveau moindre au plan mondial). A ce titre, distilleries coopératives et distilleries privées sont en train de mettre sur pied une structure commerciale commune pour regrouper l’offre et se porter ensemble sur le marché des biocarburants (voir encadré). Pour autant, les prix du marché libre suffiront-ils à éponger les coûts de production des distilleries ? Probablement pas, même si disparaît l’obligation d’achat de la matière première aux viticulteurs. Pour une période transitoire, le Conseil des ministres européen de l’Agriculture a donc accepté d’octroyer aux distilleries une aide à la collecte et à la transformation, dont le plafond sera fixé au plan communautaire, après négociation avec les pays viticoles de l’UE. Cette aide, financée sur fonds européens, transitera par « l’enveloppe nationale » attribuée à chaque Etat membre viticole par l’UE. Dans quatre ans cependant, cette aide à la distillation devra être démantelée. « Ce sera alors zéro subvention » a précisé H. Burnereau. D’où l’obligation, pour les distilleries, de réfléchir au plus vite à un « business plan » viable sur le long terme si elles veulent sauver leurs outils. « La campagne 2006-2007 est la dernière sous le régime de l’ancienne OCM. S’il est encore trop tôt pour prévoir et estimer les incidences de la nouvelle OCM sur la gestion et la rentabilité de nos distilleries, il est d’ores et déjà évident que nous devrons nous adapter à un environnement économique et réglementaire qui nous place dans une situation beaucoup plus incertaine. »

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Jean-Michel Letourneau, Hubert Burnereau et Jean-claude Raynaud.

Cette situation, l’UCVA l’a anticipée depuis plusieurs années déjà. C’est en partie ce qui a conduit la distillerie coopérative à renforcer sa position dans une société issue de la coopération méridionale, tournée vers l’élaboration et la vente de Brandies, l’UFAB (Union française des alcools et brandies), installée à Vauvert, près de Nîmes. En novembre 2006, la distillerie de Coutras a acquis, pour la somme d’un peu plus de 2,2 millions d’euros, 8 200 actions supplémentaires de la société anonyme de Concentration industrielle des Costières du Gard (CICG). L’opération a eu pour effet de porter à 61,76 % le taux de participation de l’UCVA au capital de CICG, sachant que cette dernière détenait à même date 75,12 % du capital de l’UFAB. Ainsi, l’UCVA a pris le contrôle de l’UFAB en devenant associée majoritaire de CICG. Lors de l’assemblée générale de la coopérative de distillation, le 29 février dernier, le président Burnereau a précisé les objectifs poursuivis par la distillerie de Coutras. « En investissant en aval de sa production, l’UCVA cherche à s’assurer la maîtrise de débouchés commerciaux nouveaux et en pleine croissance. J’espère que cette extension de notre domaine d’activité rendra service à l’ensemble des adhérents de l’UCVA. L’idée qui nous guide est toujours la même : que le traitement des prestations viniques ne coûte rien aux viticulteurs et si, grâce aux résultats dégagés par l’UFAB, nous pouvons redistribuer, nous le ferons. »

Avec la société Bernard, d’Ambès, l’UFAB est l’un des deux élaborateurs français de Brandies. Son stock s’élève aujourd’hui à quelque 245 000 hl AP. Aux 85 000 hl AP de stock « outil », est venu s’ajouter ces deux dernières années 160 000 hl AP issus des distillations de l’article 29. En ces temps de revalorisation du prix de l’alcool de bouche – autour de 110 € l’hl AP – et de tension sur l’approvisionnement, un tel niveau de stock est en passe de constituer un atout (voir article page 32). Mais encore faut-il mobiliser les capitaux propres nécessaires à son financement, sans parler des investissements commerciaux. C’est pourquoi Hubert Burnereau a annoncé au cours de l’assemblée générale de l’UCVA la décision du conseil d’administration de maintenir un excédent comptable de plus de deux millions d’euros sur l’exercice, excédent entièrement voué à conforter les capitaux propres, sans redistribution. En lui-même exceptionnel, cet excédent de 2,3 millions d’€ ne résulte pas d’une augmentation du chiffre d’affaires. Il s’explique par la décision du conseil d’administration de baisser la rémunération complémentaire des apports de la récolte 2006 (- 25 € par rapport à 2005 sur les marcs et – 20 € sur les lies). Devançant la question, le président Burnereau a assuré que le développement de la filière aval ne se ferait pas au détriment de la filière d’amont de l’UCVA. « Nous n’allons pas déshabiller Paul pour habiller Jean. Le conseil d’administration veillera à ce que le site de Coutras continue de bénéficier de la qualité d’entretien et de renouvellement de ses installations. » Et comme pour prouver que l’entreprise pouvait mener de front les deux activités, il a rappelé l’excellent état financier de la coopérative de distillation. Non seulement elle a autofinancé la prise de participation supplémentaire dans les sociétés CICG et UFAB mais encore, à fin août 2007, son fonds de roulement dépassait les 7 millions d’€, un chiffre stable sur les deux derniers exercices. Dans son intervention, le directeur de l’UCVA, Jean-Michel Letourneau a voulu quant à lui dresser tout à la fois une sorte de bilan des outils de régulation de l’ancienne OCM et encourager la profession viticole à soutenir la distillation dans les futures négociations. « Si la distillation préventive n’avait pas joué à Cognac il y a dix ans, le vignoble charentais compterait sans doute 5 ou 10 000 ha en moins. La distillation préventive a aidé la région délimitée à sauver son potentiel viticole, comme l’article 28 a conféré un prix de référence aux jus de raisin. Sur la région de Bordeaux, grâce à la distillation de crise, 300 000 hl AP ont été retirés du marché en deux ans, limitant ainsi la casse. Je lance un appel à la viticulture pour qu’elle n’oublie pas de défendre l’outil de distillation dans les arbitrages à venir. »

 

Distilleries coopératives/privées

Une société de vente commune pour les biocarburants

ucva_pellenc_opt.jpegInvitée par la nouvelle OCM à se porter directement sur le marché de l’alcool et du bioéthanol, les distilleries vinicoles, coopératives et privées, ont décidé de jouer collectif en mettant sur pied une société de vente commune. Il faut dire que sur un tel marché, mieux vaut arriver uni plutôt que désorganisé. La demande se concentre dans les mains de très peu d’acheteurs, deux en France (la distillerie Deulep à Saint-Gilles près de Marseille, la distillerie Abengoa Bioenergy à Lacq, peut-être une troisième structure à venir) ainsi qu’un interlocuteur en Suède. Et c’est tout. D’où l’idée de regrouper l’offre, mutualiser les frais de transports, gérer des stocks tampons, signer les cautions nécessaires… Potentiellement, la filière viticole envisage de commercialiser annuellement entre 400 et 500 000 hl AP d’alcool industriel. Aujourd’hui, le prix de marché européen des biocarburants ne dépasse pas les 40 € l’hl AP. C’est à l’échelon des deux présidents de fédérations, Hubert Burnereau pour la FNDCV (Fédération nationale des distilleries coopératives vinicoles) et Bernard Douence, président de l’UNDV (Union nationale des distilleries viticoles), que le dossier a été lancé il y a moins de six mois. En bonne voie, le projet devrait aboutir fin juin pour un démarrage le 1er août, date d’entrée en vigueur de la nouvelle OCM vitivinicole. Frédéric Pellenc, directeur de la FNDC, s’y est beaucoup investi.

 

 UCVA – Campagne 2006-2007

Les chiffres de collecte

Histoire de garder la trace d’une ère révolue, en partie tout au moins.

En terme de volume, lors de la prochaine récolte, ne devraient vraiment « sauter » avec la réforme de l’OCM vin que les quantités livrées à la distillation « Charentes » de l’article 28. A l’UCVA, ces volumes ont représenté 207 357 hl vol. en 2006-2007, induisant une production d’alcool de 12 932 hl AP. En ce qui concerne la collecte des marcs et des lies, préservée par la réforme, elle s’est traduite en 2006-2007 par le ramassage de 97 442 tonnes de marcs et de 157 753 hl vol. de lies, qui a occasionné la production de 40 434 hl AP issus des marcs et de 13 416 hl AP issus des lies. On peut imaginer que ces volumes seront maintenus demain.

Sur l’exercie 2006-2007, entre rémunération de base et rémunération complémentaire, la coopérative de distillation a versé au titre des prestations viniques 4,5 millions d’€ (6,1 millions d’€ sur la récolte 2005). En 2008-2009, les vignerons ne toucherons plus ces sommes. Un président de coopérative a estimé que, chez lui « c’était entre 3 et 5 % du chiffre d’affaires fichu en l’air. Peut-être la non-rémunération des prestations viniques sera-t-elle négligeable à Pomerol mais chez nous, en zone vin de table, elle amputera notre compétitivité. » En 2006-2007, les DPLC ont joué à hauteur de 108 579 hl vol., transformés en 12 932 hl AP. Elles non plus ne sont pas menacées par la réforme. Il n’en va pas de même des livraisons à la distillation « de crise », appelées à disparaître dans quatre ans (voir encadré page 32). Au titre de cette distillation, l’UCVA a produit, en 2006-2007, 16 660 hl AP. L’activité globale de la coopérative a généré sur le dernier exercice comptable un chiffre d’affaires de 23 millions d’euros, avec 86 % du chiffre d’affaires dégagé par les ventes d’alcool (57 % du total des charges) et 14 % par les co-produits (tartrate de calcium, pépins, pulpes, compost). La distillation cépages double fin a représenté 20 % de l’alcool produit à l’UCVA et 18 % de ses ventes d’AP.

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