20 % de droits de douanes supplémentaires pour les produits européens importés aux Etats-Unis
10 % à partir du 5 avril pour tous les produits importés aux Etats-Unis, puis 20 % le 9 spécifiquement pour les produits européens, dont les vins et spiritueux français, les droits de douanes supplémentaires promis par Donald Trump à longueur d’interventions depuis son investiture (et même avant) sont désormais connus. Une annonce de la « libération » davantage vécue, de ce côté de l’atlantique comme une décision unilatérale de Washington de nature à provoquer l’inquiétude de toute la filière viticole. Associations professionnelles françaises, Commission européenne et opérateurs économiques tirent la sonnette d’alarme et appellent à la reprise du dialogue transatlantique.
Un contexte de tensions douanières croissantes
Le 2 avril 2025, le Président américain Donald Trump a annoncé une série de nouvelles mesures tarifaires dans le cadre de sa politique dite de « réciprocité commerciale ». Parmi elles, une surtaxe universelle de 10 % sur toutes les importations, complétée par des surtaxes supplémentaires ciblant certains pays, dont les États membres de l’Union européenne. Résultat pour l’UE : une taxe totale de 20 % sur l’ensemble de ses exportations vers les États-Unis, vins et spiritueux compris à partir du 9 avril. Elle s’inscrit dans un climat de tension commerciale accrue, où les produits agricoles et agroalimentaires sont souvent utilisés comme leviers de pression dans les négociations internationales.
La FEVS dénonce une mesure pénalisante pour l’ensemble de la chaîne
La Fédération des Exportateurs de Vins & Spiritueux de France (FEVS) a réagi dès l’annonce de la surtaxe américaine. Dans un communiqué diffusé le 2 avril, elle regrette « profondément » une décision qui pénalise non seulement les exportateurs français, mais aussi leurs partenaires américains — importateurs, grossistes, détaillants — et in fine, les consommateurs américains eux-mêmes.
La FEVS met en garde contre les conséquences économiques de cette mesure, qui pourraient se traduire par un recul des exportations françaises de l’ordre de 800 millions d’euros, voire 1,6 milliard à l’échelle de l’Union européenne. Elle appelle à la mise en place d’un « agenda positif » visant à éliminer les droits de douane de part et d’autre de l’Atlantique. Le président de la FEVS, Gabriel Picard, insiste : « Depuis trente ans, les spiritueux ont opté pour l’élimination complète des droits de douane entre les États-Unis et l’Union européenne. Nous pouvons faire de même pour les vins. »
La CNAOC alerte sur des conséquences dramatiques pour le tissu viticole français
La Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie à appellations d’origine contrôlée (CNAOC) partage le même constat d’urgence. Elle évoque un « coût total estimé à plusieurs centaines de millions d’euros pour la filière » et redoute de graves répercussions économiques, sociales et territoriales.
« Ce conflit douanier met en péril des milliers d’exploitations viticoles, notamment dans les zones rurales », alerte le vice-président de la CNAOC et chef de famille de la viticulture au BNIC, Anthony Brun . Les régions exportatrices comme le Bordelais ou la région de Cognac sont particulièrement exposées. À Bordeaux, les exportations vers les États-Unis représentent plus de 435 millions d’euros par an. À Cognac, la situation est qualifiée de « catastrophe d’une ampleur inimaginable », d’autant plus que la filière subit en parallèle les tensions commerciales avec la Chine.
La CNAOC rappelle que les États-Unis sont le premier marché à l’exportation en valeur pour les vins français, représentant 24,5 % des exportations en 2024 (soit 3,8 milliards d’euros). Dans un contexte déjà difficile marqué par l’inflation, les aléas climatiques et la baisse de la consommation, cette surtaxe constitue un choc supplémentaire pour une filière déjà fragilisée.
La Commission européenne prête à négocier
Face à cette offensive tarifaire américaine, la Commission européenne a exprimé sa volonté d’engager un dialogue constructif avec Washington. Elle affirme, au travers des mots de sa présidente, Ursula van der Leyen, que « l’engagement continu et une approche positive constituent la meilleure voie à suivre » pour préserver une relation commerciale transatlantique solide et mutuellement bénéfique.
Cet appel à la négociation rejoint celui des organisations professionnelles françaises, qui insistent sur l’importance de ne pas utiliser la filière vins et spiritueux comme monnaie d’échange ou objet de représailles douanières.
Du côté américain, même son de cloche :
Ben Aneff, président de la U.S. Wine Trade Alliance, appelle lui aussi à une désescalade tarifaire. « Il est contre-productif de faire des vins et spiritueux les victimes collatérales de conflits commerciaux qui les dépassent », déclare-t-il dans un communiqué. L’organisation, qui représente les importateurs et distributeurs de vins aux États-Unis, plaide pour une suppression complète des droits de douane sur les produits viticoles européens, soulignant que ces mesures nuisent autant aux entreprises américaines qu’à leurs partenaires européens. « Nous avons besoin d’un accord commercial durable et équilibré qui protège les deux marchés. »
Quelles suites possibles pour la filière ?
Dans l’immédiat, les professionnels du secteur appellent à une réponse rapide et coordonnée entre les autorités européennes et américaines. La FEVS et la CNAOC réclament des négociations justes et apaisées. Elles mettent en garde contre l’illusion de marchés de substitution à court terme : « Il nous faudra des années pour trouver un niveau de valorisation équivalent dans d’autres pays », souligne la CNAOC.
Du côté américain, le Président Trump a laissé entendre qu’il pourrait se montrer plus souple envers les pays « prêts à donner quelque chose de grande valeur en retour », ouvrant une porte, bien que conditionnelle, au compromis.
Un impact global sur toute la chaîne de valeur
Au-delà des producteurs, c’est l’ensemble de l’écosystème viticole qui est menacé : fabricants de bouteilles et d’étiquettes, transporteurs, logisticiens, distributeurs américains, restaurateurs et consommateurs. La chaîne de valeur, déjà ébranlée par la pandémie et les tensions géopolitiques, pourrait subir une nouvelle onde de choc si aucun accord n’est trouvé rapidement.
Certaines entreprises songent à absorber une partie de la surtaxe pour rester compétitives, mais cette stratégie n’est pas viable sur le long terme. Le risque est celui d’un effondrement progressif des marges, puis des capacités de production et d’exportation.
Face à la surtaxe américaine, la filière appelle à une solution « gagnant-gagnant »
L’ensemble des acteurs s’accorde sur un point : ce conflit douanier ne profite à personne. Tous en appellent à une solution « gagnant-gagnant » visant à rétablir un équilibre tarifaire équitable. Dans le climat économique actuel, maintenir les flux commerciaux transatlantiques est plus crucial que jamais. « Il est encore temps de négocier », martèle Jérôme Bauer de la CNAOC. Encore faut-il que la volonté politique soit au rendez-vous des deux côtés de l’Atlantique.
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