Un nouveau syndicat, dissident du SGV Cognac

10 février 2009

Présentation officielle, le 5 septembre dernier, d’un tout nouveau syndicat présidé par Jean-Louis Brillet et constitué, quelques jours auparavant, par une quarantaine de membres fondateurs. Le SVBC (on l’appellera ainsi) rompt de facto l’unité syndicale affichée avec le SGV Cognac, à condition bien sûr, que ce nouveau syndicat suscite une adhésion dans les rangs viticoles. Car le nouveau président le reconnaît lui-même : « On ne fait pas un syndicat tout seul. »

nouveau_syndicat.jpgC’est à la mairie de Sigogne, dont Jean-Philippe Roy est le premier magistrat, qu’a été dévoilée l’existence du Syndicat des bouilleurs de cru, dont les statuts étaient déposés le même jour. Sa constitution, elle, remontait à quelques jours. « C’est quand nous avons vu, fin juillet, début août, lors des réunions du SGV Cognac, que le statu quo l’emportait, que nous avons décidé de faire quelque chose » relate J.-L. Brillet. Lui-même et les gens qui l’entourent disent ne surtout pas vouloir apparaître comme des diviseurs « mais comme des professionnels responsables, des employeurs de main-d’œuvre qui aujourd’hui expriment les difficultés existantes et l’expriment pour le plus grand nombre ». Viennent tout de suite les justifications à la création de ce nouveau syndicat. Elles seront exprimées les unes après les autres, méthodiquement, dans un ordre qui ne doit sans doute rien au hasard. On l’attendait sur le niveau de QNV Cognac. J.-L. Brillet commence son exposé des motifs par la récolte 2002 « qui s’annonce magnifique ». « Mais, dit-il, l’entreprise Cognac, elle, est en faillite. En sous-production, elle produit en dessous du prix de revient depuis 5 ans. » Conclusion : il faut bouger, faire avancer les choses. Le problème fondamental pour le nouveau syndicat ! « Il y a trop de surfaces Ugni Blanc, qui ne correspondent pas à la demande. » « Ce n’est pas une idée nouvelle, concède J.-L. Brillet. Des gens comme Bernard Guionnet ou Philippe Sabouraud ont battu la campagne il y a quatre ans pour le dire mais les esprits n’étaient sans doute pas mûrs à l’époque. » Le nouveau syndicat fait de l’extournement de 15 % du vignoble un enjeu majeur. Par contre, il se montre très dubitatif sur un système comme celui de l’affectation des surfaces. « Une affectation de surfaces sur 80 000 ha fonctionnerait comme une bombe à retardement. Qand le marché Cognac se porterait mieux, on retrouverait tous les ha sur le produit phare. Un tel système ne peut se concevoir qu’une fois la situation assainie. » A nouveau, la récolte 2002 retient son attention. « Nous avons obtenu un rendement agronomique à 120, c’est bien et c’était le moins au plan qualitatif, mais ce n’est pas suffisant. La récolte ne sera pas de 120 mais de 150 hl/ha. Au-dessus des 120, nous voulons obtenir 30 hl de non-vin sous forme de jus de raisin pour remettre les trésoreries à flots. Dans notre région, ce sont les jus de raisins qui font la trésorerie avant que le Cognac soit distillé et payé. C’est pourquoi nous souhaitons dès la récolte 2002, 30 hl de non-vin, en contrepartie, par exemple, d’engagements individuels à s’engager dans l’extournement de 15 % de son vignoble à horizon 2006. » En venant à la QNV Cognac, J.-L. Brillet a tenu à préciser que le nouveau syndicat n’était pas favorable à une augmentation de la QNV dans n’importe quelle condition, une augmentation qui ferait chuter les prix. « Ce n’est pas cela du tout. Nous sommes des gens responsables et conscients. Ce que nous voulons, c’est davantage de Cognac par ha sur moins d’ha. Voilà le but. » Et de poursuivre : « Les négociants Cognacs sont nos clients. Rompre le dialogue avec ces maisons n’est pas une chose à faire. Il faut au contraire renouer ce dialogue en faisant en sorte que l’équilibre offre/demande s’établisse. Cela s’inscrit parmi les missions premières du syndicat. Il est évident que s’il y a une augmentation de la QNV comme on le souhaite, il faut qu’elle s’accompagne d’une augmentation des prix. Mais couper le fil rouge avec nos clients, comme cela est en train de se faire, est une attitude suicidaire. » Au cours de son exposé, J.-L. Brillet reviendra sur cet aspect, évidemment prééminent. « Si rien n’est fait, les relations vont se radicaliser. On va voir l’éclosion d’une petite forteresse destinée à raréfier le produit. Sauf que le négoce possède tout le stock qu’il veut et que l’on sera mort avant. Quand vous allez discuter avec le négoce en lui demandant une augmentation de 10 % des prix, vous avez toutes les chances de vous faire recaler, compte tenu des poches de fragilité qui existent sur les marchés. Entre 2 % et 10 %, peut-être y a-t-il une marge de manœuvre et un calendrier à établir. »

« aider ceux qui ont bougé »

Avec la gestion de la récolte 2002 et le niveau de la QNV, l’autre grande idée du syndicat nouveau est de dire :  « Il faut aider ceux qui ont bougé » et notamment ceux qui ont diminué leur surface Cognac par reconversion ou arrachage. Parlant d’expérience – Jean-Louis Brillet est le président de l’ACV – ce dernier considère que, dans le contexte actuel, la production de vins est compliquée « et qu’il ne faut pas se rater ». La reconversion réclame des investissements lourds – de l’ordre de 120 000 F/ha – alors qu’en moyenne, les aides ONIVINS ne dépassent pas 30 000 F/ha. « De 30 à 120 000 F/ha, il y a un sacré cap ! » Et le calcul du rendement agronomique pénalise ceux qui ont reconverti. « Encore une fois, relève J.-L. Brillet, ceux qui n’ont rien fait sont avantagés. Il faut arriver à inverser la tendance, faire en sorte que ceux qui bougent commencent à être récompensés. Or tout se passe comme si ceux qui avaient commencé à bouger étaient devant une forêt d’Ugni blanc et que l’intendance ne suivait pas. » Une idée, évoquée par le syndicat naissant, consisterait à obtenir de Paris que la QNV d’exploitation soit prolongée jusqu’en 2006. « De cette demande, dit-il, le Syndicat des Vignerons n’en a jamais parlé. » Au volet reconversion s’ajoute le volet arrachage. Le nouveau syndicat réclame « d’obtenir coûte que coûte une prime à 100 000 F pour tout le monde, sans condition préalable, c’est-à-dire sans CTE. Sinon, dit-il, à coup de 1 000 ha d’arrachage par an, nous aurons disparu avant que le vignoble soit assaini ». Les Pouvoirs publics sont pris à témoin : « Que nous proposez-vous ? » « Pour notre part, nous sommes prêts à nous engager sur 15 % d’extournement, à condition que l’on nous aide ! » Et d’évoquer au passage la piste de l’utilisation des droits pour un éventuel autofinancement. « Cognac fait partie des régions qui rapportent le plus de droits et taxes à l’Etat. Sur une bouteille, le prélèvement fiscal se solde par 35 ou 37 F d’accises, sans compter la TVA, soit 380 millions de francs par an. »

Les relations du nouveau syndicat avec le SGV Cognac n’ont pas manqué d’être abordées. Il est vrai que la plupart de ses membres, quelques jours plus tôt encore, se trouvaient dans le giron du syndicat présidé par Philippe Boujut et, pour certains, à des postes de responsabilité. « Le Syndicat général, a répondu J.-L. Brillet, a été une idée superbe en Charentes et nous y avons tous adhéré mais on ne peut plus se permettre d’attendre. Le produit principal qu’est le Cognac est mis à mal. Depuis cinq ans, l’on ne s’en préoccupe pas. En maintenant la QNV à 6 de pur, on fait le jeu de petits malins qui essaient d’agrandir leur surface. Des viticulteurs sur de faibles surfaces passent à la trappe alors que la vraie richesse de cette région tient justement à son nombre de viticulteurs. Arrêtons ce jeu de massacre ! La récolte 2002 arrive, l’on en mesure le potentiel. Cette récolte a-t-elle été gérée par le SGV ? Non. On va laisser 20 à 50 hl dans le caniveau. C’est une faute de gestion. S’il gelait en 2003, nous aurions l’air malin ! Cette analyse là n’est pas politique. Elle est purement économique. A vouloir s’occuper de tous les produits en même temps, on a perdu le produit principal qu’est le Cognac. Le SGV nous dit : acceptez le statu quo aujourd’hui, vous verrez l’an prochain, tout va changer ! Mais on ne peut plus se permettre d’attendre. Assez de l’immobilisme, rien ne se traduit dans les faits. D’autant que tout le système est axé sur l’affectation de surface qui, comme déjà dit, peut jouer comme une bombe à retardement. Faut-il conserver la double fin ou aller vers la non double fin ? D’autres régions sont toujours dans la double fin. C’est un débat à avoir, comme celui de l’INAO. L’avantage d’être constitué en syndicat, c’est aussi de pouvoir participer à ce genre de débat de fond. »

Si sa démarche se veut « exempte de toute animosité » et n’exclut pas de travailler « main dans la main » avec le SGV, le nouveau syndicat entend bien mener une active campagne d’adhésion. Et semble relativement confiant sur le résultat. « Les quarante premiers membres se sont retrouvés très facilement, de manière quasi spontanée. Les mesures que nous proposons sont simples et arrivent à un moment où les esprits sont mûrs pour les entendre. Si nous ne sommes pas rejoints, nous pourrons nous poser des questions sur la région. Maintenant, à chacun de se déterminer et de choisir entre les deux syndicats. De notre côté, l’enthousiasme est là. » L’appel se veut le plus large possible. « Le Syndicat des bouilleurs de cru viticulteurs du Cognac s’adresse à tous les bouilleurs de cru à domicile, à façon, aux détenteurs de stock chez eux, en coopératives, sica et tout organisme collectif, en tout 5 à 6 000 producteurs de Cognac bouilleurs de cru, sans clivage de crus ou de départements. » En marge des habituelles rencontres avec les élus, Pouvoirs publics, coopératives associées et maisons, programmées dans l’heure, le nouveau président propose la tenue d’états généraux régionaux d’ici à décembre pour établir des passerelles entre les différents produits. « Mais aujourd’hui, parlons Cognac » a-t-il pris la précaution de rappeler, pour rester cohérent avec son propos

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