Veni, vini, vici… Selon la célèbre formule latine, le ministre de l’Agriculture Dominique Bussereau est venu à Cognac le 28 octobre dernier, il a vu… a-t-il vaincu toutes les résistances ? Sans doute pas. En tout cas, il a arbitré. Il avait voulu entendre les différents acteurs de la région ! Ce fut fait. Il voulait préciser sa vision à lui. Voilà qui est fait, dans les échéances annoncées. Le 15 novembre, à l’heure « tapante », tombait un communiqué de presse du ministère de l’Agriculture confirmant « la mise en œuvre du schéma d’avenir de la viticulture charentaise ». Cette fois, la grande affaire régionale est bien mise sur orbite. Son entrée en vigueur est programmée le 1er août 2007, soit pour la récolte 2007. Selon toute vraisemblance, cette date de déclenchement fait référence au « top départ » de la réforme de l’OCM viti-vinicole dont le calendrier, faut-il le rappeler, ne dépend pas de la France mais de l’Europe. Quoi qu’il en soit, le ministre a fixé un objectif assez précis pour que les troupes se mettent en ordre de marche. Sans doute le but recherché. Dominique Bussereau a bien capté le souhait des Charentais de bénéficier de mesures d’accompagnement. C’est bien le moins dans ce genre de négociation que d’exprimer quelques demandes de compensation. La disparition de l’article 28 fait perdre une manne substantielle à la région. Ainsi la profession a-t-elle dressé une liste « à la Prévert ». Reste « à mettre tout ça dans les tuyaux », a Paris d’abord puis ensuite à Bruxelles. Les discussions vont commencer avec le ministère. « Tout est ouvert » dit-on à Cognac. Parmi les aides pressenties, le président du SGV Cognac signale un soutien à l’information et à la formation pour aider les viticulteurs à s’approprier la notion d’affectation des ha. Car, reconnaît-il, « la première affectation sera l’affectation de tous les dangers ». Il faudra notamment combattre les vieilles peurs ataviques du style « si l’on n’ affecte pas au Cognac, pourra-t-on prétendre ensuite à l’AOC Cognac » ? « Beaucoup de boulot en perspective » estime J.-B. de Larquier, qui exprime également un vœu : qu’en 2007, le marché des vins de table et des jus de raisins ait eu le temps de refaire bonne figure. Ce qui n’altère pas ses convictions pro-affectation. « La nouvelle réglementation nous permettra de mieux tenir compte de la réalité des marchés. L’un des handicaps actuels de cette région consiste à ne pas suffisamment anticiper sur la conduite du vignoble et de la vinification pour tirer le meilleur parti de tous les débouchés. Il nous faut davantage collé aux attentes des acheteurs potentiels. » Parmi les autres mesures d’accompagnement, est évoqué un soutien au renouvellement du vignoble car il va falloir réaliser ces 200 hl/ha actés par le conseil de direction de l’ONIVINS (voir pages 6-7). Des aides aux entreprises de transformation, jus de raisin, vins de base mousseux, sont également envisagées, afin de participer à une mise à niveau de leurs installations (cuveries, froid…). Objectif : leur permettre de se battre à armes égales avec leurs concurrents espagnols ou italiens. Un paragraphe entier du communiqué ministériel est d’ailleurs consacré à la filière vin de base mousseux, avec une table ronde en perspective, sans doute courant décembre. Alors que la filière vin de base a toujours été considérée comme frileuse vis-à-vis de la contractualisation, son représentant Hervé Pogliani s’engage. « Il va falloir y aller. Car la parcellisation est la seule manière de pérenniser le débouché. » Par contre, il fait des 200 hl/ha de vin un impératif économique. « Si nous nous contentions d’être défensifs, les 130 hl vol./ha pourraient nous suffire. Mais pour être offensifs et reconquérir des parts de marché, les 200 hl sont incontournables. C’est uniquement de cette manière que nous pourrons apporter un revenu significatif aux viticulteurs et rivaliser avec nos concurrents européens. »
Dans le message adressé par le ministre à la viticulture charentaise, apparemment aucune main n’est tendue au SVBC. Jean-Louis Brillet, président du syndicat, ne cache pas sa déception. Le 15 novembre aura été une journée noire pour lui. A l’occasion de son assemblée générale du 15 décembre, le syndicat entend pourtant bien revenir à la charge. « Le ministre a tracé une ligne générale mais il n’a rien dit des détails. Or ce sont les détails qui sont importants et nous allons nous battre là dessus. » Le SVBC a envoyé une liste de questions au ministre, qui reprend son argumentaire : quid du rendement Cognac si tout le monde affecte à ce débouché ? De quel droit supprime-t-on le non-vin sur les ha Cognac ? Ne peut-on pas maintenir une QNV d’exploitation jusqu’en 2007…
J.-L Brillet persiste à penser « que la région marche à l’envers en s’occupant de 5 000 ha de vins de base mousseux au lieu d’essayer d’aider le Cognac ». Il conteste le fait que l’on supprime les jus de raisin sur les ha Cognac – « quel salarié accepterait de voir amputer son salaire de 20 % ? » – et considère que neuf viticulteurs sur dix ignorent la réalité du changement qui les attend. Il réclame des élections au vignoble l’année prochaine car, dit-il, « ceux qui nous gouvernent mobilisent toutes les casquettes, au BNIC, à l’NAO, à l’ONIVINS. Ce n’est pas un gage d’impartialité ». Et de recourir à des termes forts, sans doute à hauteur de sa déception : « On aura fait ce qu’on a pu mais les faits vont nous donner raison. Il va y avoir des cadavres. » Le jovial Dominique Bussereau n’envisage sans doute pas la suite de cette manière.
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