Séchage Du Bois : Une lente maturation

11 mars 2009

Le séchage des merrains est une étape indispensable pour fabriquer des fûts. Lors du séchage le bois diminue de volume : ce phénomène est appelé « retrait ». Si les merrains ne sont pas suffisamment secs au moment de la fabrication des fûts, les phénomènes de retrait ultérieurs constituent un risque de non-étanchéité.

bois_1.jpgLe niveau d’humidité nécessaire à la fabrication des fûts est d’environ 15 %. Dans le cas du séchage sur parc, il est généralement atteint en moins d’un an. Ainsi, une durée de séchage supérieure ne se justifie pas d’un point de vue mécanique. La pratique traditionnelle du séchage des merrains à l’air libre pendant trois ans correspond moins à une nécessité technique qu’à la recherche d’un optimum du point de vue organoleptique des bois de tonnellerie. Dans ce cas, cette étape n’est plus considérée comme un simple séchage du bois mais comme une véritable phase de transformation physico-chimique : une « maturation ».

L’évolution des composés d’arôme

Dispositif expérimental

Pour étudier la maturation des bois de tonnellerie, deux lots de merrains ont été suivis au cours de leur séchage. Le premier était issu d’un arbre provenant de la forêt d’Orléans et le second d’un arbre en provenance de la Marne. Pour obtenir une composition du bois homogène, certains cernes du billon ont été marqués avant la fente. Ainsi, une zone de bois d’âge identique pour tous les merrains issus d’un même arbre a été identifiée. Deux zones de bois ont été analysées, une zone extérieure du merrain sur environ 2 mm et une zone intérieure.

Pour évaluer l’incidence des principales techniques de séchage pratiquées, différentes modalités ont été suivies : séchage naturel sur parc (3 ans) ; séchage naturel sur parc (1 an) ; séchage naturel sous abri (1 an) ; alternance séchage naturel sur parc / séchoir / parc (1 an) ; séchoir (1 mois).

Résultats

Au cours du séchage, on constate :

– une augmentation de la teneur des bois en cis méthyloctalactone (figures 1 et 3) ;
– une diminution nette du contenu en eugénol (figures 2 et 4) ;
– une absence d’évolution nette pour la vanilline (figure 5).

Pour les composés dosés, les cinétiques des différentes modalités de séchage sont assez proches (figures 1 et 2). Cette similitude des évolutions entre modalités indique notamment l’absence d’effet marqué propre au passage en séchoir. L’évolution plus importante de la modalité « séchage sur parc pendant 3 ans » est imputable à sa durée. Il convient cependant de noter que cette étude porte sur les composés généralement dosés dans les études sur le bois et ne décrit donc pas toutes les transformations physico-chimiques susceptibles de se produire pendant l’étape de séchage.

Pour la cis méthyloctalactone et pour l’eugénol, l’ampleur de l’évolution dépend fortement de la nature du bois et de sa composition initiale. Ainsi l’arbre en provenance de la Marne ne contient pas de cis méthyloctalactone du début à la fin de l’expérimentation (figure 3). La baisse en eugénol est plus importante pour l’arbre de la forêt d’Orléans qui en contient initialement de plus fortes quantités (figure 4).

Globalement, les résultats publiés confirment l’ampleur limitée de l’incidence du séchage sur la composition du bois, pour ces composés d’arôme. Les résultats de l’étude de Doussot et al. (2002) sont très proches, malgré une amplitude des évolutions en eugénol et en cis méthyloctalactone plus faible. Pour cette étude, la matière première était contrôlée par un prélèvement initial puis un deuxième, sur les mêmes merrains, après 18 mois de séchage sur parc, dans la région bordelaise.

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Figure 1 : Evolution des teneurs en cis méthyloctalactone, zone intérieure, arbre « Orléans »

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Figure 2 : Evolution des teneurs en eugénol, zone intérieure, arbre « Orléans ».

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Figure 3 : Evolution des teneurs en cis méthyloctalactone.

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Figure 4 : Evolution des teneurs en eugénol.

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Figure 5 : Evolution des teneurs en vanilline.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


incidence du séchage sur l’aspect sensoriel

Dispositif expérimental

Un essai en grand volume suivi par la Station Viticole a été réalisé à partir de bois de type grain fin provenant de la région de Nevers. Les modalités de séchage/maturation sont identiques à celles de l’expérimentation relative au suivi de la composition du bois. 10 à 15 fûts ont été produits pour chacune des modalités de séchage. Les eaux-de-vie ont été dégustées par un jury de dégustateurs expérimentés.

Résultats

Les dégustateurs ont distingué les eaux-de-vie correspondant aux différentes modalités de séchage des bois.

La préférence est allée au séchage sur parc pendant trois ans, suivi du séchage sur parc pendant un an. Ces eaux-de-vie présentent une sensation en bouche plus agréable (moins d’amertume et moins d’astringence) que celles des autres modalités de séchage, comprenant un passage en séchoir ou un séchage sous abri (figure 6).

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Figure 6 : Essai sur le séchage/maturation, résultats des dégustations d’eaux-de-vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’arôme des eaux-de-vie logées en bois séché sur parc pendant trois ans est également plus apprécié. Les dégustateurs lui ont trouvé une note « vanillé » plus franche.

L’impact des micro-organismes

Les micro-organismes (bactéries, levures, champignons dont les moisissures) sont omniprésents dans notre environnement. Beaucoup d’entre eux jouent un rôle déterminant dans l’élaboration et la qualité des produits alimentaires, par exemple l’affinage des fromages, l’élaboration des produits laitiers, des vins…

Marche et Joseph (1975) avaient émis l’hypothèse d’une influence des micro-organismes et de leurs activités enzymatiques sur l’évolution de la composition du bois lors de son séchage.

La microflore des merrains

La microflore des merrains est abondante et diversifiée à la surface et dans les deux premiers millimètres du bois. Dans les couches plus profondes du bois, elle se raréfie et ce d’autant plus que le temps de séchage est court. Ainsi, 4 espèces de micro-organismes ont été mis en évidence au cœur des merrains (Larignon et al., 1994) : Candida sp. ; Paecilomyces variotii ; Phialemonium sp1 ; Phialemonium sp2.

La microflore identifiée est assez variable selon les études publiées. Ce résultat peut paraître surprenant car le milieu « bois » est plutôt sélectif vis-à-vis des micro-organismes, du fait notamment de la présence d’ellagitanins.

L’incidence du développement des micro-organismes
sur la composition du bois

L’impact des micro-organismes identifiés par la Station Viticole dans les couches internes du bois a été étudié par une inoculation sur copeaux. Après une incubation de 4 mois à 25 °C, un extrait réalisé par de l’eau-de-vie sur les copeaux inoculés a été comparé à l’extrait obtenu à partir de bois non inoculé. Deux séries d’extraction ont été réalisées, l’une sur le bois non chauffé, l’autre sur du bois chauffé.

Ce modèle expérimental est relativement éloigné de la réalité d’un séchage sur parc, mais il permet de contrôler la flore présente et surtout de disposer d’une population de micro-organismes beaucoup plus importante que dans la réalité.

Les résultats obtenus indiquent des modifications sensibles de la composition du bois liées à l’action des microorganismes (Roulland et al., 1999). On constate la dégradation de certains composés, notamment de la vanilline et de l’eugénol, mais aussi de tanins (tableau 4). A l’inverse, certains composés nouveaux sont libérés. Les travaux de Chatonnet et al. (1994) indiquent des résultats similaires, avec en plus la capacité de certains micro-organismes à dégrader les méthyloctalactones.

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Tableau 4 : Incidence des micro-organismes sur la composition du bois de chêne

 

 

 

 

 

Les extraits réalisés ont été dégustés. Ceux préparés à partir de copeaux ensemencés avec l’espèce Phialemonium sp. sont préférés. Toutefois, les différences restent mineures, ce qui tend à relativiser l’impact sensoriel imputable à l’action de la microflore.

En conclusion

Ces études ont permis d’évaluer quantitativement et qualitativement l’incidence du séchage des merrains sur la qualité des bois de tonnellerie. Une certaine évolution des composés de l’arôme du bois se produit pendant cette étape de séchage. Cette évolution est néanmoins limitée. Son amplitude est très dépendante de la composition initiale du bois. Dans tous les cas, elle reste d’un niveau comparable voire inférieur aux différences observées sur la matière première bois. Ainsi, on peut considérer que le séchage module les teneurs initiales des composés analysés, plus qu’il ne les détermine.

Des différences ressortent néanmoins sur le plan sensoriel. En bouche, les eaux-de-vie correspondant aux bois ayant fait l’objet d’un vieillissement sur parc sont jugées moins amères et moins astringentes que celles élevées dans des bois ayant fait l’objet d’un séchage plus court ou sous abri.

Sur le plan aromatique, une maturation prolongée des bois sur parc correspond à un arôme jugé « plus vanillé». Le dosage des composés aromatiques (stabilité de la vanilline, augmentation limitée de la cis méthyloctalactone) ne permet pas d’expliquer seul cette différence. La présence dans les bois issus d’un séchage court de composés masquant les notes aromatiques vanillées pourrait contribuer à cette différence qualitative.

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