Des accents plus techniques que politiques ont marqué l’assemblée générale du Syndicat des viticulteurs bouilleurs de cru. Après la bataille des élections à l’ADG Cognac, l’insertion dans les instances interprofessionnelles et dans un contexte de « pré-crise » qui se précise, le SVBC se positionne comme un syndicat « qui travaille, qui émet des propositions. » Et s’organise dans ce sens.
Plus qu’à se livrer à des digressions syndicales, François-Jérôme Prioton, le nouveau président du SVBC, a préféré donner la parole aux animateurs des différentes commissions mises sur pied par son syndicat : commission « Technique et environnement » (prés. : Xavier Laval), commission Communication (prés. : Philippe Martineau), commission « Coûts de production » (prés. : Olivier Louvet), commission Economie et emploi (prés. : Eric Billhouet), commission Juridique (prés. : Bernard Gauthier), commission « Politique de production ». Présidée par Stéphane Roy, cette dernière commission a vocation à suivre la rentabilité des ha Cognac, car l’économie « et la pérennité de nos entreprises » restent l’alpha et l’oméga du syndicat. Pour tenter de se projeter sur les trois prochaines campagnes, Stéphane Roy a adopté une série d’hypothèses, hypothèses d’autant plus intéressantes qu’elles permettent d’apprécier la vision professionnelle des viticulteurs sur cette période de haute incertitude. Comme hypothèses de rendement Cognac, il a retenu 8,20 hl AP/ha en 2009, 8,16 en 2010 et 7,79 en 2011. « Ces projections sont-elles réalistes ou non, je n’en sais rien » a-t-il dit en guise de précaution oratoire. Une augmentation des coûts de production de 4 % sur les trois prochaines années semble beaucoup moins sujette à caution. Avant S. Roy, Olivier Louvet était parvenu au chiffre de 6 077 € par ha comme étant le coût de production moyen pour pouvoir pérenniser une exploitation. Ce chiffre, a-t-il précisé, est issu des nombreux recoupements pratiqués par notre groupe de travail. Il permet d’assurer en cru Fins Bois un niveau de production de 120 hl vol./ha. Ramené au prix Fins Bois actuel, ce coût de production correspond à un rendement Cognac de 8,35 hl AP/ha. « A mon avis, quand nous serons au-dessous de 8,35, nous serons confrontés à un sacré problème » a commenté O. Louvet. « Il y aura décapitalisation. On ne renouvellera pas le vignoble, on ne changera pas le matériel, au plan de la qualité, on ne fera pas tout ce qu’il faut. S’il est possible de passer un an ou deux en deçà du seuil de 8,35, il ne faudra pas que la situation s’éternise. » Comme son collègue, Stéphane Roy subodore trois prochaines années difficiles, alors que les exploitations seront confrontées à des investissements indispensables. « Quelles solutions ? je n’ai pas de réponse. A chacun de réfléchir et d’apporter sa contribution. » Lors de l’assemblée générale, le syndicat n’a pas souhaité aller plus loin dans sa démonstration. Contactés à l’issue de la réunion, certains de ses représentants ont explicité davantage leur vision des choses. « En axant notre discours sur la rentabilité des exploitations, nous avons voulu mettre en alerte la viticulture. Que se passera-t-il quand le rendement baissera ? Des exploitations ne pourront plus faire face à leurs charges et tout particulièrement celles qui ont respecté le cahier des charges Cognac en renouvelant leurs vignobles, pratiquant des investissements liés à la qualité. En phase de récession, ces exploitations seront fragilisées. Le système actuel défavorise ceux qui tirent la filière vers le haut. C’est pourquoi nous dénonçons un tel système. Un jour ou l’autre, il faudra bien se mettre autour de la table pour voir comment favoriser les gens qui ont investi dans le Cognac. Entre les lignes, c’est ce discours là que nous avons souhaité faire passer à l’AG. »
Ne pas « suréagir »
Au cours de la réunion, Stéphane Roy a réclamé de ne pas « suréagir » à la crise. « Les conséquences seraient calamiteuses en sortie de crise. » Ainsi, pense-t-il « qu’il ne faut pas se crisper sur le niveau de production mais que, en face, le négoce doit pratiquer une politique de prix constructive. » « Les prix ne doivent pas s’effondrer. » Le même a redit sa conviction qu’un rendement Cognac bas ne faisait pas augmenter les prix. « Regardez ! Quand la QNV n’était pas très haute, les prix n’étaient guère élevés non plus. Aujourd’hui, nous souffrons d’une pénurie de stock dans les comptes 4-5-6, années où le rendement Cognac était le plus faible. Nous ne sommes pas là pour refaire l’histoire mais toutefois, il convient de tirer le bilan. Ce manque de stock a eu beaucoup de conséquences. Certes, il nous a valu une envolée des cours, bénéfique à court terme mais à moyen terme, ce n’est pas très bon pour la catégorie Cognac. Déjà, la progression des cours avait impacté les marchés export, avant même la crise mondiale. L’idéal, ce n’est pas que les prix s’envolent puis s’effondrent. L’idéal consiste à ce qu’ils soient régulés. » Stéphane Roy a ensuite présenté ce que pourrait être le fonctionnement d’une réserve qualitative, si tant est qu’elle reçoive le feu vert de l’interprofession (voir article page 9).
Un appel aux adhérents
François-Jérôme Prioton a proposé de porter la cotisation syndicale de 2 à 4 € par ha. « Nos moyens sont limités et nous avons mis tous les fonds disponibles dans la bataille des élections. Au vu du bilan, je pense que vous comprendrez le petit effort supplémentaire que nous vous demandons. » La résolution a été adoptée à l’unanimité. Etait présent à l’assemblée générale le président d’honneur du syndicat, Jean-Louis Brillet ainsi que Christophe Véral, président de la FVPC, la Fédération des viticulteurs producteurs de Cognac, qui regroupe le SGV et le SVBC. Il est revenu un instant sur le climat tumultueux qui avait présidé aux élections à l’ADG (Association de défense et de gestion) Cognac. « Tout n’a pas été facile mais des sièges nous ont été attribués partout, à l’ADG, à l’assemblée plénière du BNIC, au Comité permanent, à l’INAO. Cependant il ne suffit pas de siéger, il faut proposer aussi. C’est le but de nos commissions et je vous invite à les rejoindre nombreux. Plus nous serons forts dans nos syndicats, mieux nous traverserons la crise qui arrive. » François-Jérôme Prioton a pour sa part rassuré la salle. « J’entends ici et là des rumeurs de fusion avec le SGV Cognac pour créer un syndicat unique. Il n’en est rien. » Ceci dit, dans la salle, un public rajeuni semblait bien loin des guerres partisanes. Pas de syndicat unique peut-être, mais un climat apaisé sans doute. D’ailleurs François-Jérôme Prioton incarne assez bien cette ligne du dialogue.