Bien que son principe recueille l’assentiment de la viticulture comme du négoce, la réserve qualitative Cognac ne verra le jour que si son statut juridique – et les moyens de contrôle qui vont avec – sont « bordés ».
Il existe déjà une réserve, la réserve climatique. Sa vocation est de pallier les récoltes insuffisantes, en mettant de côté des volumes quand l’année le permet. Dans ces conditions, pourquoi créer une seconde réserve ? Son objectif à elle serait de rattraper les erreurs de prévision. Chacun sait la difficulté qu’il y a à se projeter à 3-5 ans. Pourtant rompus à l’exercice, les négociants ont toujours beaucoup de mal à « taper juste ». Ou ils visent trop haut ou ils visent trop bas. Leurs prévisions sont rarement corroborées par les chiffres. Et la méthode de calcul mise au point par le BNIC, si elle introduit de la rationalité, ne change rien à ce point particulier. La réserve qualitative aurait donc mission de tempérer un prévisionnel pessimiste, avec l’idée sous-jacente qu’il est vraiment trop dommage de « louper » un marché par manque de marchandise. Que les bouilleurs de cru puissent constituer un petit matelas de stock représenterait donc une sorte d’assurance tous risques pour la région. A ce titre, il faut noter que le terme « réserve qualitative » est relativement inapproprié. Dans le contexte Cognac, il vaudrait mieux parler de réserve commerciale ou, tout simplement, de réserve collective.
Avec la réserve climatique, l’axiome de base est que les eaux-de-vie ne vieillissent pas. La marchandise rentre en 00 et ressort en 00. Conséquence : le Cognac ne peut être logé que sous matériau inerte, c’est-à-dire sous inox. Si elle était créée, il en irait tout autrement de la réserve climatique (ou ce qui en tiendrait lieu). Les eaux-de-vie pourraient être stockées sous bois et donc vieillir normalement. Cela semble assez logique dans la mesure où le but de la réserve qualitative consiste à apporter une réponse flash à un problème ponctuel. Naturellement, le déclenchement de cette réserve qualitative s’assortirait de conditions bien précises. A n’en pas douter, le coefficient de rotation du stock jouerait le rôle d’indicateur phare. Un coefficient de rotation trop important s’avérerait incompatible avec l’ouverture d’une réserve qualitative. A quel niveau pourrait se situer cette réserve ? Lors de la réunion du SVBC, des chiffres ont été cités, de l’ordre de 0,5 ou 1 hl AP/ha, en plus du rendement Cognac. A noter que la mise en réserve ne revêtirait aucun caractère obligatoire. Le viticulteur resterait libre de souscrire ou de ne pas souscrire à la réserve qualitative.
Si le déblocage de la réserve climatique est individuel, en cas de récolte insuffisante constatée par le viticulteur sur sa propre exploitation, rien de tel pour la réserve qualitative. Le bouilleur de cru s’engagerait par contrat à bloquer sa réserve pendant un certain nombre d’années (en fonction de la composition du stock), avec impossibilité de la vendre avant la fin dudit engagement, sauf en cas de décision collective de l’interprofession. Comme pour le blocage, l’état du stock servirait de mètre étalon au déblocage.
La région délimitée n’en est pas à sa première réserve qualitative. Dans les années 94-95 une réserve collective avait déjà vu le jour, pour être abandonnée un ou deux ans après. Cette expérience traîne derrière elle une casserole, celle de n’avoir pu empêcher les volumes de s’égayer dans la nature, au mépris des consignes de déblocage collectif. Il faut dire qu’à l’époque l’Administration n’avez pas manifesté un zèle excessif à faire la chasse aux mises en marché intempestives. Chat échaudé ! La profession jure cette fois que la réserve qualitative ne verra le jour que si les moyens juridiques de son contrôle existent. A cette prudence près, le contexte actuel n’est pas sans rappeler celui de 1994-1995. A l’époque, la région sortait d’années de fortes distillations – 700-800 000 hl AP – et, crise aidant, cherchait un moyen de tempérer la production sans baisser de manière abrupte la QNV. Une sorte d’atterrissage en douceur. La réserve qualitative avait été le moyen élégant de « faire passer la pilule ». Aujourd’hui, le projet de réserve qualitative, entre autres fonctions, ne vise-t-il pas le même objectif ? Faciliter la diminution du rendement, tout en envoyant aux viticulteurs un message positif : « profitez-en pour faire de la réserve. »
0 commentaires