Ne pas tout mélanger ! Le bilan carbone n’a rien à voir avec les problèmes liés aux produits phytosanitaires ou à la qualité de l’eau. Son domaine à lui, c’est le changement climatique, sous l’effet du rejet des fameux gaz à effet de serre (GES). Présents dans la basse atmosphère, ces gaz interceptent une partie du rayonnement terrestre et participent ainsi au réchauffement de la planète quand ils ne « trouent » pas la couche d’ozone. Lors des cent cinquante dernières années, les causes anthropiques – liées à l’activité humaine – ont décuplé l’émission de gaz à effet de serre. Après avoir été confiné pendant des millénaires entre 180 et 280 ppmv (parties par millions en volume), le taux de CO2 dans l’air a doublé en quelques générations. Principaux responsables : le méthane, les halocarbures (système de froid, de climatisation) et le protoxyde d’azote (engrais azotés minéraux). Sur une échelle de temps infinitésimale, on est passé de peu à beaucoup. Il est d’ailleurs curieux de constater qu’à chaque événement traumatique – guerre de 14-18, seconde guerre mondiale, choc pétrolier de 1974… – a correspondu un reflux des rejets de CO2, repartis de plus belle une fois l’accident passé. Mis au point par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’ énergie) depuis 2004, le bilan carbone est une méthode d’évaluation des émissions de gaz à effets de serre. Pour une activité donnée (service, entreprise, collectivité locale, filière de production…), le bilan carbone dresse une cartographie de toutes les sources possibles d’émission de gaz à effet de serre, tant au niveau de la production que de la mise en marché. Il exerce une vue panoramique sur l’activité. Rentre dans son « périmètre d’étude » des tas d’éléments comme le nombre de km parcourus pour mener à bien l’activité (camions, ferroutage, transport maritime…), la liste des matériaux entrants, les différents process de production, la dépendance aux énergies fossiles, les déchets occasionnés, l’utilisation des produits finis… Chaque donnée est rentrée dans un logiciel qui lui applique un facteur d’émission préétabli (voir site de l’Ademe). L’addition de tous ces facteurs d’émission débouche sur le « bilan carbone » proprement dit, exprimé en tonnes de carbone (ou de CO2 en appliquant une formule de conversion). Confronté à une double incertitude – celle de la donnée collectée et celle du facteur d’émission utilisé – le bilan carbone s’assorti systématiquement d’une fourchette de confiance. Il n’est pas rare que la fourchette de confiance ne dépasse pas 50 %. En plus d’être un outil de diagnostic, le bilan carbone a également vocation à être un outil d’aide à la décision en terme de management environnemental et économique. Il établit une hiérarchisation des problèmes, une démarche qui débouche normalement sur la mise en place d’actions concrètes. « L’intérêt du bilan carbone, c’est de connaître les marges de manœuvre pour agir à tel ou tel niveau » relève une personne formée à la méthode. Souvent perçu comme générateur de dépense supplémentaire, ne serait-ce que par le financement de l’étude, il n’est pas rare que le bilan carbone s’avère in fine un facteur d’optimisation des coûts. Il aide le donneur d’ordre à prendre les bonnes décisions. En terme de transport des personnes par exemple, gros pourvoyeur de GES au sein des entreprises, les sociétés pourront optimiser les déplacements de leurs salariés, limiter les voyages en avions, privilégier le train, les réunions à distance par visio conférence… Et, finalement, réaliser des économies avec un retour sur investissement assez rapide. Le bilan carbone se double d’une autre dimension, la dimension pédagogique. Il est aussi fait pour sensibiliser les protagonistes – salariés, ressortissants – aux grands enjeux du changement climatique.
une action volontaire
Les entreprises, les filières sont-elles obligées de réaliser leur bilan carbone ? Objectivement, rien ne les y contraint. Il s’agit d’une action volontaire, librement consentie. Cependant, il existe une obligation citoyenne de minimiser l’impact sur l’environnement, relayée par les ambitieux mots d’ordre européens : réduction des rejets de CO2 de 20 % d’ici à 2020, de 75 % à échéance 2050. Il ne faut pas oublier aussi l’aspect communication. Dans la sphère économique, l’effet d’affichage « du bon élève en développement durable » commence à faire recette. Un géant de la distribution comme Casino vient de lancer son étiquette CO2 retraçant la quantité de CO2 émise durant tout le cycle de vie du produit. Peu ou prou, les acteurs économiques subodorent que la performance environnementale pourrait devenir un jour ou l’autre un critère discriminant. Ils s’y préparent, quitte à devancer l’appel, pour ne pas être pris au dépourvu le jour où on leur demandera de faire la démonstration de leur bon niveau d’émission.