Valorisation des sous produits de la vigne

21 février 2013

Bien que le brûlage des sarments au bout des rangs fasse partie intégrante des usages traditionnellement associés aux régions viticoles, cette pratique n’est pas pour autant officiellement autorisée. Elle relève en effet d’une tolérance temporairement accordée par arrêtés spécifiques, préfectoraux ou municipaux. Cet encadrement réglementaire repose sur des préoccupations environnementales, liées aux dégagements de CO2, poussières et composés volatiles qu’engendre le brûlage. Mais cette pratique peut également être remise en question au regard de la perte en matières organiques qu’elle occasionne. A l’heure où la réduction des déchets et sous-produits s’inscrit comme un enjeu essentiel d’une approche plus environnementale de la production viti-vinicole, la recherche de moyens de valorisation des sarments apparaît comme indispensable.

L’entretien de la fertilité des sols

Le rôle des matières organiques du sol

Les matières organiques constituent une des composantes essentielles de la fertilité des sols, de par leurs rôles multiples :

– Rôle physique : en s’associant avec les argiles (complexe argilo-humique), les matières organiques contribuent à la formation d’agrégats et augmentent ainsi la stabilité structurale et la porosité des sols.

Elles améliorent de ce fait le fonctionnement hydrique des sols (circulation de l’eau, aptitudes au ressuyage, rétention en eau des horizons superficiels) et limitent leurs sensibilités à la dégradation (lessivage, compaction, battance, érosion par ruissellement).

– Rôle chimique : les matières organiques constituent d’une part une source d’éléments minéraux (par dégradation et minéralisation) et permettent d’autre part d’améliorer leur stockage (capacité d’échange cationique) et leur disponibilité (diffusion par la solution du sol). Elles contribuent ainsi à ralentir l’acidification des sols.

Les matières organiques favorisent également la complexation des éléments traces métalliques (limitation des toxicités) et la rétention des micro-polluants organiques et des pesticides (réduction de la pollution des eaux).

– Rôle biologique : en stimulant l’activité biologique des sols (vers de terre, biomasse microbienne), les matières organiques favorisent les phénomènes de dégradation, de minéralisation et d’humification (turn-over des matières organiques) et améliorent la porosité biologique des sols.

Ces effets bénéfiques sur les sols ont également une influence positive sur la vigne : régulation de l’alimentation hydrique, meilleure assimilation des éléments minéraux.

Les intérêts de la restitution au sol des sarments

Compensation des pertes par minéralisation

En Gironde, les sols viticoles perdent chaque année par minéralisation entre 600 et 1 400 kg d’humus par hectare. Ces pertes varient selon la texture, le pH et le fonctionnement hydrique des sols. Le recours à une fertilisation essentiellement minérale durant les dernières décennies a fortement contribué à accentuer cet appauvrissement naturel des sols en matières organiques. A l’heure actuelle, la plupart des sols viticoles présentent un déficit en matières organiques, qui se traduit par une sensibilité accrue à la dégradation et des troubles de l’alimentation hydrique et minérale de la vigne, particulièrement nets en millésimes « extrêmes ».

Avec un rendement en humus d’environ 170 kg par tonne et une production annuelle de 2 à 4 tonnes par hectare (selon la densité de plantation et la vigueur des vignes), les sarments représentent une ressource potentielle de 350 à 700 kg d’humus par hectare. Leur restitution au sol permet ainsi de compenser près de la moitié des pertes par minéralisation.

Réduction des exportations de la vigne

Dans l’optique d’une production de qualité, les besoins annuels de la vigne sont modestes : pour un rendement de 50 hl/ha, ils sont estimés à environ 50 unités d’azote, 15 de phosphore, 50 de potasse et 10 de magnésie. En considérant que les feuilles reviennent à la parcelle, les exportations réelles sont alors de l’ordre de 20 unités d’azote, 10 de phosphore, 30 de potasse et 5 de magnésie, la moitié étant allouée aux sarments.

La restitution au sol des sarments constitue donc un moyen de réduire de moitié les exportations de la vigne et de limiter par conséquent les quantités d’engrais à apporter pour entretenir les réserves minérales des sols et subvenir aux besoins de la vigne.

Les intérêts et les limites du broyage des sarments au sol

Approche technico-économique

Le recours au broyage à la parcelle s’inscrit comme la solution la plus simple techniquement et la moins coûteuse à mettre en œuvre pour restituer les sarments au sol.

L’investissement matériel se limite à l’achat d’un broyeur (2 000 à 8 000 € HT, selon les dimensions du modèle) et la vitesse de travail, de l’ordre de 4 km par heure (1 à 2 hectares par heure, selon la densité de plantation), n’apparaît pas trop contraignante.

Intérêts et limites agronomiques

Les sarments broyés à l’état brut se caractérisent par un C/N très élevé (supérieur à 80). Leur décomposition au sol est accélérée lorsqu’ils sont broyés finement et incorporés superficiellement. Riches en matières organiques fraîches, leur rendement en humus reste cependant assez faible et ils engendrent généralement une augmentation rapide de la biomasse. Cet effet, favorable à la stabilité structurale des sols argileux, peut entraîner sur des sols à minéralisation rapide (sableux, graveleux, limoneux) une dégradation excessive des stocks d’humus, déjà limités sur ces types de sols. Dans ces cas-là, un broyage plus grossier peut permettre de ralentir la décomposition des sarments.

Si cette pratique permet d’assurer un certain niveau de restitution en matières organiques, elle n’offre pas en revanche la possibilité d’ajuster la quantité des apports aux besoins spécifiques de chacune des parcelles.

Influence sur les maladies du bois

A l’heure actuelle, les résultats des recherches menées sur les maladies du bois laissent à penser que la prolifération des germes est principalement due à une mauvaise gestion des vieux bois contaminés (entassement en bordure de parcelles, non-brûlage). Il ne semble donc pas que les risques de propagation de ces maladies soient accrus par le broyage des bois de l’année, et ce d’autant moins lorsque ceux-ci sont enfouis superficiellement.

La restitution des sarments au sol après compostage

Depuis 8 ans, le Service Vigne & Vin de la Chambre d’Agriculture de la Gironde mène des expérimentations sur la faisabilité technico-économique du compostage à base de sarments et sur ses intérêts agronomiques et environnementaux. Cette démarche s’inscrit au sein d’une réflexion globale sur la réduction et la valorisation des déchets et sous-produits de la filière viti-vinicole.

Principes généraux du compostage

Le compostage est un procédé de transformation biologique accéléré et contrôlé des matières organiques résiduelles. Ce processus s’articule autour de deux phases principales :

– Une phase de dégradation aérobie rapide de la matière organique fraîche, par des bactéries et micro-organismes thermophiles (décomposition des glucides, lipides et protides). Cette activité bactérienne engendre un dégagement de chaleur (55 à 60 °C) permettant une hygiénisation du compost. Elle nécessite en revanche un important approvisionnement en eau (système d’arrosage) et en oxygène (retournement des tas).

– Une phase de maturation qui conduit à la biosynthèse très lente de composés humiques par des champignons (décomposition des polymères : lignine, cellulose…). Cette phase se déroule à une température plus basse (35 à 45 °C).

Le compost ainsi produit est un amendement homogène, désodorisé, sain, à fort potentiel humifère et faible valeur fertilisante. Ce processus de compostage permet d’obtenir une quantité de compost équivalente à 50 % du volume et du poids des intrants.

Faisabilité du compostage à base de sarments

Les sarments apparaissent suffisamment riches en azote, sucres et micro-organismes pour que le processus de compostage puisse démarrer. Des températures voisines de 60 °C sont rencontrées après quelques heures seulement de compostage. Le volume de sarments doit cependant être suffisamment conséquent (de l’ordre d’une dizaine de m3 au minimum) pour avoir une bonne inertie thermique. Un broyage/défibrage assez fin semble en outre favoriser le déroulement du processus (humidification plus homogène lors de l’arrosage).

L’incorporation aux sarments d’autres sous-produits et résidus organiques est également envisageable : rafles (2 à 3 m3 par hectare), marcs, déchets verts de l’exploitation (taille, tonte…), ou fumiers. Les composts à dominante de sarments ainsi obtenus présentent un rendement en humus supérieur à celui des sarments broyés à l’état brut.

La mise en place d’un atelier de compostage à base de sarments offre donc la possibilité de valoriser également la plupart des autres sous-produits de l’exploitation viti-vinicole.

Contraintes techniques et économiques

Les investissements liés à la mise en place d’un atelier de compostage sont assez lourds :

– Le coût des équipements disponibles pour le ramassage des sarments s’élève en moyenne à 2 000 € HT.

– La réglementation impose la construction d’une plate-forme bétonnée, équipée d’un système de récupération des lixiviats (cuves de décantation ou bassin de lagunage). La taille de la plate-forme dépendra du volume des intrants et du système de retournement employé.

– Le système d’arrosage doit être conçu de manière à pouvoir humidifier le tas de manière homogène, sans provoquer sa saturation (faible débit).

– Pour la gestion de l’aération, le retourneur d’andain est l’outil le plus efficace, mais il reste très coûteux (15 à 30 000 € HT, selon la dimension). Le retournement à la fourche ou au godet (tractopelle ou élévateur) est possible mais il nécessite une plate-forme plus grande et augmente considérablement le temps de travail consacré au retournement.

– Enfin, l’épandage du compost produit nécessite l’emploi d’un matériel adapté aux densités de plantation de l’exploitation.

L’achat de matériel en CUMA (équipements de ramassage, retourneur d’andain, épandeur) constitue un moyen de réduire considérablement le coût des investissements. Afin de réduire les temps de travaux inhérents aux retournements des tas à la fourche ou au godet, des systèmes automatisés sont actuellement en cours de développement.

Perspectives offertes par le compostage

Intérêts agronomiques

Les caractéristiques agronomiques des composts à base de sarments (fort potentiel humifère, faible valeur fertilisante) en font des amendements organiques très bien adaptés à une filière viticole de qualité. Ces amendements sont particulièrement favorables aux sols à dominante sableuse, graveleuse ou limoneuse, pauvres en matières organiques et à faible stabilité structurale (augmentation de la capacité d’échange cationique et de la rétention en eau). En terme de disponibilité des éléments minéraux, on considère que 10 à 20 % de l’azote, 50 % du phosphore et 100 % du potassium sont disponibles la première année.

Le recours au compostage offre en outre la possibilité d’adapter la nature et la quantité des restitutions aux besoins spécifiques de chaque parcelle.

Mesure prophylactique contre les maladies du bois

Des essais réalisés en 2003 et 2004, en partenariat avec l’INRA de Bordeaux, montrent que le processus de compostage provoque la destruction des champignons responsables des maladies du bois : les inoculums (vieux bois nécrosés), introduits dans des filets et enfouis au sein des tas, ne présentent plus de germes après compostage. Le recours au compostage des sarments s’inscrit de ce fait comme une mesure prophylactique pour lutter contre la prolifération des maladies du bois.

Traitement des effluents

Au vu des importantes quantités d’eau nécessaires au bon déroulement du compostage, des expérimentations ont été menées afin de déterminer si l’utilisation des effluents viti-vinicoles pour l’arrosage du compost était concevable.

Effluents de chais

L’utilisation des effluents vinicoles pour l’arrosage ne semble pas compromettre le processus de compostage. Les composts ainsi produits sont basiques (7,3 à 8,5) et présentent un C/N compris entre 10 et 15. En terme d’innocuité environnementale, leurs teneurs en métaux lourds restent très inférieures aux normes en vigueur (Ecolabel Européen, NFU 44-095).

La possibilité d’utiliser un atelier de compostage à base de sarments pour le traitement des effluents vinicoles semble donc envisageable. Les dernières interrogations résident dans le dimensionnement des installations et les conditions d’utilisation (fréquence et débit d’arrosage) nécessaires pour permettre le traitement des importants volumes d’effluents générés, en particulier lors des périodes de vendanges/vinifications.

Les expérimentations prévues en 2008 auront pour objectif de déterminer l’évolution des capacités d’absorption du compost au cours de son évolution et de définir les conditions nécessaires à ce mode de traitement des effluents : pilotage de l’arrosage, gestion des retournements, capacité de stockage « tampon » des effluents…

Effluents phytosanitaires

Pour être homologué comme moyen de traitement des effluents phytosanitaires, le compostage doit répondre favorablement aux tests d’écotoxicité (innocuité environnementale) et permettre la dégradation des matières actives, selon un facteur d’abattement au moins supérieur à 3. Les expérimentations réalisées depuis 2005 ont permis de mettre en évidence la dégradation des matières actives au cours du compostage. En revanche, du fait de leurs faibles teneurs dans les effluents utilisés (rinçage à la parcelle), bon nombre de matières actives n’ont pas été retrouvées dans le compost après apport (phénomène de dilution). Les essais prévus pour 2008 devront permettre de chiffrer la dégradation des matières actives.

La restitution au sol des sarments s’impose donc comme une pratique largement favorable à la compensation d’une partie des pertes en humus par minéralisation et des exportations de la vigne. Elle contribue ainsi à l’entretien de la fertilité des sols, à une alimentation hydrique et minérale de la vigne plus régulée et à une réduction des apports d’engrais.

Dans cette optique, le broyage s’avère être la solution la plus facile à mettre en œuvre. Le compostage, dans la mesure où il n’est envisagé que pour produire un amendement organique de qualité, nécessite des investissements qui peuvent paraître rédhibitoires. En revanche, les perspectives qu’il offre en terme de prophylaxie vis-à-vis des maladies du bois et surtout pour le traitement des effluents viti-vinicoles en font un procédé particulièrement intéressant.

La mise en place d’un atelier de compostage semble ainsi pouvoir s’inscrire au cœur d’une démarche intégrée de valorisation des sous-produits d’exploitation et de traitement autonome des effluents, tout en assurant la production d’un amendement organique adapté à l’entretien de la fertilité des sols viticoles et aux exigences d’une production de qualité.

Maxime Christen
Service Vigne et Vin
Chambre d’Agriculture de la Gironde
Vinipôle Bordeaux Aquitaine

la région aquitaine en force au 50e salon international de l’agriculture
La Région Aquitaine fera partie des principaux exposants du Salon international de l’agriculture de Paris qui se tiendra porte de
Versailles du 23 février au 3 mars 2013. Depuis 2012, les Régions Aquitaine et Midi-Pyrénées unissent leurs efforts pour communiquer ensemble autour de la bannière « Sud-Ouest France ». 80 exposants aquitains se réunissent cette année sous celle-ci.
La Région Aquitaine sur trois pôles, situés dans les pavillons 3, 7.1 et 7.2.
Dans le secteur Bovins, pavillon 3, les éleveurs viennent présenter Blondes d’Aquitaine et Bazadaises. Le pavillon 7.1 accueille les trois filières ovines et caprines (Osseau-Iraty, agneau de lait des Pyrénées et cabécou du Périgord).
Dans le pavillon 7.2 au cœur des Régions de France, Aquitaine et Midi-Pyrénées se regroupent sur un pôle « Destination Sud-Ouest France » offrant un espace de plus de 120 exposants qui proposent à la vente leurs productions phares. Deux espaces d’animations culinaires permettent au visiteur de déguster et de découvrir les produits des deux régions. Côté Aquitaine, le foie gras du Sud-Ouest, le jambon de Bayonne, les huîtres Arcachon Cap Ferret, le pruneau d’Agen ou encore les vins de Bordeaux seront à l’honneur. Nouveauté : des ateliers culinaires pour les enfants avec la participation de Cap Sciences.
Un pôle tourisme offre également la possibilité de préparer son séjour dans le Sud-Ouest.

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