A moins de posséder une collection d’alcools très limitée – ou une consommation impressionnante -, il est probable que la plupart de vos bouteilles de spiritueux traînent, entamées, des mois voire des années dans votre bar. Cela pourrait être cette bouteille de Grand Marnier que vous ne sortez qu’à la chandeleur, ce cognac XXO que vous réservez pour les grandes occasions, ou encore cette vodka que vous avez achetée uniquement parce que votre neveu ne boit que cela accompagné de boisson énergisante.

Mais comment savoir si ces bouteilles sont encore consommables ? Après tout, on dit qu’une bouteille d’alcool est impérissable, mais est-ce qu’elle est immuable ? Eléments de réponse avec Brian Tasch, coordinateur du contenu et de la formation sur les spiritueux chez Skurnik Wines & Spirits.

Le spiritueux, un alcool éternel, mais pas ses saveurs

Techniquement, un spiritueux n’a pas de date d’expiration. Tant que la bouteille n’est pas ouverte, les alcools distillés tels que la vodka, le whisky ou le cognac restent stables car l’oxygène ne peut interagir avec le contenu. Cependant, dès que le bouchon est ouvert, l’oxydation débute lentement son travail. Cela ne rend pas son précieux contenu impropre à la consommation ; mais en s’attaquant aux composants aromatiques du spiritueux, l’oxygène sape toute sa superbe. Comme l’explique Tasch, il est probable que l’alcool ait une odeur beaucoup moins parfumée, les arômes et les nuances en bouche disparaissant petit à petit. Ce processus évolue en un à deux ans à partir de l’ouverture de la bouteille.

D’autres facteurs peuvent avoir un impact sur la durée de vie d’un spiritueux, et certains le rendent impropre à la consommation. En général, les liqueurs sucrées et/ou aromatisées se dégraderont beaucoup plus rapidement que leurs homologues secs, car ces composants volatils interagissent avec l’oxygène de manière très différente que l’alcool pur, en particulier lorsqu’ils sont conservés à température ambiante. L’un des indices les plus marquants que votre spiritueux pourrait finir sa vie dans l’évier est la présence de sédiments ou l’opacification du liquide, indiquant probablement la présence de bactéries. « Si vous remarquez l’un de ces éléments dans votre bouteille, secouez-la bien », explique Tasch. « Si cela se dissipe, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Si ce n’est pas le cas, il se peut que vous ayez une sorte de moisissure, ou quelque chose du genre, dans votre bouteille et vous ne devriez pas la boire. »

Au-delà de ces repères visuels, si vous ouvrez une bouteille qui est restée ouverte et remarquez que son arôme n’est pas aussi percutant qu’il le devrait ou qu’elle a un goût assez fade, votre spiritueux est probablement périmé. Même si le boire ne vous fera probablement pas courir de risques pour votre santé, quel est l’intérêt de siroter un alcool qui a perdu toute sa superbe ?

La liqueur, loin d’être un alcool de garde

Les liqueurs (qui ont un degré d’alcool inférieur à 30°) se périment beaucoup plus rapidement que les spiritueux et ont, en général, une durée de conservation de 6 à 12 mois. Mais tout comme les alcools distillés, la rapidité de péremption des liqueurs dépend des ingrédients et de leur fraîcheur. « Pour les liqueurs de fruits, comme l’orange et le pamplemousse, les dates de péremption dépendent vraiment du fait que le producteur a utilisé ou non du jus frais dans le mélange », explique Tasch. « Alors que des marques qui utilisent des concentrés peuvent se conserver pendant un an ou deux, d’autres, qui utilisent du jus frais, se dégradent beaucoup plus rapidement. Vous pouvez réellement les voir s’oxyder avec le temps, et il sera vraiment nécessaire de les goûter avant de les ajouter à votre cocktail. »

Lorsqu’il s’agit de liqueurs herbacées, vous n’aurez pas nécessairement à vous soucier du fait que le liquide soit impropre à la consommation après cette période de six à 12 mois, mais il faudra vous attendre à ce que la saveur soit bien différente si la bouteille est restée ouverte pendant des années. « Les saveurs deviendront un peu plus ternes et la plupart des arômes les plus toniques se dissiperont avec le temps, les notes d’agrumes et florales s’estompant », explique Tasch. « À ce stade, vous commencerez à percevoir davantage de notes de racine et la liqueur aura probablement un goût beaucoup plus terreux et amer. »

Les liqueurs à base de produits laitiers sont une toute autre histoire. Étant donné qu’elles sont produites à partir d’un produit périssable, les liqueurs à la crème seront toujours estampillées d’une date de péremption. Cependant, selon Tasch, cette date signifie très probablement une date limite de vente, vous devriez donc plutôt identifier d’où vient votre bouteille et suivre les changements au fil du temps avant de déterminer si elle peut être consommée en toute sécurité. Le moyen le plus simple de savoir si votre bouteille de Baileys ou de RumChata est toujours irréprochable est de savoir si elle réussit le test olfactif. Les produits laitiers peuvent être géniaux, mais si le contenu de la bouteille a une odeur aigre ou rance, jetez-le immédiatement. Il y a aussi des repères visuels à surveiller. Bien qu’ils soient relativement stabilisés avec l’alcool, les produits laitiers contenus dans ces types de liqueurs continueront à cailler ; donc si vous remarquez des grumeaux, il est temps de les jeter. Heureusement -ou malheureusement-, la majorité des liqueurs à base de produits laitiers sur le marché regorgent d’additifs et de conservateurs conçus pour prolonger la durée de conservation, mais Tasch affirme qu’il est toujours préférable de les déguster avant un an. « Si vous ne connaissez pas ou ne faites pas confiance à l’approvisionnement ou à la production d’un produit, je ne jouerais pas avec tout ce qui est ouvert depuis au moins un an », explique-t-il. « Au bout d’un an, surtout s’il n’a pas été stocké correctement, cela ne vaut même pas la peine de s’en préoccuper. »

Comment rallonger la durée de vie de ses bouteilles ?

Lorsqu’il s’agit d’éviter que vos spiritueux ne se détériorent trop rapidement, Tasch affirme que la meilleure chose à faire est de le tenir à l’écart du soleil. « Le soleil est l’ennemi naturel de toute matière organique. Il éliminera les couleurs et accélérera l’oxydation, en particulier pour les produits contenant des sédiments ou des ingrédients périssables dans la bouteille. » La lumière du soleil augmentera également le taux de décomposition et la croissance bactérienne à l’intérieur de votre bouteille. Il est donc préférable de garder les spiritueux et les liqueurs à l’écart des rayons et, de plus, de les conserver dans un endroit frais, car des températures plus basses aideront à préserver le liquide. Il est également important de garder vos bouteilles propres. Tasch conseille d’essuyer le goulot de votre bouteille et son bouchon après chaque utilisation, en particulier pour les liqueurs sirupeuses comme le Maraschino, le Campari et l’Aperol. « Si vous ne nettoyez pas vos bouteilles, vous commencerez à remarquer une cristallisation du sucre le long du goulot et sous le bouchon », explique-t-il. « Au fil du temps, ces cristaux agissent comme un point de soutien pour les moisissures, ce qui peut les faire expirer beaucoup plus rapidement. »

Bien que ce soient de bons conseils à garder à l’esprit, vos spiritueux et liqueurs finiront toujours par s’oxyder et vieillir. Le moment venu, faites confiance à vos sens pour savoir si votre bouteille en vaut toujours la peine.

source: winepair.com