L’usurpation d’origine représente la grande notion qui sous-tend l’action contentieuse de l’INAO, plus que la contrefaçon, davantage liée à la propriété intellectuelle. Car la notion d’appellation, bien que se référant à la propriété intellectuelle (à l’instar d’un brevet ou d’une marque) bénéficie d’une protection un peu à part, dite sui generis, à la croisée des chemins entre droit privé et droit public. L’usurpation d’origine se caractérise par l’action « de se faire passer pour ce que l’on n’est pas ». Le cas typique est le vin blanc en Amérique du sud qui s’appelle Bourgogne, le vin rouge Bordeaux ou Médoc. Le problème se complique quand ces dénominations tirent leur caractère générique de l’histoire, comme en Amérique du sud justement. Ce sont les conquistadores qui, les premiers, ont commencé à propager la ressemblance entre les vins du cru et les vins renommés de l’ancien continent. Dès lors, l’action qui consiste à vouloir « dégénériser » le nom des vins s’avère relativement coton. « Quand une juridiction ou un pays tranche pour le caractère générique d’un nom, il devient très difficile de s’y opposer. » Quelques succès tombent pourtant dans l’escarcelle de l’institut comme cet épisode où l’INAO s’est opposé aux vignerons du village de Champagne, en Suisse. Pour leurs vins tranquilles (et non mousseux), ces vignerons utilisaient le mot Champagne, le nom de leur petite bourgade. Après un procès qui frôla l’incident diplomatique, ils se sont vus interdire cet usage, à cause de l’homonymie avec la prestigieuse AOC. Comme quoi la protection des appellations peut aller très loin et priver un village de l’utilisation de son propre patronyme.
Le détournement de notoriété est une notion un peu différente de celle d’usurpation d’origine. Si référence est faite à l’appellation, c’est pour un produit non comparable, non équivalent. Le parfum Champagne en constitue le parfait exemple. Dans cette mémorable affaire, Yves Saint-Laurent avait voulu profiter de l’image festive véhiculée par le roi des vins effervescents. Il a été retoqué par l’INAO pour détournement de notoriété.
L’affaiblissement de notoriété constitue encore un autre concept. Au Québec, une société avait eu l’idée de vendre des « vins en kit », c’est-à-dire de la poudre de perlimpinpin rallongée d’eau. Pour faire bonne mesure, le client disposait d’étiquettes prêtes à l’emploi, Côtes-du-Rhône, Châteauneuf-du-Pape… Compte tenu de la qualité du « vin », ni la notion d’usurpation d’origine ni celle de détournement de notoriété ne convenaient. Il s’agissait plus d’un affaiblissement de notoriété, de nature à donner une image dévalorisée des appellations. L’INAO a osé l’action en justice et a gagné.
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