S’engager dans des démarches de ce genre nécessite de disposer d’une grande technicité au niveau de la mise en œuvre des traitements et de l’appréciation des risques parasitaires. Cela fait peur à certains viticulteurs et tente d’autres. C’est pourtant un sujet que le futur environnement réglementaire de la protection des cultures a largement pris en compte à la suite du Grenelle de l’environnement.
D’ici 5 à 10 ans, la protection du vignoble va connaître une évolution profonde qu’il semble pour l’instant difficile à appréhender. Les approches de réduction de doses d’utilisation font inévitablement partie des sujets qu’il va falloir étudier avec le plus grand professionnalisme pour ne pas mettre en péril la productivité des régions viticoles. Le travail technique sur les diminutions de dose d’utilisation des produits cupriques qui a été effectué dans la région au début des années 2000 à la demande des viticulteurs bio représente un acquis intéressant pour l’ensemble des propriétés de la région délimitée.
Une expérimentation initiée par les viticulteurs Bio
La diminution des apports de cuivre en fin de saison est une pratique que beaucoup de viticulteurs mettent en œuvre surtout les années de faibles pressions parasitaires. La réduction des doses de cuivre à partir du moment où les grappes deviennent moins sensibles au mildiou (après le stade fermeture de la grappe) peut être envisagée de plusieurs manières : une baisse des concentration hectare de produit utilisées ou une localisation de la pulvérisation sur les fractions de végétations sensibles. En effet, à partir de la fin juillet les feuilles situées au niveau de la zone fructifère ont atteint leur taille adulte, ce qui leur confère « une dureté » et une résistance naturelle plus fortes aux agressions du mildiou. Ces observations sont le fruit de constats empiriques qui ne font pas l’unanimité au sein des viticulteurs et des techniciens. Néanmoins, le bon sens plaide en faveur des pratiques de ciblage de la protection sur les fractions de végétation les plus sensibles du palissage à partir du stade fermeture de la grappe. Les producteurs de Pineaux et de vins blancs secs sont les plus réceptifs à ces pratiques d’applications localisées, car c’est le moyen efficace de limiter les apports de cuivre dans les moûts. Les techniciens de la Chambre d’agriculture de la Charente sont en mesure d’apporter une réponse à ces interrogations autour des pratiques de réductions de doses de cuivre utilisées à partir du stade fermeture de la grappe.
Un banc d’essais « cuivre » entre 2000 et 2004
A la demande de l’association Vitibio, les techniciens ont conduit pendant quatre ans des expérimentations sur l’utilisation des produits cupriques à partir du millésime 2000, une année à très forte pression de mildiou. Le souhait des viticulteurs bio dans la région délimitée était à l’époque de mesurer l’efficacité de différents produits cuprique en intégrant un objectif d’apport maximum de 4000 g de cuivre métal/ha/an, d’évaluer l’efficacité de produits alternatifs et de tester des stratégies de traitements raisonnées en fonction des données de la modélisation. Ces essais ont été mis en place et suivis par les deux techniciens viticoles Jean-François Allard et Yoann Lefèbre, de la Chambre d’agriculture de Charente. L’expérimentation s’est déroulée à Bréville (chez M. Rousteaux) sur un site extrêmement sensible au mildiou. Les enseignements qui en ont été retirés sont nombreux et susceptibles d’alimenter les réflexions sur les réductions de doses pendant la période estivale. L’autre intérêt de cette étude est qu’elle a été conduite sur le même site pendant quatre années successives en présence d’épidémies bien différentes et avec des objectifs évolutifs. 2000 a été un millésime à mildiou de référence, 2001 l’apparition de la maladie est intervenue de façon plus tardive à la mi-juillet (avec des dégâts de Rot brun), 2002 a été propice à des attaques de fin de saison (mildiou mosaïque) entraînant une défoliation des sommets de végétation et 2003 aura été sur ce site une année de pression assez forte en milieu de saison suite à un très fort orage de 92 mm à la mi-juillet. Les niveaux d’infestation dans les témoins de l’essai attestent de l’intensité du mildiou dans cet essai petites parcelles au cours de ces quatre années.
2000, le millésime idéal pour tester les réductions de dose de produits cupriques
Le millésime 2000 a été très intéressant car l’épidémie de mildiou avait été à la fois précoce et d’une agressivité très forte jusqu’à la mi-juillet. Les conditions climatiques très pluvieuses du printemps avaient été propices aux contaminations dès les premiers jours de mai au moment du débourrement. Ensuite de fréquentes pluies jusqu’à la fin juin avaient permis au mildiou de faire preuve d’une forte capacité de nuisance. Beaucoup de stratégies de traitements avaient été malmenées par le parasite et les échecs de protection avaient été nombreux. Pour les techniciens, un tel contexte s’est avéré idéal pour la conduite d’expérimentation produits. Lors de ce cycle végétatif, l’objectif de l’expérimentation de la Chambre d’agriculture de Charente était d’évaluer l’efficacité de différents programmes de traitements utilisant uniquement des spécialités à la dose réduite de 4 000 g de cuivre métal sur l’ensemble de la saison comparée à la dose pleine de 7 000 g de cuivre métal. Le tableau et les graphiques dessouss présentent les différents programmes testés et les résultats d’efficacité.
La stratégie de traitements pour la modalité de référence (n° 1), la Bouillie Bordelaise RSR utilisée à 7 000 g de cuivre métal sur l’ensemble de la saison a été abordée en augmentant progressivement les doses de cuivre des 9 applications en fonction du développement végétatif (2,2 kg/ha, 3 kg/ha, 4 kg/ha et 5 kg/ha). L’ensemble des autres modalités ont été conduites en appliquant 9 traitements à la dose constante de 440 g de cuivre métal par hectare.
Au vu des résultats, les techniciens ont observé que toutes les stratégies de traitements utilisant un apport global de cuivre métal de 4 000 g sur l’ensemble de la saison avaient une efficacité sur feuilles et grappes équivalente à la référence à dose pleine.
L’ensemble des modalités ont été en mesure d’assurer la maturation de la récolte dans de bonnes conditions et les sarments à la fin de l’automne étaient parfaitement aoûtés. Ce résultat a une valeur importante en raison du contexte de pression mildiou de l’année 2000 où la récolte dans les témoins était détruite à pratiquement à 100 %. Yoann Lefèbre, le technicien de la Chambre d’agriculture de la Charente estime qu’avec le recul que le fait d’avoir appliqué une dose constante de cuivre dès le départ a été un gage de réussite pour l’ensemble des programmes. Les années suivantes, la stratégie de réduction de dose à 4 000 g de cuivre métal/ha/an a continué d’être testée avec toujours une cadence d’application à dose constante du débourrement à la maturation. Le graphique ci-dessous présente les niveaux d’efficacité obtenus pendant les quatre années d’utilisation de la Bouillie Bordelaise à dose réduite.
L’arrêt de protection des grappes en fin de saison validé
En 2003, le site expérimental de Bréville a été soumis à une pression de mildiou de fin de saison assez virulente en raison de fortes pluies à la mi-juillet (92 mm) qui ont provoqué une montée en puissance rapide de la maladie dans les témoins. Les techniciens avaient mis en place cette année-là un essai de stratégie de traitement pour comparer une application sur l’ensemble du palissage à des pulvérisations ciblées sur la végétation située au-dessus de la zone fructifère. Ces stratégies d’arrêt de protection des grappes ont commencé à la nouaison dans un bloc et à la fermeture de la grappe dans le second. Lors de ces traitements, les doses de cuivre apportées ont été réduites dans une proportion de 28 %, un taux qui correspondait à peu près à la surface de végétation non protégée sur l’ensemble du palissage.
Dans les témoins, les taux de destruction à la fin juillet atteignaient 56 % au niveau des feuilles et 22,7 % sur les grappes. Le cycle végétatif très précoce de l’année 2003 avait permis d’atteindre le stade nouaison le 25 juin et la fermeture de la grappe le 4 juillet. Les notations d’efficacité pour la modalité arrêt à la fermeture de la grappe étaient pratiquement équivalentes à celle du traitement généralisé. Seule la modalité arrêt à la nouaison décroche très légèrement au niveau des attaques sur grappes. Les techniciens estiment que dans le contexte du vignoble charentais, l’arrêt de la protection au niveau des grappes à partir du stade fermeture de la grappe est une pratique qui ne présente aucun risque vis-à-vis des pressions parasitaires de fin de saison.
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