Prévention Des Carences De La Vigne

28 mars 2009

La Rédaction

Les besoins de la vigne en éléments minéraux sont considérés faibles à modérés. Les risques de carences en viticulture sont ainsi plus limités qu’en culture annuelle intensive. Cependant, comme pour toute plante, l’absorption insuffisante d’un élément peut conduire à une baisse de rendement et à un affaiblissement voire une mortalité des souches. La qualité des raisins et donc du vin peut également être fortement altérée.

 

LES OUTILS PERMETTANT DE LIMITER L’APPARITION DE CARENCES

Le viticulteur dispose de plusieurs outils pour estimer la fertilité du sol et ainsi prévenir l’apparition de carences. Ces outils sont notamment l’analyse de sol et le diagnostic pétiolaire. Cependant, l’observation de terrain peut jouer également un rôle important et permettre d’éviter de nombreuses erreurs agronomiques conduisant à un risque accru d’occurrence des carences.

Les observations de terrain

l L’observation pédologique

L’examen du sol par la réalisation de sondages au moyen d’une tarière ou de fosses pédologiques apporte de nombreuses informations pouvant aider à l’amélioration du rapport sol/plante. Cet audit est particulièrement intéressant avant plantation :

– Aide à la décision sur l’opportunité d’un drainage : la réalisation d’un profil de sol permet de définir la qualité du drainage vis-à-vis de l’eau, la profondeur d’apparition d’un horizon plus ou moins asphyxiant, les origines des éventuelles nappes et donc l’opportunité et les modalités de la réalisation d’un drainage.

– Adaptation du matériel végétal aux conditions du milieu en fonction des risques de sécheresse ou d’humidité, de la vigueur induite, des risques de chlorose…

– Adaptation des méthodes d’entretien et de travail du sol : intérêt d’un enherbement ou d’un décompactage par exemple sur la colonisation racinaire du sol.

– Aide au raisonnement de la fertilisation : la profondeur de sol, la charge en cailloux, l’épaisseur de l’horizon organique superficiel, la distribution racinaire sont autant de paramètres pouvant être utilement exploités pour le calcul des bilans d’éléments fertilisants et l’adaptation de la fertilisation.

– Connaissance de l’hétérogénéité parcellaire.

l L’observation au vignoble

L’examen du sol doit être complété par l’observation de l’état et du comportement de la vigne. En effet, sans parler de l’intérêt du repérage précoce des symptômes de carences, il est connu qu’une vigueur et/ou une charge excessive peuvent augmenter les risques de carences en diminuant l’accumulation des réserves dans les racines.

De même, la connaissance de la climatologie d’un millésime est intéressante sur la prévision des risques d’apparition de certaines carences pour le millésime suivant.

Les indicateurs analytiques

A côté de l’observation de terrain, le viticulteur dispose de 3 principaux indicateurs analytiques : l’analyse de sol, le diagnostic pétiolaire et l’analyse de moût.

Ces indicateurs sont d’autant plus fiables que l’échantillonnage est mieux raisonné. Le sol, les feuilles ou les baies doivent ainsi être prélevés sur une zone représentative de la parcelle. Dans le cadre d’un suivi, l’idéal est de repérer et de marquer de façon pérenne, pour chaque parcelle, 1 ou 2 rangs caractéristiques. En revenant toujours sur ces rangs, les contrôles gagnent en fiabilité et il est alors possible de réaliser des évolutions pluriannuelles ou de comparer plusieurs diagnostics de nutrition.

l L’analyse de sol

Prélèvement : une quinzaine de carottes (0-30 cm) par échantillon

Réalisée avant plantation ou sur vigne en place, l’analyse de sol permet d’évaluer la disponibilité du sol en éléments nutritifs et de déterminer la fumure à envisager. Une analyse de sol tous les 5 ans permet de bien connaître le fonctionnement du sol de la parcelle et l’efficacité des apports réalisés.

Toutefois, connaître la quantité d’éléments disponibles dans le sol ne suffit pas pour déterminer ce qui est réellement assimilé par la vigne. L’absorption est très variable selon l’état du sol (humidité, sécheresse, compacité…) et l’enracinement (profondeur, texture du sol…).

l L’analyse pétiolaire

Prélèvement : une centaine de pétioles par échantillon

Le diagnostic pétiolaire permet de connaître ce qui est réellement absorbé par la vigne.

L’époque de prélèvement à privilégier est à mi-véraison. En effet, l’alimentation de la vigne et donc la composition des pétioles évolue au cours du temps. Or, c’est à la véraison que les normes sont généralement les plus fiables. Un contrôle de l’adéquation de la fertilisation annuelle en éléments minéraux (fumure minérale + éléments minéraux des fumures organiques) peut être préconisé tous les 2 ou 3 ans. L’analyse pétiolaire est la solution la plus performante pour porter un jugement sur le niveau de nutrition de la vigne en éléments nutritifs et prévoir en particulier les risques de carences, en potasse, magnésie, manganèse et bore, avant apparition de symptômes sur vigne. Elle présente également tout son intérêt pour le phosphore puisque la vigne n’extériorise pas de symptômes en cas d’alimentation insuffisante en cet élément. Toutefois, l’analyse de sol reste indispensable pour déterminer les doses d’engrais à apporter en fonction de la texture du sol et de sa capacité d’échange cationique.

l L’analyse des baies

Prélèvement : 200 baies par échantillon

Concernant le raisonnement de la fertilisation, l’analyse de baies est sans doute l’un des meilleurs indicateurs d’une éventuelle carence en azote de la vigne. Plusieurs formes d’azote sont dosables dans le jus de raisin. La forme la plus couramment mesurée par les laboratoires d’œnologie est l’azote assimilable par les levures (azote ammoniacal : NH4 + azote aminé : N des acides aminés). L’azote assimilable représente 40 à 60 % de l’azote total.

Certaines précautions doivent néanmoins être prises lors de l’interprétation de cet indice. Une vigne bien alimentée en azote peut par exemple présenter des moûts carencés si les rendements sont excessifs, par simple phénomène de dilution.

Les méthodologies générales de correction des carences

vignes.jpgD’un point de vue général, on peut distinguer 3 méthodes principales de correction.

l L’apport de fumure au sol

La correction durable d’une carence passe généralement par l’apport au sol d’une fumure de correction. Les doses et les dates d’apports doivent être raisonnées en fonction de l’importance des déficits observés et des types de sol. Lorsque les déficits sont trop importants, les corrections seront réalisées sur plusieurs années. On peut retenir les ordres de grandeurs suivants concernant les doses maximales à apporter en une seule fois sur vignes en place (en kg/ha) : N : 50 – 60

K2O : 150 (sol sableux) – 300 (argileux)

MgO : 150 (sol sableux) – 250 (argileux)

Il est important de ne pas surestimer les corrections pour ne pas créer des déséquilibres. Dans le cas d’une carence en azote, un apport trop important sera préjudiciable à la qualité du raisin. Pour une carence en potasse en sol sableux, un apport excessif peut engendrer une carence en magnésie compte tenu de l’antagonisme existant entre ces 2 éléments. De même, un apport de plus de 5 à 10 kg de bore destiné à corriger une carence peut créer une toxicité qui, contrairement à la carence, sera difficilement réversible.

L’apport d’amendements calciques permettant de relever le pH en sol acide, d’améliorer les conditions de minéralisation et de favoriser l’assimilation des éléments minéraux peut diminuer sensiblement le risque d’apparition de carences. De même, l’apport d’amendements organiques est généralement favorable au bon fonctionnement du sol. L’utilisation de la matière organique pour traiter une carence n’est cependant pas conseillée (excepté pour l’azote) compte tenu de l’incertitude entourant la minéralisation.

l La fertilisation foliaire

La fertilisation foliaire ne peut être envisagée que comme un complément des apports au sol, en particulier lorsque les conditions particulières du terrain, de l’enracinement ou de concurrences peuvent entraîner une déficience de l’absorption racinaire. Dans le cas de carences légères, les pulvérisations foliaires permettent de maintenir le feuillage et l’assimilation chlorophyllienne de façon à assurer la qualité de la récolte. La fertilisation foliaire peut également être utile en attendant que l’effet des apports au sol soit perceptible. Ceci peut prendre plusieurs années, notamment dans le cas des sols lourds à fort pouvoir tampon.

Pour des carences particulières comme celle en manganèse, qui est généralement une carence induite, les pulvérisations foliaires peuvent être plus efficaces que les apports au sol. De même, les carences en oligo-éléments, demandant des quantités relativement faibles, peuvent être réduites par de simples apports foliaires.

l L’amélioration du rapport sol/plante

A côté de l’apport d’éléments minéraux, il ne faut pas oublier l’intérêt de l’amélioration de la conduite du vignoble en l’adaptant aux contraintes spécifiques à chaque carence :

– Réaliser un décompactage en sol tassé pour favoriser l’aération du sol, la minéralisation de la matière organique et la prospection racinaire en profondeur.

– Eviter le travail du sol en terrain calcaire après un printemps humide s’il y a risque de chlorose ferrique.

– Limiter la vigueur par l’enherbement.

– Supprimer l’enherbement en situation de carence azotée ou de sécheresse excessive.

– Planter ou complanter avec des porte-greffes plus adaptés aux contraintes du milieu.

– Limiter la charge en cas d’excès.

– Augmenter la surface foliaire…

Les particularités du millésime 2005

La fin du millésime 2004 (novembre-décembre) et le millésime 2005 (jusqu’au mois d’août) sont caractérisés par une faible pluviométrie. Si la vigne est, à juste titre, réputée résistante à la sécheresse, le manque d’eau a pu localement être préjudiciable, notamment pour les jeunes vignes ne bénéficiant pas encore d’un enracinement suffisamment profond. Les 40 premiers centimètres de sol se sont en effet desséchés très tôt dans la saison. Or, c’est à ce niveau que se trouve l’essentiel de la matière organique, de la vie microbienne et donc de la minéralisation. La minéralisation y est ainsi fortement perturbée en condition de sécheresse. C’est également dans cet horizon que se rencontre la majorité des racines de la vigne. Rappelons à ce propos que si la plante est en mesure de prélever une partie des éléments minéraux fixés sur le complexe argilo-humique ou même combinés à des minéraux sous forme insoluble, la majeure partie de l’absorption correspond à des ions dissous dans le flux d’eau absorbé par les poils absorbants des racines. Ainsi, même si à proximité des racines, les exsudats racinaires vont aider à la dissolution des éléments minéraux, l’alimentation minérale est fortement diminuée dans un sol sec. On peut également noter qu’en situation de sécheresse, de nombreuses racines peuvent mourir, ce qui peut limiter la prospection racinaire lors du cycle suivant (en 2006).

La nutrition repose donc sur un système racinaire efficace, mais également sur un flux hydrique suffisant.

Azote : Les particularités du millésime 2005 n’ont pas trop perturbé l’alimentation azotée cette année. La diminution de vigueur semble avoir en effet compensé la plus faible absorption. Il est en revanche possible que l’on observe un arrière-effet sur 2006.

Phosphore : Le suivi pluriannuel des analyses pétiolaires montre une alimentation plus faible en phosphore en 2005. Cette sous-alimentation peut être expliquée par la localisation préférentiellement en surface de cet élément.

Potassium : Pour les mêmes raisons que le phosphore, on observe de nombreuses carences en potassium cette année. Certaines situations se sont révélées suffisamment critiques pour nécessité de « faire tomber » les raisins, notamment sur les jeunes vignes ne bénéficiant pas d’un enracinement en profondeur. Rappelons également qu’une carence en potassium diminue la résistance de la vigne à la sécheresse.

Dans nos essais nous avons pu constater qu’en absence de fertilisation, notamment en sol sableux, la teneur en K pétiolaire peut être divisée par 2 en une dizaine d’années seulement. S’il y a eu des abus d’apports potassiques il y a quelques années, il est donc important de ne pas tomber dans l’excès inverse de la non-fertilisation.

Magnésium : Les carences en magnésie vues en 2005 ne sont généralement pas la conséquence du climat particulier de l’année. L’absorption a même globalement été supérieure en raison d’une moindre concurrence potassique. Les carences magnésiennes résultent plus d’un problème chronique de non-apport (ou sous-apport). Compte tenu des caractéristiques du millésime, les parcelles ayant exprimé des symptômes de carences en magnésie en 2005 risquent, compte tenu de l’antagonisme K/Mg, d’être encore plus touchées l’année prochaine si le climat est moins sec.

Manganèse : Comme pour le magnésium, les carences observées en 2005 sont plus liées à l’accumulation d’années sans apports (diminution d’emploi de spécialités phytosanitaires contenant du mancozèbe) qu’à la sécheresse du millésime.

Chlorose ferrique : Des phénomènes étonnant de chlorose ferrique ont été observés en 2005. Certaines parcelles perçues comme non sensibles ont même présenté des symptômes cette année. Les chloroses d’années sèches sont en effet moins connues que celles d’années humides qui résultent d’une dissolution des carbonates. Lorsque les horizons chlorosants sont localisés uniquement en profondeur, la parcelle n’extériorise généralement pas de symptômes. En revanche, en année sèche, l’alimentation hydrique et minérale ayant lieu plus en profondeur, des chloroses peuvent apparaître. En 2005, des carences vraies (manque de fer) ont pu également être notées sur certaines parcelles non calcaires du Médoc et des Graves.

CONCLUSION

La prévention des carences est fortement recommandée car, une fois installées, la correction peut se révéler parfois difficile. Il existe de nombreux outils permettant de prévenir les carences minérales sur vigne. Les plus connus sont bien sûr les analyses de sol et les analyses foliaires. Les observations de terrain, du sol, de la végétation et du climat ne doivent cependant pas être oubliées. Ces dernières peuvent en effet permettre de fortement limiter l’apparition des carences en adaptant au mieux la conduite du vignoble aux contraintes du terroir. Lorsqu’une carence apparaît au vignoble, malgré les diverses précautions pouvant être prises, la fertilisation foliaire peut être efficace pour réduire momentanément les effets ; cependant, la correction durable passe généralement par une correction au sol.

Attention, l’excès d’absorption d’éléments minéraux par une sur-fertilisation où en raison des caractéristiques du sol peut être, tout comme l’excès d’eau, au moins autant préjudiciable à la qualité qu’une sous-alimentation.

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