Un silence qui fait du bruit… La campagne démarre et, à de trop rares exceptions près, c’est « silence radio » sur les prix. Les négociants « n’annoncent pas la couleur ». Alors qu’il entame ses réunions d’hiver, le SGV Cognac s’interroge sur la signification de cette omerta sur les conditions d’achat. Il en appelle à plus de transparence et de lisibilité.
Le SGV Cognac a tenu un point presse le 15 novembre dernier. Objet : évoquer l’augmentation du prix du gaz et tout le travail collectif d’information accompli par le syndicat pour placer ses mandants en position de mieux négocier individuellement. En deuxième rideau mais tout est lié, il s’agissait pour le nouveau président Jean-Bernard de Larquier d’aborder l’un des problèmes récurrents de cette région, l’écart qui se creuse entre des charges en hausse constante et des prix d’achat qui n’évoluent pas, voire baissent en francs constants. Des chiffres furent cités, éloquents. En cinq ans, le prix du gaz a doublé. Alors qu’en 2000, pour distiller un hl d’AP, la note de gaz s’élevait à 15-16 €, elle est passée aujourd’hui en moyenne à 35 € (25 % de hausse l’an dernier, 14 % cette année). Un poste qui devient sensible quand on sait que la dépense de gaz représente entre 20 et 40 % du coût de la distillation chez le bouilleur de cru. Le fioul n’a pas baissé non plus (+ 85 % entre 2001 et 2005), sans parler des charges sociales qui ont progressé de 25 % sur la même période. Pendant ce temps, comment se comportaient les prix des vins Cognac ? Pour ne considérer que les prix des vins Fins Bois cités comme référence par le président du SGV, ils ont perdu en francs constants 20 % en cinq ans (637 € en 2000 contre 509 € en 2005 – statistiques du BNIC). Pour J.-B. de Larquier, dans l’approche « revenu » du viticulteur, il est inconcevable de faire abstraction du prix pour se focaliser uniquement sur le volume. « Nous sommes payés pour savoir que le Cognac fonctionne par cycle et que les basses eaux reviendront. Que se passera-t-il alors si nous n’avons pas défendu nos prix ! Les ventes de Cognac se développent mais ce n’est pas une raison pour éluder le sujet des prix. Les négociants de Cognac ne baissent pas leurs tarifs de 10 ou 15 % lorsqu’ils vendent 300 ou 400 000 caisses de plus. » Le président du Syndicat des vignerons s’interroge sur les motifs qui poussent les négociants à faire preuve d’une telle discrétion en matière de prix. « Observent-ils leurs petits camarades sans vouloir se dévoiler en premier ? Ont-ils l’intention de diminuer les prix sans oser l’annoncer ? Ou envisagent-ils une hausse tellement ridicule qu’ils ne sont pas pressés de le dire ? » A ce manque de communication, le syndicaliste viticole ajoute le défaut de transparence et de lisibilité chez la majorité des négociants. « Car avant même de parler prix, il convient d’éclaircir les bases, de lever le flou existant. Des prix ”vitrines” cachent trop souvent une autre réalité, moins enviable. » Le représentant viticole rappelle que son syndicat a fait preuve d’esprit d’ouverture et de dialogue ; qu’il a privilégié une vision long terme, dans le souci de structurer durablement et de manière objective la filière. « Cependant, précise-t-il, ce ne fut pas toujours avec l’accord et l’assentiment de l’ensemble de nos mandants. A attendre trop longtemps un juste retour, la patience pourraient s’émousser. » Et de poursuivre dans la même veine : « Si les actions chocs ne sont pas “le genre de la maison”, la maison peut être capable d’y céder si on la pousse dans ses retranchements. Nous avons été tolérants mais nous n’avons jamais dit que nous le serions éternellement. Quand la négociation se solde par une progression répétée de la QNV sans s’accompagner d’une évolution de prix, ce n’est plus une négociation, c’est un diktat ! Nous souhaitons nouer un autre type de relations avec nos partenaires négociants, afin de redonner un peu d’espoir et de visibilité à cette région. Une revalorisation régulière des prix doit pouvoir s’appliquer, afin de compenser non seulement l’inflation mais aussi une partie de la hausse des charges. Les viticulteurs de cette région ne sont pas des idéalistes. Ils savent que la force commerciale l’emportera toujours sur le secteur de la production. Mais ils savent aussi que pour le Cognac, l’un des spiritueux le plus cher au monde, la notoriété joue un grand rôle. Que resterait-il de cette notoriété si l’on coupait tous les pieds de vignes ? Je sais que dans cette région, quand un viticulteur trébuche, son voisin a l’impression de mieux se porter. Mais ne croyez pas que dix viticulteurs pourront rester à bien vendre au milieu de mille qui meurent. C’est contre cette dérive individualiste que le SGV se bat. Apprenons à travailler ensemble ! »
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