L’unité de vinification de l’ACV à Segonzac a été conçue à la fois d’une manière simple, rationnelle et avec des approches innovantes au niveau du traitement de la vendange. A l’issue de ces premières vendanges, l’outil technologique semble avoir pleinement donné satisfaction car les efforts de conduite du vignoble se retrouvent dans la qualité du millésime 2002. La jeunesse du vignoble ne se perçoit pas dans l’équilibre des vins qui sont à la fois fruités et concentrés. Le nouveau vendangeoir de l’ACV a permis de tirer le meilleur profit de raisins arrivés à pleine maturité.
Les responsables de l’ACV se sont délibérément engagés depuis le départ dans une démarche de production de vins de qualité extériorisant pleinement la complémentarité cépages-terroir. Les études pédologiques et climatologiques ont permis de conforter des potentialités culturales très favorables à la production de vins rouges de qualité dans le cœur du vignoble charentais. Dans notre région, les très belles arrière-saisons représentent un contexte favorable pour la maturation des Merlot et des Cabernet sauvignon, et durant la période 15 août-15 octobre, l’association de faibles précipitations et de niveaux d’amplitudes thermiques quotidiennes raisonnables est propice à la synthèse des anthocyanes. L’implantation des parcelles (situation de coteaux et densité minimum de 4 000 ceps/ha), leur conduite avec des méthodes qualitatives (taille raisonnée, rendement de 50 à 60 hl/ha, aération des grappes, effeuillage…), leur identification en matière de qualité et de traçabilité (repérage par GPS et intégration dans un logiciel de suivi parcellaire) et leur récolte manuelle, ne pouvaient déboucher que sur une approche de la conduite des vinifications respectant les lots de vendange selon leur qualité et leur origine de terroir.
La production de vins du domaine du Grollet a été « le laboratoire qualitatif de l’ACV
Le Domaine du Grollet à Saint-Même-les-Carrières a été en quelque sorte « le laboratoire » de la coopérative puisque les vinifications des premières productions de Merlot et de cabernet Sauvignon ont été conduites à partir de parcelles surgreffées dès 1997. Le développement d’une production de vins rouges de qualité au Domaine Grollet atteste, d’une part, de l’implication indirecte mais déterminée de la société Rémy Martin dans ce projet de diversification ambitieux et, d’autre part, de la faisabilité technique et économique du développement d’une production de vins de terroirs au cœur du vignoble de Cognac. L’implication de M. Bernard Vessot, le responsable des vignobles Rémy Martin au niveau de la transformation rapide du vignoble du Grollet et de M. Pierre Delair, l’œnologue expérimenté de la société Rémy Martin, s’est concrétisée par une production de vins qualitative qui, en trois ans, a trouvé sa place sur le marché à des niveaux de prix assez porteurs. M. Pierre Delair, de la société Rémy Martin, a été détaché par son entreprise pendant plus de trois ans pour participer aux réflexions stratégiques et par la suite à la mise en place des structures de l’ACV. De par son expérience de vinificateur et sa connaissance du marché des vins, il s’est beaucoup investi dans ce projet en ayant comme préoccupation principale de sensibiliser les producteurs à la cohérence globale d’une démarche vin de qualité, dans l’implantation des vignes, au niveau de leur conduite, pour la réussite des vinifications et le positionnement marketing et commercial des vins. La qualité des productions du Domaine du Grollet a d’ailleurs convaincu M. P. Delair que la démarche de production de vins de qualité de l’ACV pouvait se construire sur une base qualitative « de réactions des cépages au terroir ». L’objectif de production de l’ACV est d’élaborer des vins ayant une typicité affirmée par la relation cépage-terroir et ce positionnement technique est important au niveau de l’argumentation commerciale et du positionnement de ces nouveaux produits sur le marché.
140 ha de vignes vendangées à la main
La nouvelle cave de Segonzac a traité en 2002 la production de 140 ha de cépages rouges (essentiellement du Merlot et du Cabernet Sauvignon) provenant des îlots de terroirs différents. L’objectif était de réaliser des vinifications sélectives dans des cuves de petites capacités en portant une attention particulière aux aspects préfermentaires pour tirer le meilleur profit de la vendange manuelle. Au cours des vendanges 2001, des essais de vinifications comparatifs entre des vins issus de vendanges manuelles et des vendanges mécaniques s’étaient révélés significativement moins favorables pour ces derniers. Les vins issus de la récolte mécanique libéraient des volumes de jus de goutte moindres, avaient une certaine difficulté à se clarifier et, sur le plan gustatif, ils extériorisaient une dureté plus marquée (liée à la jeunesse des plantations). Le choix de la vendange manuelle s’intègre dans la philosophie qualitative générale de l’ACV et M. P. Delair est, à l’issue de la récolte 2002, complètement convaincu du bien-fondé de ce choix : « Vendanger à la main, c’est un atout qualitatif indéniable compte tenu de la distance entre certaines parcelles et la cave. Le raisin entier ne s’abîme même après une heure de transport et le fait de mettre en cuve une vendange non triturée et parfaitement propre contribue à renforcer la typicité des vins. Par ailleurs, c’est un moyen supplémentaire pour les viticulteurs de bien apprécier que l’engagement de la filière vin rouge de qualité s’apparente à une véritable mutation d’état d’esprit où la main de l’homme est déterminante. Enfin, la vendange manuelle est un atout marketing supplémentaire pour une production nouvelle dont le positionnement prix est volontairement assez élevé. » Cette année, 99 % des volumes collectés par la cave ont été récoltés à la main et, qualitativement, les quelques bennes vendangées à la machine ont été vinifiées à part et, à l’issue des cuvaisons, les différences de qualité des vins étaient significatives. C’est la cave qui a pris en charge l’organisation des chantiers de récolte manuelle en assurant le recrutement et l’organisation des chantiers en fonction de l’état d’avancement de la maturité des parcelles. Plus de 150 vendangeurs ont travaillé pendant trois semaines.
Un système de transfert de la vendange par gravité avec des cuvons de 750 l
La conception de la cave a été étudiée pour créer des conditions optimales dans la conduite des opérations préfermentaires car c’est durant cette étape de la vinification que le caractère fruité et la souplesse des vins s’extériorisent au pas. Le fait de vendanger à la main a incité les responsables de l’ACV à imaginer de supprimer les grosses pompes et les tuyauteries de remplissage des cuves qui, de par leur longueur et leur complexité, accentuent les risques de trituration et contribuent à amplifier l’extraction de composés extériorisant des arômes et des saveurs herbacées dans les vins. L’utilisation d’un système de remplissage des cuves par simple gravité avec des cuvons de petites capacités est une idée qui a fait son chemin dans l’esprit des responsables de l’ACV après qu’ils aient visité le Château Malartic La Gravière. L’Union de producteurs à Saint-Emilion s’est aussi équipée d’un système de transfert de la vendange par petits cuvons dans sa nouvelle unité de vinification. La réception de la vendange est effectuée dans un seul conquet où chaque benne de vendange est traitée et identifiée individuellement. La vendange, aussitôt après avoir été éraflée, est pompée au niveau du sol dans des petits cuvons inox de 750 l à fond conique dont la base est équipée d’une vanne papillon de 150 mm. Un treuil électrique permet de monter chaque cuvon sur les passerelles au-dessus des cuves et, ensuite, ils sont déplacés par le même système sur un rail (fixé à la charpente) qui est positionné au-dessus de l’ensemble de la cuverie. Une fois arrivés au niveau de la cuve en cours de remplissage, les cuvons sont immobilisés au-dessus la cheminée et l’ouverture de la vanne papillons permet de vider la vendange en quelques secondes. Ils sont ensuite descendus au sol et lavés après chaque utilisation. Ce mode de transfert de la vendange permet de pouvoir parfaitement respecter les démarches de vinification sélectives par îlot de terroir homogène et en fonction de la qualité de la vendange. Les lots de vendanges présentant un potentiel de qualité moindre ou insuffisant peuvent être immédiatement isolés et traités de manière spécifique. L’entretien et le maintien d’une parfaite hygiène au niveau des équipements de réception et de transfert de la vendange est très facile à maîtriser, ce qui constitue un avantage indéniable pour la conduite des macérations préfermentaires à froid.
Une démarche de traçabilité globale de la vigne à la mise en bouteille
Une démarche de traçabilité globale (au niveau de l’organisation de la production de raisins et de la conduite des vinifications) a été mise en place en utilisant des moyens technologiques modernes. L’ensemble des parcelles a été repéré par GPS et les données sont intégrées dans le logiciel Lavilog 6 cartographie pour les aspects viticoles et Lavilog cuverie pour la phase d’élaboration des vins. Les efforts réalisés par les viticulteurs pour obtenir une récolte de qualité homogène dans leurs parcelles sont donc parfaitement identifiés ainsi que le devenir des productions durant les phases de vinification et d’élevage des vins. Il est possible pour les trois qualités commerciales de vins de terroirs (vins sur calcaire de Segonzac, vins de Val de Graves, vins sur terres de groies de Mérignac et, dans l’avenir, une quatrième zone sur le secteur de Barbezieux) de connaître les caractéristiques de production de l’ensemble des parcelles et toutes les interventions œnologiques qui ont été mises en œuvre. L’autre intérêt de ces démarches de traçabilité est de créer un état d’esprit de solidarité dans les approches de conduites culturales entre les viticulteurs travaillant dans le même îlot de terroir.
Une cuverie de petite capacité pour réaliser des vinifications sélectives
La conduite des extractions phénoliques, de la fermentation alcoolique et des cuvaisons est effectuée dans un état d’esprit assez traditionnel mais complètement en phase avec les attentes du marché. Le jeune maître de chai, M. Laurent Lespinasse, nous expliquait que son premier objectif était d’extraire la typicité terroir sans rechercher des extractions tanniques trop poussées : « Nous cherchons à obtenir des vins conciliant fruit et structure en réalisant des macérations préfermentaires à froid et des cuvaisons de 15 à 20 jours maximum pour obtenir des tannins souples. Notre objectif est d’élaborer des vins modernes concentrés mais qui se goûtent bien 12 mois après leur vinification et se bonifient dans les 5 ans qui suivent. » La cuverie qui a volontairement été choisie de petite capacité (150 hl) est dimensionnée pour mettre en cuve environ la production de 2 ha de vignes. Il est donc très facile d’établir un suivi qualitatif des îlots de terroir et d’observer l’incidence positive ou négative de certaines pratiques culturales. Le choix de cuve de petite capacité est aussi un avantage indéniable sur le plan des maîtrises thermiques qui sont beaucoup moins coûteuses à réguler sur de petits volumes. La première phase des vinifications, les macérations à froid, nécessitent des besoins en refroidissement alors qu’ensuite les montées en températures naturelles des cuves lors du déroulement de la fermentation alcoolique sont favorables aux extractions.
Un beau millésime 2002 sur le plan de la qualité
En cette fin du mois de novembre, la qualité du millésime 2002 s’annonce intéressante et ne pourra que se bonifier dans les mois qui viennent. Le jeune maître de chai de l’ACV est à la fois surpris par le niveau qualitatif et l’homogénéité qualitative des 4 500 hl de la récolte. Les choix technologiques au niveau de la cave de Segonzac ont permis de sortir le meilleur des potentialités du terroir. Les jeunes parcelles ont permis d’élaborer des vins souples, équilibrés et bien structurés. Les vins de Merlot sont très colorés, équilibrés en bouche, une forte présence et de la longueur. La caractéristique du millésime 2002 réside dans un potentiel aromatique particulièrement intéressant avec des notes de fruits rouges très plaisantes. La belle surprise, c’est la richesse des Cabernet Sauvignon qui se singularisent par une structure tannique soyeuse et complexe. La climatologie tout à fait exceptionnelle des mois de septembre et d’octobre a favorisé une maturation au finish qui a littéralement gommé les pronostics pessimistes de début septembre. Les raisins se sont concentrés au fil des semaines et le phénomène a été particulièrement spectaculaire au niveau de la matière colorante qui n’a cessé de se bonifier. Cette maturation au finish n’a eu qu’un seul inconvénient, les volumes ont souvent chuté de manière spectaculaire. C’est au niveau des Merlot que les déceptions de rendements ont été les plus importantes car la coulure et le millerandage avaient déjà réduit le potentiel de production. La productivité des Cabernet Sauvignon n’a pas été exceptionnelle mais elle a atteint des niveaux plus corrects.
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