La protection agro-environnementale ou une histoire de patate chaude. Les textes existent mais ils ne sont pas vraiment activés. Les investissements sont lourds mais ne rapportent rien. Et pourtant, pourtant… chacun sent obscurément qu’un jour ou l’autre il faudra bien y venir. Si personne ne veut précéder le mouvement, beaucoup adoptent une attitude d’attentisme concerné.
En élevage où la mise aux normes n’est plus un projet mais une réalité, on se méfie par-dessous tout des « cathédrales », ces réalisations « trop belles, trop grosses, trop chères ». Si elles venaient à être prises comme références, elles pourraient se retourner contre une profession incapable, dans sa grande majorité, d’emboîter le pas. Un même sentiment anime la viticulture charentaise. Surtout ne pas accélérer le mouvement. Les obligations, administratives ou commerciales, viendront bien assez tôt. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne se sent pas concerné. Et que l’on ne s’y prépare pas, au moins mentalement. Pour être prêt le jour où… C’est ce dont témoigne bien un viticulteur, avec ses mots et ses non-dits (voir interview). Même écho de la part des techniciens concernés par le dossier (Station viticole du BNIC, Chambres d’agriculture…). A leur avis, la question de la gestion des effluents viticoles « ne suscite pas d’engouement général ». Ils confirment cette position d’attente chère à tous ceux qui, au quotidien, doivent faire des choix, dégager des priorités, trouver des compromis, faute de moyens pour faire face à tout. Ceci étant, les stages qui traitent des domaines agri-environnementaux font régulièrement le plein. Un paradoxe qui n’est que d’apparence. Car si la « mise aux normes » n’entraîne pas de retour sur investissement – les marchandises ne seront pas payées plus chères – cela ne signifie pas que le sujet soit dénué d’enjeux économiques et financiers. C’est bien sûr la question de l’accès au marché à terme. Mais c’est aussi celle des contrôles diligentés par l’Administration (effectifs dans le secteur élevage) ; ou encore le risque du « petit pépin environnemental », de la rivière qui subit une agression et pour laquelle on ira rechercher le pollueur avec, à la clé, enquête et amende. « C’est un sujet extrêmement délicat résume un observateur. Il revient à chacun d’apprécier, “en son âme et conscience”, le rapport gain/coûts. Pour l’instant les opérateurs n’ont pas encore trop mis la pression, s’étant plutôt focalisés sur l’aspect traçabilité. Qu’en sera-t-il demain ? » En tout cas, une évidence saute aux yeux des techniciens : les premiers viticulteurs à franchir le pas sont ceux qui ont déjà bien intégré la démarche traçabilité – HACCP.
L’obligation de ne pas polluer
En matière agri-environnementale et quel que soit le secteur d’activité – viticulture, élevage, grandes cultures, maraîchage… – tout tourne autour de la qualité de l’eau et donc des rejets. En la matière, une obligation générale s’impose, celle de ne pas polluer, c’est-à-dire de ne pas « déverser dans le milieu naturel des produits à caractère polluant susceptibles de modifier l’équilibre naturel » (loi sur l’eau du 3 janvier 1992). C’est sur cette base juridique que repose l’obligation de traiter ses effluents. Ensuite, il est d’usage de distinguer entre nature d’effluents – origine vinicole ou d’origine viticole – pour déterminer le mode de traitement le mieux adapté. Des réglementations spécifiques existent également, comme la réglementation des ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement) applicables aux distilleries ou aux chais ainsi que le RSD, le règlement sanitaire départemental. Mais ce corpus de texte est subordonné à la notion générale de non-pollution. D’où l’absence de seuil de déclenchement. Quelle que soit la dimension du chai ou de la distillerie, et contrairement à une idée reçue, la réglementation oblige de stocker puis de traiter les effluents, soit par épandage, soit par une autre méthode.
Les effluents de chai
Les effluents de chai concernent non seulement les eaux usées issues du nettoyage des cuves mais aussi de l’aire de lavage de la MAV et des bennes à vendanges. Par une série d’aménagements, le but consiste à canaliser ces eaux usées vers un point central de collecte (sol en pente, caniveaux) avant stockage et transfert vers un système de traitement. Que constate-t-on sur le terrain ? « Il reste encore beaucoup de choses à faire, note Bernard Galy, de la Station viticole du BNIC. Les chais ne sont pas aux normes, ne serait-ce qu’en terme d’aménagement intérieur pour récupérer les rejets. Les ateliers sont très dispersés : d’un côté le pressurage, de l’autre la vinification avec une aire de lavage souvent ailleurs. Dans ces conditions, il est très difficile de trouver un exutoire commun. Il n’y a pas de recette générale. C’est du cas par cas. Depuis un an et demi, nous sommes beaucoup interrogés par les viticulteurs sur ces aspects. » Gérald Ferrari, collègue de B. Galy, insiste sur la dimension temps. « L’idée n’est pas de se mettre aux normes du jour au lendemain mais de s’inscrire dans une démarche de progrès, en clair d’établir un plan d’amélioration et… de commencer. En étant sûr d’une chose : les exigences environnementales n’iront pas en diminuant. »
Les rejets viticoles
Les rejets viticoles concernent essentiellement les eaux de rinçage des pulvérisateurs. Aucun texte spécifique oblige expressément à traiter ces effluents. Mais même chose que précédemment. La loi sur l’eau du 3 janvier 1992 complétée par les règlements sanitaires départementaux (RSD) et la loi sur la police des eaux prévoient une interdiction générale « de déverser dans le milieu naturel des produits à caractère polluant susceptibles de modifier l’équilibre naturel ». En matière de rejets viticoles, si rien n’est dit sur les moyens à mettre en œuvre, les « bonnes pratiques » mettent l’accent sur le traitement amont, c’est-à-dire le rinçage à la parcelle plutôt que sur l’aire de lavage. Condition sine qua non : être équipé d’un réservoir d’eau claire embarqué, pour pouvoir diluer le fond de cuve au champ et l’épandre sur la parcelle. Mais reste toujours un volume mort de résidus phytosanitaire. Qu’en faire ? Jusqu’à maintenant la question restait sans réponse, sauf à reconstituer le niveau d’eau claire dans le pulvé, en attente de nouveaux traitements. Un arrêté interministériel qui devrait être déjà paru donne les grandes lignes du traitement des effluents viticoles. Après avoir rappelé l’intérêt du rinçage amont, il va surtout préciser en annexe les filières d’épuration aptes à traiter le volume mort du pulvérisateur ainsi que les résidus stockés en bout d’aire de lavage. Ces filières seront validées par l’INERIS (Institut national d’évaluation des risques). Parmi elles, sont cités les bio bacs dits encore « lits biologiques ». Le principe en est simple : les effluents sont aspergés sur un substrat constitué d’un mélange de terre et de paille, afin d’être dégradés par la microflore du sol.
Existe-t-il un lien entre ce que l’on peut appeler la « mise aux normes » – ce que recommande la loi – et les référentiels qualité type « agriculture raisonnée » ou norme 14001 ? Oui et non. Oui dans la mesure où l’adhésion à ces référentiels suppose de respecter les normes en vigueur. Parmi les nombreux points de contrôle, un certain nombre vise la mise en conformité avec la loi. Non dans la mesure où l’adhésion à ces référentiels s’inscrit dans une démarche totalement volontaire, sans aucun caractère obligatoire. C’est l’idée de « qui peut le plus peut le moins ». Toutes les entreprises qualifiées ou certifiées seront aux normes. Par contre, toutes les entreprises aux normes ne seront pas qualifiées ou certifiées.
0 commentaires