« Oui, le changement est possible »

18 mars 2009

La Rédaction

1027_6.jpegC’est la conclusion à laquelle aboutit le chargé de mission du ministre de l’Agriculture après un an d’études et de consultations sur la faisabilité du Plan d’avenir viticole. Ressortent du rapport Zonta, déposé sur le bureau du ministre fin juin, des notions connues et d’autres plus nouvelles. Au final, il s’agit d’un document complet, informatif, et engagé, qui a le mérite de répondre de manière précise aux questions posées. Il participe à la transparence du débat, dans une région qui envisage de prendre un virage à « 180° ».

Antony Zonta avait réservé sa première communication en public à la réunion d’avant-vendange organisée depuis trois ans par le SGV Cognac. Avancée pour cause de précocité, cette réunion s’est tenue à la Salamandre le jeudi 11 septembre. Y participèrent environ 250 viticulteurs, plus tout le staff administrativo-viticole des deux Charentes ainsi que la nouvelle sous-préfète de Cognac, très appréciée pour son aptitude à la concision et sa vélocité à s’immerger dans les dossiers. Quant à Antony Zonta, il a fait preuve d’un sens aigu de la pédagogie, ce qui, après tout, est assez normal de la part d’un ancien enseignant (dans une « autre vie », A. Zonta fut professeur de mathématiques au lycée agricole de Saintes, un professeur excellent, exigeant, voire redoutable). Ses analyses comme sa présentation ont fait fi de tout technocratisme.

L’idée pouvait surprendre. Elle a au contraire été appréciée par les auditeurs. Pour bien baliser le débat, A. Zonta a tenu à revenir sur le contexte historique du vignoble charentais. « Dis moi d’où tu viens, je te dirais où tu vas. » Ces quelques « arrêts sur images » ont permis au chargé de mission de pointer les particularismes du vignoble qui lui paraissait éclairants dans la problématique actuelle. D’abord, dit-il, « il s’agit du seul vignoble européen spécialisé dans la production d’alcool de vin » (avec l’Armagnac mais sur des chiffres beaucoup plus faibles, de l’ordre de 2 000 ha). A. Zonta parle à cet égard « d’un certain isolement européen, source d’incompréhension ». Cette impression, selon lui, est renforcée par le fait que le Cognac est une AOC mais une AOC particulière, pour au moins deux raisons : c’est le Cognac au sortir de l’alambic qui est AOC et non le vin, et, contrairement aux autres appellations, ce ne sont pas les parcelles qui sont délimitées mais la région. Ensuite s’applique au vignoble des Charentes la double fin. Une double fin qui existe depuis 1982 en région jaune d’or mais qui ne fut pas « inventée » ici. Recherches faites, le régime tirerait son origine d’Emilie-Romagne, en Italie, région productrice à la fois de vin de base et de raisin de table. Les Charentes adoptent le régime de la double fin alors que les plantations des années 70 déboulent sur le marché et que le vignoble s’hypertrophie à 110 000 ha. C’est la grande époque des récoltes records, avec un pic à 12 millions d’hl vol. (nous sommes redescendus depuis à 8 millions d’hl vol). « Avec la double fin, relate Antony Zonta, toutes les quantités produites trouvent un débouché » car non seulement la double fin, comme son nom l’indique, permet d’alimenter à la fois le marché du Cognac et celui du vin de bouche, mais encore elle ouvre droit à la distillation obligatoire payée (le fameux article 40 transformé depuis en article 28). A cette largesse communautaire répond un certain nombre de contraintes, notamment celles de respecter les règles édictées par l’officier payeur, le FEOGA. C’est là que Antony Zonta en arrive au fameux contrôle du Fonds européen en 2000, où l’on s’aperçoit que les Charentes ne respectent pas la QNV historique de 7,4 millions d’hl vol., calculée sur une période de référence allant de 1974 à 1979. En clair, la région délimitée devrait distiller tous les ans 7,4 millions d’hl vol. au Cognac pour « être dans les clous ». Au fil des crises de commercialisation, sa distillation s’est réduite (entre 6 et 6,5 millions d’hl), faisant progresser d’autant le chiffre des distillations aidées, suivant le bon vieux principe des vases communicants. Au nom du « trop payé », la Commission, organe exécutif de la Communauté, réclame à l’Etat membre, la France en l’occurrence, une amende d’un milliard de francs (soit le coût des distillations considérées comme excédentaires pendant dix ans). Emoi dans le landernau politico-administratif parisien. Les fonctionnaires du FEOGA n’ont pas la réputation d’être de petits plaisantins. Le ministère de l’Agriculture envoie ses meilleurs émissaires négocier avec Bruxelles et n’y réussit pas trop mal. La Commission accepte une dérogation à la QNV historique pour deux campagnes mais demande en contrepartie une réduction de la production. Ce sera le rendement agronomique. En août dernier, la Commission signe à nouveau pour un prolongement de la dérogation deux années supplémentaires mais promet que ce sera la dernière fois et assortit sa mansuétude d’une condition : « Faites-nous des propositions pour changer tout cela. »

Changer, oui, mais pour quoi ?

Changer, oui, mais pour quoi ? Pour un lifting de la double fin, plus respectueux des deniers de la Communauté (voir intervention de Jean-Marc Olivier en encadré) ou pour un changement de régime en profondeur avec abandon de la double fin ? Sa propre analyse mais aussi et surtout ses contacts avec la Commission (il a rencontré les fonctionnaires européens le 2 juin dernier), conduisent Antony Zonta à penser que la seconde solution est la bonne. La double fin a vécu. Cela tombe bien, c’est aussi l’opinion majoritaire de la profession, exprimée par le blanc seing de l’interprofession au Plan d’avenir viticole. Comme principal argument, le chargé de mission évoque le spectre de la « solitude » des Charentes. « Un certain nombre de pays dit-il se sont déjà étonnés qu’un régime spécial soit taillé aux dimensions d’un vignoble particulier et se traduise chaque année par une dépense de 100 millions de francs (coût estimé de la distillation obligatoire). Quand la nouvelle OCM sortira, les Charentes se retrouveront seules face à 25 pays. Plutôt d’attendre que le couperet tombe, je pense qu’il vaudrait mieux imaginer autre chose, surtout que la double fin a peut-être rencontré ses limites. Une analyse personnelle m’amène à penser qu’autant la double fin était adaptée quand la région écoulait 80 % de ses vins au Cognac (avec un delta de 20 % aux autres destinations), autant elle me semble moins pertinente aujourd’hui où le Cognac n’absorbe plus que 50 % de la récolte. J’ai le sentiment que l’on arrive au bout du régime de la double fin, à la fois au plan réglementaire mais aussi au plan politique, politique européenne s’entend. Ce régime devient de plus en plus difficile à défendre. »

La mission Zonta était chargée par le ministre de répondre à une question précise : est-il possible d’envisager une séparation du vignoble charentais en deux grandes parties : d’un côté un vignoble AOC, Cognac et Pineau, et de l’autre un vignoble destiné à la transformation (jus de raisin, vin de base mousseux…) ? La question revêtait plusieurs aspects. D’abord un aspect technique : valider la proposition professionnelle de juxtaposer les productions et non plus de les superposer, en trouvant une assise juridique aux deux vignobles. Et ensuite un aspect économique : étudier les conditions d’un déplafonnement des rendements sur la partie « autres débouchés », pour que ces productions de type industriel rencontrent leurs marchés. Ces sujets, novateurs par excellence, nécessitaient prises de contact, vérifications, expertises multiples. Ce sont à ses tâches que se sont attelées pendant un an et demi A. Zonta et son émissaire en région, Danièle Le Gall, en rencontrant tous les partenaires concernées (ministère, DGCCRF, ONIVINS, Europe…). Cette période a été ponctuée de quelques grandes étapes comme la remise du rapport écrit de la commission d’enquête INAO le 28 février ou le rendez-vous avec les fonctionnaires de la Commission européenne le 2 juin dernier. Au final, leur réponse est : « oui, c’est possible ». Voyons ce qui motive cet avis.

Une nouvelle base juridique

Encore aujourd’hui, c’est l’article 28 de l’OCM viti-vinicole (régime de la double fin) qui confère au vignoble de Cognac sa base juridique. A partir du moment où l’on sort de ce régime, que risque-t-il de se passer ? « En Europe, indique A. Zonta, il n’y a que deux autres catégories de vins, celle des VQPRD, traduite en France par les vins d’AOC et celle des vins de table. » Première question : pour sa partie Cognac, le vignoble des Charentes peut-il se couler dans le moule des VQPRD ? « Si le système des VQPRD accepte de reconnaître les spécificités charentaises, pourquoi pas ! Après tout, les règles des VQPRD sont des règles librement consenties par les acteurs. » C’est la notion de « page blanche » chère à Philippe Boujut. La commission d’enquête INAO s’est déplacée et elle a, semble-t-il, donner suffisamment de gages pour rassurer les esprits. « Le mérite de la commission d’enquête, note le chargé de mission, a été de faire comprendre à l’INAO qu’il fallait un peu révolutionner les pratiques pour les adapter au contexte charentais. » Ainsi ne parle-t-on pas d’identification parcellaire mais d’affectation parcellaire, ce qui n’est pas la même chose. Et, en matière de rendement, la commission a bien compris que le rendement pour faire un vin de qualité n’était pas le même que pour produire un Cognac de qualité. D’où la proposition d’inscrire 120 hl/ha comme rendement maximum de production. Jusque-là tout va bien. Où les choses commencent à prendre un tour plus délicat, c’est sur le problème de la gestion des excédents. De l’avis de tous, c’est l’un des points les plus épineux à régler (voir article pages 10-11). A la question éthique, philosophique de faire ou de ne pas faire du brandy avec les excédents du Cognac – question qui ne se pose pas dans les régions productrices de vins de bouche – s’ajoute un aspect économique. A la fois, il ne faut pas que la destruction des excédents coûte de l’argent au producteur mais il ne faut pas non plus qu’elle lui en rapporte trop, au risque de donner une « surprime » aux ha Cognac (voir encadré sur les distillations). Antony Zonta l’avoue : le débat n’est pas clos.

Une libération des rendements

Reste « l’autre vignoble ». En ce qui le concerne, l’objectif clairement affiché par le Plan d’avenir viticole est de « libérer » les rendements. On l’a vu ! Dans une OCM où le régime de la double fin aurait disparu, le régime applicable à « l’autre vignoble » serait celui des vins de table. En France aujourd’hui, ces vins de table sont soumis à conditions de rendement mais, en contrepartie, ils bénéficient de certaines aides (aides structurelles, distillations de crise…). Peut-on envisager un autre traitement pour les Charentes ? Antony Zonta note que d’autres vignobles européens se sont déjà émancipés de ces règles de rendement (en Allemagne, la région du Palatinat par exemple) sans parler des vignobles de l’hémisphère sud. « Leurs rendements sont libres mais, en retour, ils ne demandent rien. » Par contre, il reconnaît que ce n’est pas dans la tradition française de régler une crise en libérant des volumes. En général on préfère arracher. Pourtant, il y voit plus d’un intérêt et notamment celui d’organiser les marchés. « En Charentes, selon les années, les mises en marché de vin de table et jus de raisin peuvent osciller de 2 millions d’hl vol. à 500 000 hl. Or les clients demandent de la stabilité. Un système qui permettrait une certaine rentabilité économique sur des ha vin de table déplafonnés à 180 h vol. (130 hl de vin + 50 hl de non-vin) permettrait certainement de pérenniser les marchés. » Mais les autres régions françaises ne risquent-elles pas d’y voir une concurrence déloyale ? « Avec l’aide de l’ONIVINS, nous avons réalisé une étude, répond le chargé de mission. Il s’avère que 80 % des vins blancs de base commercialisés proviennent des Charentes. Politiquement parlant, il s’agit d’un élément important. Les Charentes ne sont pas concurrentes des autres régions. » La libéralisation des volumes ne va pourtant pas de soi. Dans le contexte réglementaire franco-français, elle se heurte à des règles comme celles du rendement agronomique sur les exploitations mixtes (sur lesquelles on trouve à la fois des vignes AOC et des vignes vin de table). « Pour s’appliquer, la libéralisation des volumes sur les vignes vin de table demandera toute une série d’adaptations réglementaires » confirme le chargé de mission. Une réunion est prévue dans les prochains jours avec le comité directeur de l’ONIVINS pour aborder le problème tant dans ses aspects politiques – relations avec les autres régions françaises – que réglementaires.

Le volet structurel

Dans leur présentation, Antony Zonta et Danièle Le Gall ont tenu à traiter du volet structurel, « la variable d’ajustement » en cas de crise. Après avoir analysé de près les chiffres, ils en arrivent à la conclusion suivante : « Nous ne sommes pas loin de l’équilibre. » Une remarque apparemment anodine mais qui a retenu l’attention de plus d’un. Pourtant les deux fonctionnaires persistent et signent. « Quand vous reprenez les chiffres, vous vous apercevez que le vignoble des Charentes n’est plus à 80 000 ha comme on le dit toujours mais plus proche de 72 500 ha. Or, ce chiffre correspond à peu près aux possibilités d’écoulement. Dans le rapport, nous proposons une politique d’arrachage très ciblé – pour les plus de 55 ans peut-être – mais certainement pas à guichet ouvert. Ce serait une catastrophe. L’arrachage correspond tout de même à une perte de richesse. Derrière, il n’y a plus rien. »

La mission d’Antony Zonta consistait non seulement à introduire de la clarté dans un dossier complexe mais aussi à faire preuve « d’expertise », c’est-à-dire donner un avis personnel circonstancié et des recommandations. Son avis est clair. Il consiste à dire : « Oui, le changement de régime est possible… à condition de procéder aux adaptations réglementaires nécessaires et de convaincre les collègues des autres régions viticoles. » Parmi ses recommandations, une particulièrement retient l’attention : créer un comité eaux-de-vie au sein de l’INAO car, dit-il, « un jour ou l’autre, des tensions risquent de se produire entre les vins et les eaux-de-vie au sein du Comité national ». Autre recommandation qui confine davantage au constat. L’interprofession a demandé et obtenu du ministère de l’Agriculture d’être associée à la rédaction du nouveau décret d’appellation Cognac.

En terme de calendrier, on en reste toujours sur les mêmes bases. Ce n’est que lors d’un changement de l’OCM vitivinicole qu’une évolution de la réglementation charentaise pourra se produire. Pour l’instant, à l’intérieur de la PAC, l’Europe est occupée à réformer la grande filière céréalière. Les filières spécialisées, vins ou fruits et légumes, viendront après. Mais comme l’a déjà dit à plusieurs reprises Jean-Pierre Lacarrière, « si c’est en 2006, c’est demain matin et si c’est en 2009, c’est demain après-midi. Il faut s’y préparer dès maintenant ». Pour le président du BNIC aussi le changement ne fait aucun doute. « L’arrêt de la double fin est programmé. » Sans contredire cette opinion, quelqu’un comme Jean-Marc Olivier, de la société Courvoisier, y met des bémols (voir encadré).

La question de l’affectation plafonnée

Au cours de sa restitution, Antony Zonta n’avait pas abordé la question du « 80/20 », c’est-à-dire la possibilité de limiter l’affectation Cognac à 80 % des surfaces viticoles de l’exploitation. Michel Amblard, président de la FDSEA 17, s’est rappelé au bon souvenir du chargé de mission. « Il manque un point essentiel à votre présentation. Vous savez que nous sommes un certain nombre a souhaité une affectation plafonnée, pour éviter une concentration des achats et un risque de déséquilibre du territoire. Vous nous avez déjà répondu que, juridiquement, ce n’était pas possible. Peut-être. Mais ce qui n’est pas possible dans le cadre européen peut l’être au niveau interprofessionnel. L’interprofession est-elle prête à y aller et, si oui, quand ? » M. Amblard a conclu son intervention en déplorant le chiffre de 7 hl AP/ha. « Ceci est une erreur, tout simplement une erreur malheureuse. » Applaudissement d’une partie de la salle. Antony Zonta a remercié Michel Amblard d’avoir abordé le sujet. « C’est tout à fait légitime. On ne peut pas balayer d’un revers de main le souci d’un certain nombre de viticulteurs. » Mais ces bonnes paroles ne l’ont pas empêché de répéter ce qu’il avait déjà dit. « Juridiquement parlant, cette pré-affectation de 20 % des surfaces à autre chose que le Cognac a le caractère d’une répartition obligatoire, et ça c’est contraire aux règles communautaires touchant au droit à produire. Comme on ne peut pas imposer à un producteur céréalier une clé de répartition de son assolement, on ne peut pas davantage contraindre la volonté d’un viticulteur. Le Cognac n’a pas vocation à être isolé du reste. Maintenant, si une grande majorité de viticulteurs souhaite aller vers ce type de répartition, on a toujours loisir de prendre un accord interprofessionnel mais il faudra bien lui trouver une base juridique. Quand on voit que même la QNV, pourtant sous couvert d’un règlement communautaire, a du mal à être respectée ! » Philippe Boujut, président du SGV Cognac, a alors pris la parole pour témoigner de ses convictions. « Quand on crée une nouvelle réglementation, on ne peut pas espérer en obtenir 100 % de satisfaction du jour au lendemain. On le voit bien à la lumière de ces vingt dernières années. Durant cette période, nous n’avons eu de cesse de faire évoluer la réglementation. Des pages restent à écrire. Il faut être ouvert et adapter les textes à ce qui nous semble être le meilleur aujourd’hui. » Revenant sur la fixation de la QNV Cognac à 7 de pur, il a rappelé que c’était une décision majoritaire et, en tant que telle, il fallait s’y soumettre. « Il y a eu des discussions, nous n’étions pas tous d’accord. Comme l’an dernier, la décision de rester à 6 de pur n’avait pas fait non plus l’unanimité. Les viticulteurs connaissent tous des situations différentes et l’unanimité, dans ces conditions, est un leurre. Habituons-nous à respecter les décisions majoritaires. Je remercie M. Zonta de sa contribution et retire de sa présentation un signe d’encouragement : “Oui, le changement est possible”. »

Jean-Marc Olivier : « Le changement doit être envisagé dans sa globalité »

Porte-parole des « INAO sceptiques », Jean-Marc Olivier (*) se refuse à envisager un changement de régime tant que les rendements différenciés ne seront pas actés. Soit l’on obtient un changement global, soit on maintient l’existant, l’agrément en plus. Une position somme toute assez conforme au discours ambiant, sauf que le représentant de la maison de négoce n’hésite pas à avouer « une petite préférence pour la double fin ».

1027_8.jpegJ.-M. Olivier – « Tant que les rendements différenciés pour les vignes “autres” ne sont pas actés par l’interprofession, pour nous, il n’est pas question de bouger et d’aller plus loin vers la mise en place d’un vignoble d’appellation Cognac. Pour l’obtention de ces rendements différenciés, on nous dit toujours que c’est une question de temps mais ils ne sont toujours pas autorisés. Autant le vignoble AOC paraît facile à obtenir – l’INAO n’attend que cela – autant les rendements différenciés nous semblent loin d’être acquis. Peut-être, sur cette question, nous montrons-nous un peu plus prudents, un peu plus méfiants que d’autres. Très clairement, le pire serait un vignoble Cognac “coincé” dans l’appellation, sans rendements différenciés sur le reste.

Nous n’avons pas de position dogmatique sur la question du changement de régime. Je considère qu’il appartient aux viticulteurs de se déterminer. Effectivement, nous avons une petite préférence pour la double fin car elle nous semble présenter une flexibilité meilleure pour le vignoble charentais. Mais si l’évolution s’effectue sur la globalité, nous suivrons le mouvement, sans rechigner.

Le régime de la double fin n’est pas abrogé et ne le sera pas de sitôt. Nous avons le temps. C’est vrai qu’un langage dominant laisse à penser que la double fin vit ses dernières heures. Bruxelles n’a jamais parlé d’abandon de la double fin mais de non-respect du cadre de la double fin. Si nous présentions à la Commission une demande cohérente, qui ne viserait pas à mettre à la charge de l’Union européenne tous nos excédents, il n’y aurait aucune raison pour que Bruxelles ne nous entende pas. Cela ne contrarierait pas ses intérêts. Certes, en ce qui concerne la QNV régionale, le chiffre de 7,4 millions d’hl vol. (relatif à la “QNV historique” – NDLR) est trop élevé, tout le monde en convient. Mais ce chiffre résulte d’une situation antérieure. Il n’est pas gravé dans le marbre et l’Union européenne peut revenir dessus. A meilleure preuve, le BNIC comme le ministère de l’Agriculture ont demandé et obtenu de la Commission une dérogation de deux ans qui vient d’être reconduite pour deux ans supplémentaires. Si nous proposions une QNV régionale de 6 ou, mieux, de 6,5 millions d’hl vol. assortie d’un rendement régional de 120 hl/ha, je ne pense pas que l’Europe s’y opposerait.

Au risque de me répéter, je dirais que si, effectivement, nous pouvons mettre en place des rendements différenciés qui permettent à toutes les filières de vivre – ce qui n’est pas encore avéré – dans ces conditions, il n’y a pas de raison de ne pas faire évoluer le système dans le sens souhaité par la viticulture. Dans le cas inverse, il vaut mieux garder la double fin. J’ai même tendance à penser qu’il ne s’agit pas du plus mauvais système pour la région, il l’a prouvé par le passé. Mais il n’est pas question pour nous de faire du lobbying sur le sujet.

En tout état de cause, nous ne sommes d’aucune façon supporters de la dérégulation. Nous sommes au contraire partisans d’une vraie régulation, qui soit appliquée par tous – c’est important – et également bien réfléchie, avec des objectifs clairs. J’entretiens les meilleurs rapports avec Antony Zonta. M. Zonta est entièrement d’accord avec moi : l’évolution doit porter sur l’ensemble des vignobles et non sur un seul. Sinon nous courrions à notre perte. »

(*) Jean-Marc Olivier est maître de chai de la société Courvoisier, responsable des achats. Membre du Syndicat des exportateurs, il siège au titre du négoce à l’assemblée plénière du BNIC et au comité permanent.

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