Les outils de la réactivité

26 juin 2009

La Rédaction

En mars, les réunions de secteurs organisées par le Syndicat des producteurs de Pineau des Charentes ont posé les bases de l’assemblée générale, qui se tiendra le 24 avril prochain. Syndicat comme Comité interprofessionnel s’activent à mettre en place les outils de nature à limiter les dérives, à la hausse comme à la baisse. Car, le Pineau, pas plus que les autres produits, n’échappe au vent d’incertitude qui secoue l’économie mondiale.

 

pineau_22_opt.jpegTiendront, tiendront pas ? La question vaut pour les ventes de Pineau comme elle vaut pour les ventes de Cognac, l’expectative étant le sentiment le mieux partagé du moment. Témoignage d’un petit opérateur du Cognac : « Aujourd’hui, tout le monde est aveugle. Personne ne peut dire si, demain, nous ferons 20 ou 120 sur les marchés. Nous disposons d’aucune visibilité, mes importateurs pas plus que moi. » Certes, la crise mondiale impacte sans doute davantage le Cognac que le Pineau, lui qui réalise près des trois quarts de ses ventes en France. Surtout, son ADN ne ressemble pas à celle des spiritueux. Les bouilleurs de cru récoltants commercialisent au moins un tiers des volumes de Pineau et leur circuit de distribution privilégié – la vente directe aux particuliers – est sans doute moins sensible à la crise. Il n’empêche ! La filière surveille de très près l’évolution des sorties. Pour éviter les phénomènes de yo-yo des prix, mortifère pour la catégorie, dès la récolte 2007, le Pineau a commencé à poser les jalons d’un système de régulation de la mise en marché. Il s’agit de la réserve de production, une variable d’ajustement libérable ou non selon l’état des ventes. En 2007, la réserve de production, de réserve n’en a eu que le nom. Etant donné le contexte de tension des prix, essentiellement dû à la concurrence avec le Cognac mais aussi à la petite récolte, les volumes bloqués en 2007 (12 hl bloqués en plus des 60 hl libres) ont été libérés de suite, dès l’autorisation de mise en marché. Dans la réalité, la réserve n’a porté que sur 5 859 hl vol. Aujourd’hui, face à un marché indubitablement plus mou, soumis à des tendances baissières, la réserve de production 2008 sera libérable au plus tard le 1er avril 2011, soit au bout de 30 mois maximum. C’est en tout cas la date butoir prévue pour la réserve 2008, mais rien ne dit que cette date ne puisse pas évoluer dans les prochaines années. Le déblocage de la réserve est collectif, après analyse du Comité national du Pineau, puisque l’outil relève d’une gestion interprofessionnelle et non syndicale. En cas d’accident climatique ou autre, il est cependant prévu des cas de déblocages individuels. Chaud partisan de ce système de lissage, Jean-Marie Baillif, le président du Syndicat des producteurs de Pineau, n’en attend pas non plus des miracles. « A la marge, il peut pallier 20 000 hl vol. de manque ou 20 000 h vol. d’excédents. C’est déjà très important car on s’aperçoit au fil du temps que la plupart des dérives de prix, à la hausse comme à la baisse, ne tiennent pas à plus. Par contre, il ne faut pas rêver ! En cas de chute drastique des ventes, la réserve de production serait relativement inopérante. » Dans un tel contexte, la seule parade consiste à être capable de réduire la production pour l’équilibrer aux besoins. C’est en partie le rôle assigné au nouveau mode de fixation du rendement Pineau. Traditionnellement, le rendement Pineau s’affichait en hl de moûts. Conséquence : la filière subissait sans moyen de réagir les variations du rendement Cognac. En adoptant le parti de fixer un rendement en hl de Pineau (30, 32, 35 hl vol. de Pineau…), la filière peut plus facilement jouer sur son rendement moût pour s’adapter au rendement Cognac. Objectif : maintenir la production de Pineau dans les arcanes souhaités. Le Syndicat des producteurs, pilote de la démarche, espérait que ce changement, lancé fin 2007, pourrait s’appliquer à la récolte 2008. Il n’en fut rien dans la mesure où la PNO (Procédure nationale d’opposition), applicable dans le cadre de l’INAO, n’a toujours pas abouti. A priori, il y a quand même de fortes chances que le nouveau mode de fixation du rendement voit le jour pour la prochaine récolte.

pineau_23_opt.jpegLors des trois réunions de secteurs organisées par le Syndicat du Pineau à Matha, Barbezieux et Gémozac, Jean-Marie Baillif a beaucoup insisté sur les producteurs « opportunistes » qui pourraient déstabiliser la filière Pineau en venant déverser leurs volumes. Il faut dire que le Pineau n’en ait pas à sa première expérience. A chaque fois que le marché du Cognac bat de l’aile, des ha baladeurs viennent gonfler les rangs du Pineau. « Désolés, mais ces gens-là, nous n’en avons pas besoin » a réagi vivement le président du Syndicat des producteurs de Pineau. « Que de nouveaux producteurs de Pineau viennent nous rejoindre, il n’y a aucun problème mais des gens qui ne savent pas quoi faire de leurs eaux-de-vie, on n’en veut pas, très clairement. » Comment parvenir à dissuader ces producteurs opportunistes ? Pour organiser la résistance, le syndicat a eu l’idée de s’appuyer sur le plan de contrôle issu de la réforme ainsi que sur son nouveau cahier des charges. « Si nous constatons une très forte augmentation de la production de Pineau chez un producteur, l’exploitation sera systématiquement contrôlée, avec vérification de l’enregistrement préalable des parcelles. Par ailleurs, nous nous assurerons que l’opérateur dispose bien du logement sous bois requis par le cahier des charges. Ces mesures devraient déjà détourner les passagers clandestins de l’appellation. » Jean-Marie Baillif a d’ailleurs réfuté le terme de « diversification », utilisé parfois au sujet du Pineau. « Le Pineau n’est pas une diversification du Cognac mais une appellation à part entière et même une appellation d’excellence. »

Pineau – Chiffres clés

Sur la récolte 2008, la production totale de Pineau s’est élevée à un peu plus de 90 000 hl vol. La part de la coopération dans l’élaboration du Pineau atteint presque 30 % (29,6 %). En 2008, le nombre de coopératives s’élevait à six, deux dans la tranche des 500-2 000 hl et quatre dans celle supérieure à 2 000 hl vol. La coopération a augmenté ses volumes de + 4,9 % par rapport à 2007. En 2008, les bouilleurs de cru individuels furent 353 à élaborer du Pineau. Par rapport à 2007, on dénombre 31 producteurs en moins. Cependant, la production des bouilleurs de cru a augmenté de 9,4 %. Une tendance se confirme : la professionnalisation des opérateurs. Ainsi, 130 producteurs ont produit 54 400 hl vol. (60 % du volume) et 30 producteurs plus de 36 % du total. La production de Pineau blanc, après avoir diminué sous l’assaut du Cognac, s’est stabilisée en 2008. De même se dessine une légère reprise des surfaces. Les cinq premiers cantons producteurs de Pineau, où s’élaborent plus de la moitié des volumes, restent les cantons de Cozes, Mirambeau, Gémozac, Saint-Genis-de-Saintonge et Saint-Pierre-d’Oléron.

Sur la campagne 2007-2008, les sorties de Pineau des Charentes se sont élevées à 108 240 hl vol., en diminution de 2 % par rapport à la campagne précédente. Sur l’année civile, ces sorties représentent 102 728 hl vol. contre 111 563 hl en 2007 (baisse de 7,9 %). Après une fin d’année en demi-teinte, les chiffres de sorties de janvier et février n’ont guère été meilleurs. Ceci dit, comparées aux dix dernières années, les sorties 2008 reculent de – 0,3 % mais affichent une augmentation de + 10,5 % si l’on considère la période des 20 dernières années. De campagne à campagne, le stock a baissé de 8,6 % et de 4,5 % sur l’année civile (413 456 hl à fin 2008). Il est détenu à 71,6 % par les bouilleurs de cru, à 16,5 % par les coopératives et à 11,9 % par le négoce. Sur les deux dernières années, le stock des coopératives a beaucoup diminué. Cette non-reconstitution du stock s’explique à la fois par les aléas climatiques et, pour certaines structures, par du déstockage sur le marché du vrac. A contrario, le stock du négoce a progressé de + 5 % durant la dernière campagne viticole, surtout par le fait d’achats en début d’année, ce qui a pu amener une certaine tension sur les cours durant cette période. Le stock total comparé aux besoins (ventes + freintes) donne un coefficient de rotation du stock 2007-2008 de 3,13 (3,44 en 2006-2007, 3,53 en 2005-2006). Il est d’usage de considérer qu’entre 3 et 3,5, le niveau de stock est convenable. En dessous il alimente la surchauffe, au-dessus il nourrit une offre excessive. Si le taux de rotation du stock constitue un bon indicateur, il n’est pas le seul.

 

L’observatoire des cours

Outil du syndicat, l’Observatoire des cours a été mis en place en mars 2008. Chaque 10 du mois, en même temps qu’ils déposent leur DRM (déclaration récapitulative mensuelle) les producteurs qui le souhaitent peuvent transmettre au syndicat un descriptif de leurs ventes – combien, à quel prix, quel acheteur, quelle couleur. Même en l’absence de transaction, le producteur doit faire suivre sa fiche au syndicat s’il veut un retour d’information. La démarche est volontaire, gratuite et quasi anonyme puisque le nom de l’opérateur ne figure pas sur la feuille mais uniquement son code BNIC. La secrétaire du syndicat reçoit les documents et en extrait les informations. Ensuite le syndicat adresse avant le 18 du mois l’Observatoire des prix à tous les opérateurs qui sont rentrés dans le circuit. L’intérêt consiste à obtenir en temps réel des informations sur la situation du marché du vrac. « Tout le monde ne répond pas encore mais ça va venir ! » a lancé en souriant J.-M. Baillif, en n’oubliant pas de signaler que si l’outil n’était pas alimenté, il disparaîtrait. « Ce serait sans doute dommage pour les producteurs. » Mensuellement, les transactions constatées par l’Observatoire portent sur 500 à 2 000 hl vol. (1 000 hl vol. en moyenne). Sur l’année mobile, les conditions de marché de 12 000 hl vol. de rosé et 12 000 hl vol. de blanc furent ainsi portées à la connaissance des opérateurs. Par rapport à des sorties de l’ordre de 100 000 hl vol., il s’agit de quelque chose d’assez significatif.

En moyenne, sur l’année mobile à fin mars, le Pineau blanc a évolué dans la fourchette 245-254 € l’hl vol., avec des Pineaux rosés payés un peu moins, ce qui n’est pas forcément logique puisque le Pineau rosé coûte plus cher à produire. Mais sans doute faut-il y voir l’effet Cognac ainsi que la répartition des ventes : 60 % de Pineau blanc pour 40 % de Pineau rosé. A des producteurs qui citaient des prix de Pineau mais inférieurs, le président du syndicat a confirmé des transactions à 250 € l’hl vol. « Aujourd’hui, il y a des négociants qui achètent à ce prix. » « D’ailleurs, a-t-il rajouté, pour vivre de notre production, un prix de 250 € l’hl vol. n’est pas du tout aberrant. A ce tarif-là, la marge qui reste au producteur n’est que de 7 cents d’euros la bouteille, sur la base d’un rendement Pineau de 28 hl vol./ha et d’un coût de production estimé par le BNIC à 6 300 € de l’ha. » Si le président du syndicat a dit souhaiter ne pas revoir des prix de 270 € l’hl vol., comme lors de la dernière flambée des cours, il a aussi indiqué qu’il n’y avait aucune raison que le prix du Pineau tombe en dessous de 250 € l’hl vol. « D’ailleurs même un négociant de la place a reconnu que le Pineau ne pouvait pas être un produit bon marché, compte tenu du Cognac entrant dans son élaboration. » Aux vendeurs en bouteilles qui pourraient s’estimer non concernés par le marché du vrac, J.-M. Baillif a fait remarquer que le marché du vrac représentait entre 30 et 40 000 hl vol., soit 30 à 40 % du marché. « Le vrac interfère sur l’ensemble de la filière. Des prix trop bas donnent la possibilité à certains opérateurs d’émettre des propositions commerciales elles-mêmes très basses. » Jean-Marie Baillif a dénoncé des prix de bouteilles « parfois à pleurer de honte », émanant de tout type d’opérateurs. « Il faut que l’on s’enlève de l’esprit de tels niveaux de prix. Un jour ou l’autre, il faudra bien renverser la vapeur mais cela demandera du temps. »

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