Le grand tournant

29 mars 2009

La Rédaction

1030_33_1.jpegEventuellement applicable dès 2005, la nouvelle réforme de la PAC (Politique Agricole Commune) risque d’entraîner une mutation profonde de l’agriculture française. Dans la gestion des exploitations, de nouveaux comportements vont naître des changements introduits par la réforme : primes pour partie déliées de la production (principe du découplage partiel), notion de références historiques, réintroduction de la modulation, versement des aides sous réserve du respect de certaines règles environnementales (l’éco-conditionnalité), « marchandisation » des droits à prime… Une question se pose d’emblée : quel impact la nouvelle PAC aura-t-elle sur la production ? Risque-t-on d’assister à la délocalisation d’activités agricoles d’une territoire à un autre ?

C’est le 26 juin dernier, lors des accords dits de « Luxembourg » que les 15 ministres de l’Agriculture ont approuvé la nouvelle réforme de la PAC. Cette réforme reprend en grande partie les propositions de Franz Fischler, commissaire européen d’origine autrichienne, chargé de l’agriculture et du développement rural depuis 1995. Cette réforme n’est pas la première qu’est connue la PAC. Elle s’inscrit dans une longue lignée d’adaptations successives. La Politique Agricole Commune naît en 1962, soit cinq ans après le traité de Rome qui crée la Communauté européenne. Elle deviendra un puissant instrument d’intégration européenne. Au départ, l’Europe est déficitaire en produits agricoles. Les objectifs de la PAC consistent à garantir la production, assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs, stabiliser les marchés par des mécanismes régulateurs, offrir des prix convenables aux consommateurs. Des OCM (organisations communes de marché) par produit ou groupe de produits viennent compléter le dispositif : en 1967 pour les céréales, les fruits et légumes, la viande porcine ; en 1968 pour la viande bovine, les produits laitiers ; en 1970 pour le vin. La première réforme de la PAC intervient en 1972 et concerne l’amélioration des structures. La deuxième réforme date de 1984. Elle a pour objet de résorber les excédents. Elle se traduit par la mise en place des quotas laitiers, des « droits à produire » et, pour les céréales, des « quantités maximales garanties ». Le dépassement de quotas est autorisé pour les céréales mais taxé. L’année 1988 voit le contrôle des dépenses agricoles, suite aux productions excédentaires de 1970 à 1985. Les dépenses agricoles sont plafonnées et le budget FEOGA ne peut pas dépasser un certain niveau de ressources européennes. La réforme de 1992 – la dernière en date – marque quant à elle une réorientation des aides. La politique de soutien des prix est remplacée par une politique de soutien aux revenus agricoles. On y parle – déjà – de protection de l’environnement et de développement des potentialités des zones naturelles. Le 26 mars 1999, le Conseil européen de Berlin s’accorde sur « l’agenda 2000 » qui vise à doter l’Union européenne d’un nouveau cadre financier pour la période 2000-2006. L’agenda 2000 prévoit notamment la révision de la PAC à mis-parcours. D’un point de vue formel, la nouvelle PAC s’inscrit donc dans cette « révision à mi-parcours ». Dans les faits pourtant, il s’agit moins d’une révision que d’un changement profond des règles agricoles.

Deux grands enjeux

Deux grands enjeux sous-tendent cette réforme : l’intégration des pays de l’Europe centrale et orientale et les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. En 2004 en effet, dix nouveaux pays vont intégrer l’Union européenne, deux en 2007 (la Bulgarie et la Roumanie) et encore une dizaine au-delà, pour arriver au chiffre de 25, voire 27 ou 28 si l’on compte la Turquie. Certes, à l’exception de la Pologne et de la Hongrie, la plupart de ces pays restent de petits producteurs agricoles mais, peu ou prou, il faudra bien partager la manne européenne avec eux. A noter cependant que les accords de Luxembourg lançant la réforme de la nouvelle PAC n’ont pas remis en cause l’accord Chirac/Schröder de novembre 2002. Cet accord prévoit la stabilisation du budget agricole jusqu’en 2013. En clair cela veut dire que l’Europe des quinze ne verra pas son budget agricole écorné par l’entrée des douze nouveaux pays (dix plus deux). « En reprenant les accords de Luxembourg, cette nouvelle réforme de la PAC a le mérite d’offrir une certaine lisibilité des aides, au moins jusqu’en 2013 » estiment certains commentateurs. L’OMC représente l’autre grand défi posé à la PAC. Le sommet de Cancún a mis en lumière les intérêts profondément divergents entre les pays développés et les pays en voie de développement. Ces derniers remettent fortement en cause les modèles européen mais aussi américain concernant les subventions à l’exportation, y compris les primes à la production. Face à cette levée de bouclier, l’objectif de l’U.E consiste à ce que les aides européennes à l’agriculture « changent de boîte » à l’OMC. En effet, dans l’accord du GATT sur l’agriculture, les soutiens agricoles ont été définis de façon imagée comme des boîtes de couleurs différentes. La boîte rouge comprend les mesures susceptibles d’introduire des distorsions manifestes de concurrence. A terme, elles doivent être supprimées. La boîte orange (ou ambre) est également « persona non gratta » (soutien aux prix de marché, aides directes). Les Etats membres de l’OMC s’engagent à diminuer ces aides en les faisant passer dans la boîte bleue – boîte intermédiaire, tolérée par les accords – et mieux encore dans la boîte verte. Cette boîte verte regroupe l’ensemble des mesures considérées comme n’ayant pas d’effet sur les échanges. Aucune contrainte ne les atteint. Au niveau de l’OMC, les aides liées à l’ha (à la production) rentrent dans la boîte bleue, tandis que les aides découplées de la production intégreraient la boîte verte. D’où le souhait de l’Union européenne d’attirer le maximum d’aides dans cette fameuse boîte verte.

Une réforme à la carte

A Luxembourg, le commissaire Fischler a souhaité faire de cette réforme de la PAC une réforme à la carte (application du principe de subsidiarité, laissant une certaine marge de manœuvre aux Etats membres). Ainsi a-t-il multiplié le nombre des clauses nationales, cinq ou six au total. A chaque fois, les Etats sont invités à choisir entre plusieurs options : option de la date d’entrée en application de la réforme ; option du découplage total des aides ou de leur recouplage partiel ; option de la régionalisation, gestion du transfert des droits, dans une certaine mesure choix de l’éco-conditionnalité des aides, sens à donner au développement rural… Les réponses des quinze pays européens sur tous ces sujets sont attendues vers août 2004. Cette semi-liberté laissée aux Etats membres est à la fois source de richesse – possibilité d’instaurer un dialogue avec les OPA, prise en compte des intérêts nationaux – mais aussi foyer d’instabilité. Si les choix des pays membres divergent par trop, ne risque-t-on pas d’aller au devant d’effets distorsifs, un pays disposant d’avantages comparatifs par rapport à un autre ? Comment se décider soi-même sans connaître le choix du voisin ? Autant de questions qui rendent cette période assez complexe à appréhender. Autre conséquence : tout ce qui peut être dit aujourd’hui au sujet de la nouvelle PAC est sujet à caution, rien n’étant encore définitivement arrêté. Beaucoup de choses restent à « border ».

Date d’entrée en application de la réforme

Concernant la mise en œuvre de la réforme, les Etats membres peuvent choisir entre trois dates : 2005, 2006 ou 2007. En France, l’opinion majoritaire semblerait s’orienter vers une entrée rapide dans la réforme (2005), pour éviter « les phénomènes d’attentisme », notamment à l’égard de l’installation des jeunes. Mais un syndicat comme la Coordination rurale plaide au contraire pour une temporisation, sachant « qu’entre aujourd’hui et 2007, beaucoup de choses peuvent se produire ». Au fil des mois, cet aspect du calendrier a tendance à devenir de plus en plus politique entre les Etats membres, la date d’entrée d’un pays dans la réforme n’étant pas anodin par rapport aux autres.

Découplage des aides/recouplage partiel

l Le régime général du découplage des aides

Le régime soutenu par la Commission européenne repose sur un découplage total des aides. Cela signifie que les aides sont complètement déconnectées de la production. Que l’on produise ou non, on a tout de même droit à une prime forfaitaire. Ce droit dit « à paiement unique » n’est plus attribué selon la surface ou les têtes de bétail mais en fonction d’une référence historique portant sur la moyenne des hectares (ou des têtes de bétail) des années 2000, 2001, 2002. Les montants unitaires (par ha, par tête) correspondront au niveau 2002. F. Fischler justifie ce système de découplage par « la liberté de choix rendu aux agriculteurs, qui ne s’arbitreront plus uniquement sur les primes ». Pour autant, le découplage total présente bien des écueils : risque de déprise agricole dans des régions à faible potentiel agronomique, danger d’entamer l’équilibre économique des entreprises de l’amont (fournisseurs d’appro.) ou de l’aval (coopératives, négoces), difficulté à justifier auprès de l’opinion publique d’aides complètement détachées de la production. Mieux ! Pour beaucoup, le découplage total des aides présente un caractère choquant. C’est pourquoi l’U.E a prévu une possibilité de recouplage partiel des aides à la production.

l L’option du recouplage partiel

Chaque Etat membre peut maintenir une partie des aides couplées comme aujourd’hui. Ce sera sans doute le choix retenu par la France. Bien qu’aucune décision officielle ne soit prise, le ministère de l’Agriculture s’oriente vers un recouplage de 25 % des aides aux cultures arables (Scop). Au niveau céréalier, cela signifie que 75 % des aides seront versés en fonction des références historiques citées plus haut et le solde (25 %) dépendra comme aujourd’hui des cultures effectivement réalisées sur l’exploitation. Pour la viande bovine, l’option du couplage à 100 % de la prime aux vaches allaitantes (maintien du système actuel) semble tenir la corde, comme celle de la préservation de la prime à l’abattage des veaux de boucherie. En production laitière, l’Europe a donné la garantie du maintien sans changement des quotas laitiers jusqu’en 2014. Par contre, entre 2004 et 2007, l’on s’achemine vers une diminution des prix d’intervention du beurre (baisse de 25 %) et de la poudre de lait (diminution de 15 %) qui ne seront sans doute pas sans effet sur le prix du lait, même si des aides directes versées aux producteurs sont censées compenser la perte.

En matière de recouplage partiel, que feront les autres pays européens ? Bien que leurs syndicats agricoles n’y soient pas spécialement favorables, des pays comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou la Suède sont certainement tentés par le système du découplage total. Un débat agite l’Allemagne entre d’un côté, le ministère de l’agriculture vert et les syndicats. L’Espagne rejoint la France dans le clan des pro-recouplages partiels.

L’option de la régionalisation des aides

Ne pas confondre cette possibilité de régionalisation des aides dans le cadre de la nouvelle PAC avec le Plan de régionalisation qui date de 1992. A l’échelon européen, ce Plan a consisté à doter les différents pays européens de références historiques concernant les grandes cultures. C’est ainsi que la France a hérité de références bien supérieures à la moyenne européenne, ce qui lui a ménagé des avantages comparatifs non négligeables par rapport à d’autres pays. La régionalisation des aides dans le cadre de la réforme de la nouvelle PAC répond à d’autres ressorts. Il s’agit d’accepter une gestion différenciée des primes par région et notamment la création de nouvelles cultures éligibles aux primes, contrairement au principe de la prime unique applicable sur tout le territoire national. La Commission européenne ne définit pas ce qu’elle entend par région. Il peut s’agir soit d’une région administrative (comme le Poitou-Charentes) soit d’une entité différente. Seule limite émise par Bruxelles : la région ne doit pas dépasser 3 millions d’ha de SAU. Sur la base d’un tel critère, la France, qui compte 28 millions de SAU, se diviserait donc en une dizaine de régions. En France, centralisme oblige, il est de tradition de considérer la régionalisation comme un « non sujet ». A priori, l’option de la régionalisation ne semble donc pas hautement probable dans l’Hexagone. Il en va différemment dans d’autres pays. L’Allemagne, où chaque lander possède un ministère de l’Agriculture, est en train de négocier avec les services de la Commission un dispositif de régionalisation des aides à l’agriculture. Ce mécanisme se traduirait essentiellement par la mise en place de primes à l’ha (montant entre 250 et 349 e/ha) pour de nouvelles cultures comme des cultures de légumes, frais ou en conserves, de fruits, de pommes de terre, de semences potagères ou de betteraves, voire de fleurs ou de bulbes. On imagine assez bien l’effet de cette régionalisation sur des régions frontalières comme l’Alsace ou la Franche-Comté où des industriels pourraient être tentés de franchir la « ligne bleue des Vosges ». En guise de parade, les producteurs français de légumes demandent d’ores et déjà que l’on prélève à leur profit 2 % des droits de la réserve nationale. Pour l’instant, le souhait de la France est que l’Allemagne renonce d’elle-même à la régionalisation de la prime unique. Mais le Royaume-Uni pourra-t-il se contenter d’appliquer une prime unique à des régions aussi différentes que l’Angleterre, l’Ecosse ou le Pays de Galles ?

L’éco-conditionnalité des aides

Dans le mot « éco-conditionnalité » il y a conditions, conditions pour toucher les aides. L’enjeu n’est donc pas mince. Ces conditions ont trait au respect de certaines règles liées à l’environnement. Entre la directive nitrate applicable dans les zones vulnérables (plan d’épandage, enregistrement des pratiques…), l’identification du bétail, le bien-être des animaux (pour les bêtes élevées en batterie), l’utilisation de produits phytosanitaires ou les questions de sécurité au travail, ce ne sont pas moins de 18 directives communautaires qui sont concernées. Si la notion d’éco-conditionnalité a vu le jour en 1999 avec les compteurs d’eau pour tous les irriguants, la nouvelle PAC lui fait franchir un pas supplémentaire. Le système devra être mis en place en 2007, sans obligation jusqu’alors. La Commission compte sur une participation volontaire des agriculteurs et une montée en puissance des mesures, sur une base plus ou moins optionnelle. Un bilan devrait être réalisé fin 2010. L’Union européenne indique qu’elle pourrait financer une partie du coût supplémentaire engendré pour les exploitations. On peut par exemple imaginer que des incitations financières s’inscrivent dans le cadre des CAD (contrat d’agriculture durable) qui ont remplacé les CTE. Dans ce domaine-là cependant, beaucoup de points restent à préciser. Un conseil agricole se mettra en place pour contrôler le respect des indicateurs. Qui réalisera ce contrôle ? Les Chambres d’agriculture, des cabinets indépendants ? A ce jour, trois niveaux de sanctions sont prévus : réduction des aides de 5 % en cas de « faute vénielle », sans négligence de la part de l’agriculteur ; 15 % en cas de négligences répétées et au-delà de 20 % en cas de responsabilité délibérée, sachant que la sanction pourra aller jusqu’à la suppression totale des aides.

Le développement rural

Sans doute pour se mettre en conformité avec les critères de l’OMC, la Commission européenne souhaite mettre l’accent sur le « second pilier de la PAC », en l’occurrence le développement rural. Alors qu’il représente aujourd’hui 10 % du budget agricole – les 90 % allant aux marchés sous forme d’aides directes – le second pilier de la PAC bénéficiera d’une dotation budgétaire accrue. Il profitera des fruits de la modulation (5 % des aides en 2007) alors que la modulation ancienne formule n’a jamais dépassé plus de 2 % du montant globalisé des primes. Il est prévu que 80 % de la modulation revienne aux Etats membres. Les fonds serviront à financer les actions liées à l’environnement, au bien-être des animaux, à la sécurité et à l’alimentation du bétail, à des mesures « sociétales » ainsi qu’à l’installation des jeunes. Cette dernière mesure s’affirme toujours comme une priorité. Le développement rural sera également mis à contribution pour aider les petits transformateurs qui emploient des produits fermiers. Jusqu’à présent, les mesures du second pilier relevaient, dans la plupart des cas, d’un cofinancement « moitié/moitié » entre l’Union européenne et l’Etat membre, ce qui pouvait s’avérer limitant. Une évolution intéressante fait progresser la part de cofinancement de l’Union européenne : dans les zones d’objectif 1, 85 % au lieu de 75 % et dans les autres zones, 60 % au lieu de 50 %. A moyen terme, un grand débat se dessine au sujet du développement rural. Sa gestion doit-elle rester « agricolo-agricole » ou doit-elle se fondre dans un ensemble plus vaste, celui des fonds structurels européens ? Le commissaire européen Michel Barnier, chargé de la politique régionale et de la réforme des institutions, y est favorable. A contrario, la profession agricole redoute de voir le développement rural se perdre dans le « marécage » des fonds structurels, surtout après l’élargissement aux dix nouveaux pays.

La vente des droits est autorisée

C’est peut-être à ce niveau-là que la réforme de la PAC introduit son inflexion la plus marquante, en France en tout cas. Alors qu’un pays comme la Hollande, à l’instar du Canada, pratique déjà la vente des droits à produire (quotas laitiers cotés en bourse), la France s’est toujours refusée à cette « marchandisation des droits », non sans une certaine hypocrisie d’ailleurs. La « sanctuarisation » des droits à produire n’a jamais empêché que leur soit attachée une valeur occulte. Mais il y a un pas entre le versement d’un dessous de table et la soumission pure et simple à la loi de l’offre et de la demande. Même si elles existent, ces valeurs occultes sont aujourd’hui limitées dans leur montant. En autorisant demain le transfert marchand des droits à prime, la Commission européenne ouvre la voie à un véritable marché. Quelque part, c’est le plus offrant et donc celui qui disposera du plus de moyens qui l’emportera. Pour les praticiens du droit ou du chiffre, la reconnaissance d’une valeur vénale des droits pose d’énormes problèmes. Dans un contrat de prêt, comment la banque financera-t-elle ces droits ? Quel contrôle la CDOA pourra-t-elle encore exercer sur les structures ? Que se passera-t-il en cas de succession ?

Dans cette nouvelle approche, les droits sont déliés du foncier. Ils peuvent donc être vendus avec ou sans la terre sur laquelle ils sont attachés. Seule contrainte dans le cas où ils sont vendus sans la terre : l’acquéreur doit posséder l’équivalent en surface admissible. Autrement dit, pour activer les droits à prime, il faut qu’il y ait des ha éligibles en face. Par ailleurs, le bénéficiaire des droits doit exercer une activité agricole. Toutefois, cette notion d’activité agricole s’interprète de manière très lâche. Si un retraité ne peut pas être considéré comme exploitant agricole, il n’existe par contre aucune limite d’âge pour exercer la profession d’agriculteur et la jachère est considérée comme une activité agricole à part entière. Le simple entretien des terres, sans production, peut donc justifier l’acquisition de droits à prime. On ne pourra pas acheter de droits à prime dans des pays étrangers. Seul l’héritage pourra autoriser le transfert de droits d’un pays à un autre.

Si la question a pu se poser un temps, elle ne fait plus débat aujourd’hui : les droits à primes sont attachés à l’exploitant et non au propriétaire de la terre. A la limite, un preneur pourrait donc céder du jour au lendemain tous les droits existants sur l’exploitation, réduisant à néant la valeur de cette dernière. A l’inverse, un propriétaire exploitant pourrait louer une exploitation à un fermier en ayant pris soin au préalable de la dépecer de tous ses droits. Pour se prémunir de ces avatars, les notaires auront sans doute moult clauses à rédiger dans les actes. Plus généralement, le transfert marchand des droits à aide risque de freiner la location des exploitations, accentuant un phénomène déjà connu.

Produire ou ne pas produire ?

Produire ou ne pas produire ? Telle est la question que posera la nouvelle PAC. Pour les céréaliers, on estime que la prime unique (l’aide découplée) sera de nature à représenter la moitié, voire les trois quarts des aides perçues par les exploitations. Dans ces conditions, se dirige-t-on vers une extensification de la production, pouvant se traduire dans certains cas par l’abandon pur et simple de la production ? « Le marché va être déterminant » estiment les experts. Mais justement, comment va évoluer ce marché, qui apparaît de plus en plus volatil (voir les hausses du prix du blé de ces derniers mois) ? Certains voient dans la contractualisation la nouvelle tendance du marché des céréales, un moyen de se garantir des variations de prix. La productivité des terres et l’incidence micro-économique de son propre prix de revient risquent aussi d’impacter fortement les choix. Le calcul des marges n’aura plus rien d’anecdotique. En matière de gestion des exploitations, un nouveau chantier s’ouvre : comparaison des ventes plus les aides aux charges de production, détermination des charges d’entretien des sols… Il faudra affiner ses comptes pour réaliser les meilleurs choix.

 1030_33_2.jpegJoseph Garnotel, directeur adjoint de la FNSEA, chargé du Département économique et international – Il était présent à Angoulême le 18 novembre dernier, pour expliquer aux membres de l’UDSEA les tenants et les aboutissants de la nouvelle PAC. Cette réunion s’inscrivait dans la grande consultation que le président de la FNSEA, Jean-Michel Le Métayer a souhaité lancer dans tous les départements français afin « d’ouvrir très largement le débat et recueillir l’avis de la base sur les options à prendre ». A travers cette démarche, la FNSEA vise aussi un objectif syndical : ne pas donner l’impression d’assumer une réforme « que nous avons suffisamment critiquée ». Pour le syndicat majoritaire, il sera de toute façon important « que l’Etat dégage des moyens pour accompagner les exploitants. Ces revendications feront l’objet d’un Livre blanc présenté lors du Salon de l’agriculture. 

Les surfaces admissibles au paiement unique

Dans le cadre de la nouvelle PAC, la surface admissible au paiement unique porte sur toutes les terres arables sauf les vignes, les vergers et les cultures légumières. La notion de surface admissible diffère de la surface éligible applicable aujourd’hui. Contrairement à l’actuelle surface éligible, la future surface admissible comprendra les STH (Surfaces Toujours en Herbe ou prairies permanentes) ainsi que les vignes arrachées. A noter que la possibilité de primer les surfaces arrachées avait été supprimée depuis deux ans. Cette possibilité est donc réintroduite par la nouvelle PAC. Conséquence : les aides découplées seront calculées sur des surfaces plus importantes. Par contre, cela ne changera rien au montant des primes, ces dernières étant basées sur la référence historique 2000, 2001, 2002.

1030_35.jpegVincent Tissot, responsable conseils au CER 16 (antenne du Gond-Pontouvre) – Avec deux de ses collègues, Jacques-Michel Taraud et Laurent Dupic, il a présenté le 18 décembre dernier à Segonzac, les premiers éléments connus sur la réforme de la PAC, dans le cadre des Cercles Infos du Centre d’économie rurale. Cette présentation s’est accompagnée d’une offre de service du CER pour mieux appréhender les conséquences de la PAC : Diagnostic aides PAC (calcul des aides dans le cadre de la réforme et conseils) – Diagnostic stratégique (modification éventuelle du fonctionnement de l’exploitation à partir des nouvelles données). Cette seconde prestation fera l’objet d’une lettre de mission individualisée.

Une réserve nationale des droits à primes Découplées

Pour aider à régler les nombreux cas particuliers qui ne manqueront pas d’apparaître (sans parler de la situation des jeunes agriculteurs), la Commission européenne a prévu d’instituer une réserve nationale des droits à primes découplées. Elle sera créée par un prélèvement initial de 0 à 3 % sur tous les droits à primes. Elle pourra être alimentée ensuite par un prélèvement sur les transferts de droits à prime. Par ailleurs, tout droit non utilisé pendant trois ans reviendra automatiquement à la réserve nationale.

Modulation des aides Le retour

Si la modulation Glavany était tombée, la voilà qui réapparaît dans le cadre de la nouvelle PAC. Modulation linéaire, elle servira à dégager des volumes financiers pour supporter le développement rural. Car le deuxième pilier de la PAC est clairement identifié comme une des priorités du nouveau système. La modulation jouera lorsque les primes versées dépasseront 5 000 € par exploitation. Le pourcentage de minoration s’élèvera à 3 % en 2005. Il passera à 4 % en 2006 pour atteindre 5 % en 2007. Bien entendu, ces pourcentages ne se cumulent pas.

 

Gel des terres Fixé à 10 % de la surface

La nouvelle PAC fixe la jachère obligatoire à 10 % de la surface admissible aux primes*. La jachère obligatoire est complètement découplée. Ainsi rentre-t-elle de plain-pied dans les droits à paiement unique. A noter que la validation des droits à jachère obligatoire est préalable à tout. Autrement dit, les droits à jachère obligatoire devront être validés avant de pouvoir faire valider les autres droits acquis. La jachère obligatoire ne s’applique pas aux petits producteurs céréaliers de moins de 92 tonnes. En ce qui concerne la jachère volontaire, qu’en sera t-il après la réforme ? Les décisions n’étant pas prises de manière définitive, nul ne le sait avec précision. Cependant, le schéma suivant se dessine : en cas de découplage total (l’hypothèse la moins probable), l’exploitant bénéficierait du même droit à paiement unique au titre d’un hectare de cultures admises ou au titre d’un hectare de jachère volontaire ; en cas de découplage partiel en revanche, il y a fort à parier qu’au-delà d’une proportion de l’exploitation fixée par pays, les montants des jachères volontaires seraient moindres. Dans cette formule de découplage partiel, la production serait de fait encouragée (et l’intérêt de la jachère relativiser d’autant) tandis que, dans le cadre du découplage total, production et non-production seraient traitées sur un pied d’égalité.

* Pour la récolte 2004, le taux de jachère obligatoire a été fixé à 5 % (au lieu de 10 % comme précédemment), le 17 décembre 2003 par le Conseil des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne. L’agriculteur continue à pouvoir pratiquer une jachère volontaire dans un volant de 25 % (5 % de jachère obligatoire + 25 % de jachère volontaire).

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire aussi

Les lycéens de Segonzac font leur salon

Les lycéens de Segonzac font leur salon

Les 7 et 8 décembre prochains, les étudiants du lycée Claire-Champagne vous invitent à Segonzac pour découvrir un tour de France des régions viticoles mais aussi des produits gastronomiques locaux. L'entrée est gratuite et une restauration est prévue sur place ! Plus...

error: Ce contenu est protégé