Les Journées européennes du patrimoine ont joué l’éclectisme cette année en ajou-tant au qualificatif culturel celui de naturel. Une relation d’évidence. Le patrimoine culturel peut-il se satisfaire d’un environnement dégradé ?
Depuis plusieurs années déjà, le groupe Pernod-Ricard fait du développement durable une orientation forte de l’entreprise (Plan d’action environnementale, Global impact…). Plus près des réalités de terrain, on se souvient de l’intervention marquante d’un Claude Bourguignon à la distillerie de Gallienne le 20 novembre 2009. Devant un parterre de viticulteurs – les adhérents de l’UVPC – le pape de la vie microbienne des sols y avait défendu avec une passion argumentée les bénéfices de la biodiversité. Depuis trois ans, cette démarche s’inscrit dans la pratique de Bernard Pineau, responsable des Vignobles Jean Martell.
« Travailler sur des équilibres »
Le samedi 19 septembre, c’est lui qui accompagnait à 10 heures le premier groupe de visiteurs. Sur le parcours d’environ 2 km à travers les vignes de la propriété de Lignières (près de Rouillac), il a commenté les signes ténus de cette biodiversité dont parlait Claude Bourguignon. La biodiversité, dit-il, « c’est travailler sur des équilibres ».
Il y a ces « traces vertes » où les animaux peuvent se réinstaller, ces tournières qui n’auraient pas dû être broyées à cette époque de l’année mais qui l’ont été (par des salariés soucieux de la beauté de leurs vignes et après tout, c’est aussi ça le patrimoine !), la réintroduction d’acariens, le pianotage culture/enherbement selon la nature du sol ou ces comptages d’abeilles solitaires, indicatrices d’équilibres naturels. Il y a aussi le comptage des vers de terre. B. Pineau a livré la recette : « Vous délimitez un carré d’un m de côté. Vous l’arrosez avec une solution à base de moutarde (prenez la moutarde Amora, c’est elle qui marche le mieux) et vous allez voir remonter les vers de terre, si votre sol bien sûr est en bonne santé. « Nous avons vu le changement s’opérer » a confirmé le technicien viticole. A Lignières, sur quelques ha, on utilise aussi comme paillage, les copeaux de la tonnellerie toute proche, celle qui répare les fûts de la maison. Une alternative au désherbage sous le rang, à condition d’en apporter suffisamment (au moins 10 cm). Bernard Pineau y voit toutefois deux limites – « L’épandage est très chronophage et à cause de la fraîcheur, les animaux fouaillent la terre. Un effet indésirable auquel nous n’avions pas pensé. » Les visiteurs ont demandé au responsable des Domaines ce qu’il pensait de la viticulture bio. « Nous ne sommes pas contre. C’est un choix respec-table. Mais l’Ugni blanc est un cépage très poussant et nous évoluons sous un climat océanique. Une viticulture raisonnée, res-pectant la biodiversité nous semble plus adaptée à nos conditions culturales. » Les Domaines sont suivis par l’IFV (l’Institut français de la vigne et du vin).
Domaines Jean Martell – Vignoble XL
Avec 431 ha de vignes, la société des Domaines Jean Martell apparaît comme le plus grand
vignoble de la région délimitée, sur les quatre premiers crus.
En 1965, Paul Ricard achète la propriété de Lignières, près de Rouillac. A l’époque, le vignoble compte 65 ha. Mais il va très vite s’agrandir pour atteindre finalement 185 ha. Surtout les premières années, l’accroissement des surfaces se fait à marche forcée : jusqu’à 15 ou 20 ha par an de plantations nouvelles. En 2002, le groupe Pernod-Ricard acquiert la société Martell et, en 2009, les deux vignobles fusionnent, pour donner naissance à la société des Domaines Jean Martell. Aujourd’hui, l’entité exploite 54 ha en Grande Champagne, 10 ha en Petite Champagne, 187 ha en Borderies (Domaine de Gallienne) et 185 ha en Fins Bois, à Lignières. La société d’exploitation emploie 31 permanents (plus des saisonniers) dont une équipe de dix ouvriers à Lignières.
Ici, la propriété jouit d’un parcellaire exceptionnel, très regroupé. Certains rangs peuvent atteindre 1 km de long (avec des « passe-pieds » tout de même). Cette concentration n’offre pas que des avantages. Quand la grêle passe, elle enlève toute la récolte. Ce fut le cas le 10 mai 2009. L’épisode 2014 a été moins dévastateur, même si, sur certaines parcelles, un taux de perte de 40 % a pu être constaté. Les vignobles Jean Martell assurent 3 % des approvisionnements de Martell. Les volumes sont distillés sur place, dans la distillerie qui fut, un temps, la plus grande d’Europe avec ses 64 alambics. Aujourd’hui, leur nombre a été réduit à 56 et il n’y en a que 28 en fonctionnement, dont une partie dédiée à l’activité de distillation à façon.
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