Martell, domaine de Gallienne, une chaudière nommée Zoé

8 mars 2019

Lorsqu’on la découvre pour la première fois, cuivres bien astiqués et briques rouges, la distillerie du domaine de Gallienne ressemble à bien d’autres distilleries. A bien y regarder pourtant, elle a quelque chose de différent, quelque chose que l’on ne trouve nulle part ailleurs…un peu d’histoire…

« Gallienne est un site très ancien, atteste Géraldine Galland, l’historienne de la maison Martell. On en trouve déjà la trace sur les cartes de Cassini au 18ème siècle. » Martell achète le corps de ferme et le domaine viticole en 1953 et construit sa première distillerie industrielle dix ans plus tard : 10 chaudières de 15 hectos qui distillent les vins du domaine, ainsi que ceux de quelques contrats. Mais l’essor de Martell est tel qu’il faut très vite augmenter les capacités de production. « C’est ainsi, raconte, Laurent Nony, aujourd’hui responsable de la distillerie, que le Maître de Chai de l’époque, Mr François Chapeau entreprend des recherches pour améliorer le processus de distillation et la qualité des eaux de vie. Il a l’idée, très novatrice, d’un alambic hors norme, un alambic de 129 hectos, uniquement destiné à la première chauffe. » Grâce à une dérogation, François Chapeau peut tester son idée, et c’est un véritable challenge qui s’engage pour la Maison Mareste, la chaudronnerie qui fabrique le mastodonte et qui doit adapter son savoir-faire à la taille inusitée de cette chaudière. Mission accomplie en 1967. Les distillateurs qui la découvrent la nomment Zoé. Elle fonctionne alors au charbon et se montre très gourmande.

En parallèle, les recherches progressent chez Martell : nouvelle innovation en 70 avec un brevet de brûleur à gaz maison. Le charbon est abandonné au profit du propane et les deux innovations se rejoignent en 72, lors de la construction de Gallienne 2. Le nouveau bâtiment accueille Zoé, après qu’elle est été testée pendant quelques campagnes, ainsi que 3 autres alambics de la même taille. Chacun de ces mastodontes, équipés des brûleurs maison, sert exclusivement aux premières chauffes. Ils sont couplés avec deux alambics de 20 hectos dans lesquels se font les bonnes chauffes. « Nous chargeons les grandes avec 100 hectos de vins, explique Laurent Nony, la quantité idéale pour obtenir 40 hectos de brouillis pour les 2 chaudières de 20 hectos. Galienne 3 a été construit sur le même modèle, qui permet de produire en continu, jour et nuit, sans être obligé de faire plusieurs premières chauffes avant de faire une bonne chauffe. La distillerie traite ainsi 1600 hectos de vin par jour pour sortir 150 hectos d’alcool pur par jour. »

 

D’abord des passionnés…

 

Cette technique spécifique est en phase parfaite avec le style Martell : distillation exclusive de vins clairs, recyclage de 100% des têtes et des queues dans le vin, « et surtout, précise Laurent Nony, respect méticuleux de la courbe d’extraction et du niveau de chauffe pour améliorer le tri et obtenir le meilleur du cœur. Pour obtenir l’eau de vie la plus fine, la plus élégante, la coupe est un moment primordial et pour cette étape, en dépit de la pertinence des automates qui équipent la distillerie, ce sont les hommes qui ont la main. Ils travaillent la pression des gaz, ils vérifient la douceur en bouche et au nez des eaux de vie… la coupe doit arriver juste au bon moment… »

La distillerie Gallienne « tourne » avec 8 distillateurs, qui travaillent en équipe de deux. « Chez Martell, nous privilégions le compagnonnage, pendant 2 à 3 ans. C’est indispensable pour que rien ne se perde de l’expérience et du savoir-faire des ainés. D’ailleurs, en distillerie, on reste apprenti toute sa vie : chaque campagne, chaque cru, chaque millésime, chaque vin, chaque chauffe est différent, il faut toujours se remettre en question. Pour recruter, je ne recherche pas de formation particulière, je veux des passionnés, des hommes ou des femmes qui ont l’amour du produit. Même chez ceux qui ont des décennies de boîte, la passion perdure, on ne rencontre aucune lassitude. Il faut aussi qu’ils sachent communiquer et partager : il est primordial que la communication passe entre les équipes qui se croisent, tout ce qui a pu se passer doit être transmis. Et puis il ne faut pas être avare de son expérience… »

Et quand on lui parle de la magie de la distillation, Laurent Nony tient à souligner que cette magie n’opère que parce que des viticulteurs ont bien travaillé en amont… « quand l’un de nos échantillons obtient un AA, la plus belle note, à la dégustation, c’est bien sûr parce que nous avons bien travaillé mais c’est aussi aux viticulteurs que nous le devons, parce qu’ils ont fait un super travail dans leurs vignes, qu’ils ont réussi leur vinification. On doit leur dire Merci Messieurs et Bravo ! » Les viticulteurs, c’est la responsabilité de l’équipe des achats des vins et des eaux de vie pour les 9 distilleries de Martell (Galienne et Lignères appartiennent à Martell, les autres sont des bouilleurs de crus professionnels avec contrat d’exclusivité). Les 216 viticulteurs actuellement en contrat avec Gallienne, sont géographiquement proches : ces dernières années la répartition entre les distilleries a été réorganisée pour réduire au maximum l’empreinte écologique. « La proximité existe aussi au niveau relationnel, souligne l’un des représentant de l’équipe, Bertrand Gazeau. Nous connaissons bien nos viticulteurs et ils connaissent bien Galienne… »

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« Notre challenge quotidien, conclut Laurent Nony, c’est de respecter et de sublimer la qualité des vins que nous travaillons. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. Depuis l’arrivée des vins, leur analyse et leur dégustation, jusqu’à l’eau de vie qui sort de Gallienne, tout ce que nous faisons se retrouvera dans une bouteille qui ne sera peut-être composée que dans 10 ou 30 ans…c’est pour le futur que nous travaillons ! »

 

 

Une équipe signée Gallienne

 

Philippe Fougerat a beaucoup de bouteille, Julien Meunier un peu moins…le duo s’est formé pour toute la durée de la campagne. Il alterne travail de jour et travail de nuit et parcourt souvent plus de 10 km par garde.

Philippe Fougerat a 37 ans de maison. Chez Martell, il a commencé dans la production et quand il a pu choisir une autre orientation dans ce que lui proposait l’entreprise, il a choisi la distillation. « Gallienne a été ma première distillerie – j’ai connu G 1- l’hiver on vivait pratiquement ensemble, c’était vraiment très familial, même si je dois avouer que l’automatisation a apporté beaucoup de confort. »

Julien Meunier a commencé sa vie professionnelle comme plombier chauffagiste, avant de changer d’orientation. « J’ai débuté chez Martell en mission d’intérim, pour l’initialisation du parc de barriques. Après 7 à 8 mois, en 2011, on m’a proposé d’intégrer la distillation et j’ai plongé. J’ai fait trois ans comme compagnon, tous les anciens étaient encore là et ils m’ont beaucoup appris. »

 

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