Conduite en état de stress

20 avril 2009

La Rédaction

Les chicanes de la loi imposent de slalomer entre les interdits. Conduite en état de stress et prime de risque à ceux qui grillent les feux rouges.

 

Loi Evin

Une loi hygiéniste

Souvent envisagée sous le seul prisme de la publicité des alcools et des boissons alcoolisées, la loi Evin revêt une portée plus large.

C’est contre l’alcoolisme mais aussi contre le tabagisme que lutte la loi du 10 janvier 1991. Ou, plus exactement, elle se donne pour objet principal de combattre les comportements dangereux liés à ces deux consommations assimilées à des « fléaux sociaux ». Si la loi Evin interdit de manière totale toute publicité directe ou indirecte sur le tabac, elle « encadre » la publicité sur les boissons alcoolisées. La publicité ne constitue d’ailleurs qu’un des aspects des dispositions législatives. De façon générale, la loi identifie cinq axes majeurs d’intervention pour combattre l’alcoolisme : des sanctions et une aggravation des peines – un rôle accru accordé aux associations de lutte contre l’alcoolisme – la protection des consommateurs et notamment des mineurs (interdiction des boissons alcooliques dans les distributeurs) – l’information du consommateur (message sanitaire : « l’abus d’alcool est dangereux ») – la limitation de la publicité, avec une interdiction totale des actions de parrainage.

Les publicités frôlent l’illégalité… en évitant d’y tomber.

loi_evin.jpg« Pas vu, pas pris ». C’est parfois à ce type de morale – pas très morale – que parviennent ceux qui sont en charge des campagnes de publicité pour les alcools. Onze ans après le vote de la loi, les entreprises du secteur des alcools ont appris à jouer – et à déjouer – les rigueurs de la loi. De manière cynique on peut dire que la prime va au plus malin, à celui qui aura frôlé l’illégalité sans y tomber ou, mieux encore, y sera tombé sans être pris la main dans le sac. Respecter la lettre et non l’esprit. C’est un sport auquel toutes les grandes marques s’attellent avec un plaisir consommé. C’est bien connu : la censure stimule la créativité. Les agences de création l’admettent elles-mêmes : 90 % des publicités du secteur vins et spiritueux bafouent l’esprit de la loi. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elles créent un climat d’incitation à consommer et que la loi vise justement à censurer ce climat d’incitation. Mais n’y a-t-il pas contradiction à attendre autre chose d’un message publicitaire ?

La loi Evin aura eu au moins un effet : systématiser le recours à des juristes spécialisés dans le droit de la publicité. Pas une campagne qui ne passe entre leurs mains. Le « dire d’expert » va procéder à une gestion pragmatique des risques encourus, éviter les provocations les plus flagrantes. Et puis, ensuite, ce sera « à votre bon cœur m’sieurs dames ». Tout se jouera sur la poursuite ou la non poursuite de la campagne devant les tribunaux. Entre 1991 et 1998-1999, ces poursuites furent assez nombreuses, entre 20 et 30. Depuis cette date, elles ont beaucoup baissé pour ne pas dire qu’elles se sont éteintes. Les annonceurs alcooliers vivent-ils aujourd’hui dans l’immunité totale ? Non, demain ou après-demain, ils peuvent toujours tomber sous le coup d’une poursuite de l’ANPA (Association nationale de la prévention de l’alcoolisme), la principale pourvoyeuse de contentieux. Restera l’interprétation du tribunal, une interprétation qui, à l’usage, s’est révélée assez aléatoire ou en tout cas en décalage avec la pratique. Des campagnes audacieuses sont passées à travers les mailles du filet alors que d’autres, plus anodines, étaient recalées par les juges.

En son temps, la loi Evin a provoqué une mini-révolution. Elle inversait carrément les règles du jeu. Auparavant, la publicité pour les alcools était autorisée, sauf un certain nombre d’interdictions spécifiques comme de parler de véhicules à moteur, de sensualité, de sport ou d’utiliser le support de la télévision. Après le 10 janvier 1991, la loi Evin pose le principe de l’interdiction de la publicité des alcools, sauf un certain nombre d’expressions autorisées, dont la loi dresse le catalogue strict : le degré alcoolique, l’origine du produit, sa composition, son mode d’élaboration, son terroir, son mode de consommation, ses modalités de vente, le nom et adresse de ses dépositaires.

Qu’est-ce que la publicité ? « Un outil stratégique pour « piquer » des parts de marché au concurrent. » Même si la loi Evin n’a pas tué la créativité, elle a nécessairement bridé la liberté d’expression. Conséquence indirecte : beaucoup de professionnels considèrent qu’elle a eu tendance à figer les positions concurrentielles. Les produits qui affichaient trente ans de publicité derrière eux ont capitalisé cet acquis. Voire par exemple les Whiskies, qui, depuis des lustres, ont investi de manière massive le marché français. Situation plus délicate pour les nouveaux venus comme le Cognac et d’autres, qui doivent jouer des coudes avec une visibilité moindre. A ce propos, comment perçoit-on les campagnes génériques Cognac ? De l’avis des juristes, elles paraissent plus proches de la loi Evin que beaucoup d’autres campagnes pour les alcools. Le produit, rien que le produit ! Telle semble être la religion que s’est forgé le Cognac pour ses campagnes collectives. Question : n’est-ce pas une approche un tout petit peu trop timorée ? Quand on voit l’impunité dont jouissent des « campagnes à risques », on est en droit de se demander si le Cognac ose assez. « Osez Joséphine » chantait Alain Bashung. « Osez Cognac » a-t-on parfois envie de dire.

 

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