Les vins de terroir du Plantier de Chipre

14 mars 2009

L’implantation d’un vignoble de 5 hectares de vins de pays rouges représente une démarche importante sur les plans techniques et économiques, et il convient d’aborder un tel projet avec beaucoup de professionnalisme surtout quand on décide de prendre en charge la commercialisation. C’est le pari qu’on fait Maria et Patrick Brillet en créant la production de vins rouges du Plantier de Chipre à la fin des années 1990. Leur projet a été construit dès le départ en ayant une réflexion globale intégrant les aspects techniques et commerciaux. Ce couple de viticulteurs avait une idée très précise du vin qu’il voulait élaborer et vendre avant même de réaliser leur première vinification. Le millésime 2003 du Plantier de Chipre est actuellement en cours de commercialisation et, sur le plan qualitatif, le vin reçoit un très bon accueil de la part des professionnels et des amateurs.

patrick_et_maria.jpgPatrick et Maria Brillet ont acheté en 1982 une vieille parcelle d’Ugni blanc de 5 ha située sur les coteaux de Saint-Simeux qui était implantée sur un magnifique terroir. Chaque année, la très bonne capacité de maturation des raisins les avait surpris et les moûts étaient en général destinés à la production de Pineau surtout les années où le climat n’était pas de la partie. C’est donc avec un peu de regret qu’au début des années 90, cette plantation « vieillissante » a été arrachée. Lorsqu’à la fin des années 1990, ce couple de viticulteurs s’est intéressé à la production de vins de qualité, c’est presque naturellement que la situation du Plantier de Chipre à Saint-Simeux s’est imposée comme le contexte de production idéal. Pour l’anecdote, ce site est aussi « chargé » d’histoire puisqu’en 1896, la grande parcelle du Plantier de Chipre, qui n’était pas cultivée, a accueilli un grand défilé militaire en présence du Président de la République.

Le vin au cœur d’un projet global de développement du Domaine du Breuil

L’engagement dans la production de vins de pays sur cette propriété s’inscrit dans une démarche globale de valorisation des productions viticoles du domaine du Breuil qui s’est matérialisée depuis quelques années par le lancement d’une gamme de Pineaux et de Cognacs vendus en bouteilles et d’une approche de tourisme à la ferme avec l’ouverture d’un gîte rural. Maria Brillet ne cache pas que l’introduction de l’activité vins de pays sur l’exploitation a été un événement important : « C’est un projet familial qui s’est construit progressivement. Les contacts que nous avons sur le plan commercial depuis de nombreuses années nous ont permis de nous rendre compte que la démarche de vente à la propriété était porteuse et connaissait un certain développement. Les consommateurs semblent de plus en plus demandeurs d’informations sur les conditions de production, et un vigneron réalisant de la vente à la propriété est sans aucun doute le mieux placé pour aborder ces sujets. Par ailleurs, le fait d’avoir au catalogue du vin de qualité et pourquoi pas des vins bio représentait aussi un excellent produit d’appel pour capter l’intérêt d’une frange de clientèle nouvelle à la recherche de productions authentiques. » La particularité de la démarche de production de ce couple de viticulteurs est d’avoir conduit dès le départ une réflexion reposant sur une double approche à la fois technique pour élaborer un vin rouge de forte typicité et commerciale pour positionner leur production sur une niche commerciale générant de la valeur ajoutée.

Un investissement dans la formation avant de planter les vignes

P. Brillet a pris en charge les aspects techniques de mise en place de la production et il s’est donné les moyens de construire son projet en suivant une formation de viticulture et d’œnologie à l’Institut d’œnologie de Bordeaux pendant une année complète. Cela lui a permis de s’immerger dans l’univers de production des vins de qualité et de nouer des contacts avec des spécialistes et d’autres vignerons. Il a très vite pris conscience de la forte corrélation qui existe entre l’investissement technique au vignoble et la qualité finale des vins. L’obtention de raisins de grande qualité a été au cœur de toutes les préoccupations pour implanter ce vignoble. Les caractéristiques de la parcelle du Plantier de Chipre, une situation en sommet de coteaux, des sols de groie très superficiels et un long passage en jachère (presque 10 ans), représentaient sur le plan du terroir un potentiel exceptionnel qu’il convenait de savoir valoriser. L’implantation de ce vignoble de vins de pays s’est étalée sur deux années avec, en 2000, la plantation de 2 ha de Cabernet franc et en 2001 de 3,32 ha de Merlot. Les choix des deux cépages, des clones (N° 242, 107 et 109 pour le Cabernet N° 281 pour le Merlot), de porte-greffes à faible vigueur (fercal en majorité) répondent à un cahier des charges très qualitatif pour valoriser le potentiel du sol. La densité de plantation de 5 000 souches/ha (2 m sur 1 m) favorise les phénomènes de concurrence et la maîtrise de la vigueur. La forte hauteur du palissage confère à la vigne une grande surface foliaire, ce qui est toujours propice à la maturation des raisins.

Une conduite du vignoble en viticulture biologique pour profiter d’un créneau de marché porteur

L’autre particularité du vignoble du Plantier de Chipre est qu’il est conduit en viticulture biologique. Ce choix a été motivé à la fois par des contingences commerciales et aussi par une volonté personnelle d’élaborer des vins d’une manière la plus respectueuse des enjeux environnementaux. La situation complètement différenciée du reste de la propriété de l’îlot de production de vins de pays a aussi rendu possible l’agrément en viticulture biologique de l’atelier de production de vins de pays. P. Brillet tient sur ce sujet un discours cohérent qui traduit aussi toute son évolution personnelle de producteur soucieux de maîtriser les pratiques de protection du vignoble : « J’ai toujours porté une attention particulière aux aspects de lutte raisonnée sur la propriété. D’ailleurs, dès la fin des années 80, je m’étais rapproché d’un distributeur qui justement avait mis en place une véritable stratégie de protection du vignoble réellement raisonnée en fonction des risques parasitaires. L’implantation du vignoble de vins de pays sur le Plantier de Chipre à Saint-Simeux a été l’occasion d’aller plus loin en optant pour la conduite en viticulture biologique. Cela fait plusieurs années que je m’étais intéressé à ces approches de lutte bien différentes et leur faisabilité me paraissait en phase avec les attentes techniques de production des vins de pays. Les divers contacts avec des viticulteurs bio de la région nous ont fini de nous convaincre surtout par l’intérêt que suscitaient les vins bio auprès des consommateurs. Nous avons fait une étude de marché qui nous a confirmé qu’il existait une marge de progression intéressante sur ce créneau pour des vins de qualité. Aussitôt la première mise en bouteille, les premiers contacts avec des acheteurs de grande distribution au plan régional comme au niveau national nous ont confortés sur ce plan. »

Des charges de main-d’œuvre plus imporrantes

La conduite en viticulture biologique s’appuie sur un cahier des charges précis qu’il convient de respecter pour obtenir la certification. La philosophie de production repose essentiellement sur des interventions préventives, que ce soit au niveau de l’entretien du sol (pas d’herbicides) comme de la protection du vignoble. L’isolement et la surface suffisante de l’îlot de production de vins de pays du Plantier de Chipre ont permis d’aborder la gestion des travaux d’une manière rationnelle. La démarche de production a été soumise à plusieurs audits de contrôles réalisés par un organisme agréé Qualité France Véritas qui ont débouché sur l’obtention d’une certification Bio. Les vignes sont conduites en cordons bas palissés avec un objectif de rendement de 50 hl/ha qui correspond à un bon compromis de rentabilité économique et de qualité. Après avoir réalisé deux récoltes, P. Brillet considère que les raisins issus de la viticulture biologique possèdent naturellement une meilleure résistance aux pressions de parasitisme. Sur le Plantier de Chipre la parcelle de vigne semble avoir, malgré sa jeunesse, trouvé un bon équilibre de vigueur qui s’avère propice à de belles maturations. Ce viticulteur a aussi essayé de cerner les charges de production qui, sur le plan de la main-d’œuvre, sont supérieures de 30 à 40 % à celles d’une vigne large palissée de type Cognac. L’augmentation de ces coûts est essentiellement liée à des interventions spécifiques sur 5 000 ceps/ha comme l’égourmandage en vert, les vendanges manuelles en 2003, la vendange verte en 2004, et la réalisation d’un entretien des sols mécanique durant toute la saison.

Des premières vinifications en 2003 qui confirment le gros potentiel du terroir

tres_belle_qualite_des_raisins.jpgLa première véritable récolte de l’ensemble des surfaces de Cabernet franc et de Merlot a eu lieu en 2003 et les vinifications ont été réalisées au domaine du Breuil avec des moyens technologiques limités. Après s’être fait le palais en dégustant de nombreux vins rouges des Charentes et surtout d’autres régions, Maria et Patrick avaient une idée précise du type de vin rouge qu’ils souhaitaient élaborer et commercialiser : « Notre souhait était d’élaborer un vin rouge bien structuré mais présentant aussi une certaine souplesse et beaucoup de fruité. La production du Plantier de Chipre devait à la fois pouvoir commencer à se boire dans les un à deux ans après la récolte et aussi se bonifier dans le temps par une conservation allant jusqu’à 4 à 5 ans. La jeunesse des vignes ne permettait pas non plus de rechercher des extractions tanniques très poussées, plus adaptées à des vins de garde nécessitant un élevage plus long. Le fait d’élaborer des vins de moyenne garde nous permettait aussi de faire preuve de réalisme économique. » La très bonne surprise du millésime 2003 a été les conditions de maturation exceptionnelles qui ont permis de récolter des raisins d’une richesse phénolique surprenante, aux dires de l’œnologue et des premiers dégustateurs. Par contre, la conduite des vinifications a été assez délicate en raison de la précocité et des conditions climatiques très chaudes. M. P. Brillet s’est entouré des compétences d’un œnologue, M. Christian Guérin, pour aborder ses premières vinifications de vins de pays et un véritable partenariat s’est créé entre les deux hommes pour optimiser les pratiques au jour le jour. La précocité de l’année a un peu pris de vitesse tout le monde car les raisins blancs étaient arrivés à maturité avant les raisins rouges et la conduite des deux types de vinification dans le même chai a nécessité un investissement personnel important. La récolte a été effectuée manuellement (assez tardivement) en tenant compte de la maturité phénolique et ensuite l’extraction de ce potentiel pendant les cuvaisons a nécessité des pigeages et des remontages fréquents. Les moyens technologiques fonctionnels mais limités qui avaient été mis en place ont permis d’extraire le meilleur des raisins. Cepndant, le vécu de ces premières vinifications a fait prendre conscience à ce viticulteur de l’importance des moyens technologiques dès que l’on élabore des volumes conséquents. Les vins du millésime 2003 n’ont pas subi d’élevage en barrique et leur mise en bouteille est intervenue à l’automne dernier. L’accueil du premier millésime du Plantier de Chipre par les professionnels du vin a été bon et suivi des premières commandes.

Un cahier des charges encore plus ambitieux pour les vinifications 2004

bouteille.jpgLe caractère « charnu, équilibré et plein de naturel des arômes » de ce vin rouge bio a surpris et séduit bon nombre d’amateurs et de spécialistes des vins lors des Gastronomades qui se sont déroulées à Angoulême à la fin du mois de novembre. Maria Brillet a aussi beaucoup investi dans le packaging et la communication autour de la production du Plantier de Chipre, et tous ces efforts commencent à porter leurs fruits avec la finalisation de contacts commerciaux intéressants sur le plan des volumes et des prix auprès de la grande distribution et des circuits traditionnels. Le Plantier de Chipre est commercialisé auprès des particuliers sur la base de 6,50 e/bouteille et ce niveau de prix plutôt élevé n’a jusqu’à présent posé aucune difficulté. Les vendanges 2004 ont été abordées d’une autre manière car le volume de production était plus important et P. Brillet souhaitait réaliser des vinifications avec un cahier des charges encore plus technique. En effet, les contacts commerciaux confirment l’intérêt d’élaborer au moins deux qualités de vins rouges et de proposer un rosé bien structuré. Or pour accomplir cet objectif, l’installation de vinification devait être profondément aménagée et cela nécessitait de gros investissements qui pour l’instant s’avèrent trop lourds. Les vinifications du millésime 2004 ont donc été réalisées en prestation de service à la Sica Goulebenèze à Burie. La production du Plantier de Chipre a été vinifiée de façon complètement indépendante de celle du reste de la cave, avec une récolte séparée de chaque cépage. Cette année, le très bon niveau de maturité des raisins lié à la qualité du terroir a permis de pousser les extractions phénoliques sans que la jeunesse des vignes ne se fasse « sentir » au niveau des tannins. Les cuvées de Merlot et de Cabernet franc en rouge semblent très intéressantes et d’ici quelques semaines les assemblages vont être réalisés. Le rosé 2004 a été élaboré pour les deux tiers à partir d’une saignée des cuves de Merlot et pour le reste d’un pressurage direct de Cabernet, et cela permet d’obtenir un produit complexe qui se rapproche du type Clairet. Le suivi des vinifications 2004 a été réalisé par un œnologue consultant du Bordelais, M. Nicolas Dabudyck, qui travaille pour la Sica Goulebeneze et de nombreux domaines en Gironde.

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