Le territoire et le foncier, enjeux éternels et vitaux

18 décembre 2019

Comparaison n’est pas raison. Elle permet, ici, de dégager une tendance, une santé, une énergie des territoires de la Charente, selon les filières agricoles en jeu – chacune ayant son importance et ses spécificités propres –, dans des départements des Charentes portés en leur sein par la viticulture, sans oublier, ni négliger, les autres structures,  plus largement développées en s’éloignant du cœur du Cognac et de la valorisation économique de ses crus.

 

« Pas de pays sans paysans », Raymond Lacombe

Lors du mois de septembre dernier, les SAFER des deux Charentes ont fait le bilan de leur année 2018 et le point de leurs actions sur les territoires où s’exercent leurs missions.

Patrice Coutin, président de la SAFER Nouvelle-Aquitaine, créée au mois de juin, a présenté la SAFER comme « un lieu de démocratie foncière où se retrouvent les syndicats agricoles, les collectivités, les secteurs de l’environnement, les filières. Les SAFER sont devenus des acteurs de l’espace rural où ils décident sur des projets. Pour décider de la gestion du foncier qui touche tout le territoire, nous avons besoin de tous les acteurs et aussi des experts, qui apportent leurs contributions sur les dossiers de façon à être entendus à l’unisson pour la meilleure décision possible. Nous devons toujours justifier nos choix ; nous avons toujours évolué, et nous devons aller plus loin pour donner plus de force aux personnes qui cherchent à organiser le foncier pour les années à venir. »

Par la voix de leurs représentants, chacune des deux SAFER, Charente et Charente-Maritime, les 9 et 20 septembre derniers, ont évoqué les spécificités de leurs territoires.

 

SPÉCIFICITÉS DES TERRITOIRES, SPÉCIFICITÉS DES CULTURES

En Charente, au lycée agricole de l’Oisellerie à La Couronne, David Tireau, président du comité technique départemental a présenté l’institution comme un élément « rationnel, où nous essayons au maximum de valoriser l’intégration des jeunes, et ce n’est pas toujours facile », pointant la difficulté du monde rural à se régénérer via de nouvelles générations. De son côté, Sylvie Massacré, chef du service départemental insista sur le « rôle de régulation, afin de limiter les hausses trop importantes des prix du foncier, malgré tout, nous constatons une évolution d’année en année. » Elle reconnut que « les vignes sont un sujet assez sensible dans notre département, marché très tendu dans lequel nous devons ramener les gens à la raison. Notre rôle de régulation se manifeste par le fait que depuis 2012, l’augmentation du prix des vignes est, certes, réelle, mais maîtrisée ».

En Charente-Maritime, Christophe Dédouche, président du comité technique, voulut démontrer l’important du territoire, « l’outil de travail des agriculteurs. Cette terre que nous ne pouvons diviser, nous essayons de la partager, c’est-à-dire l’attribuer aux différents projets qui impacteront le territoire, et la Charente-Maritime est un territoire dans lesquels nous avons l’agriculture avec toutes ses productions : l’élevage en voie de disparition, la viticulture en plein développement – ce qui, au niveau du foncier, pose quelques problèmes –, les grandes cultures en difficulté, l’ostréiculture. Le développement local est nécessaire pour la bonne mise en place des infrastructures pour accueillir de nouveaux arrivants, des touristes, les aménagements routiers, les déviations, extensions d’aéroports et de zones économiques, et l’environnement, avec la partie littorale, les îles, les protections de la ressource en eau potable, la forêt. Nous travaillons aussi avec la fédération des chasseurs et les autres organismes de protection de la nature plus ceux que nous verrons naître à l’avenir. »

 

Le marché foncier viticole : vente de vignes ou terres et vignes

Dans un esprit de synthèse, il nota que « chacun se sent prioritaire, possède ses propres arguments, de l’installation à l’agrandissement de l’exploitation. Nous avons besoin de tout le monde et de tous les regards pour prendre la bonne décision, voire la moins mauvaise. »

D’ailleurs l’INAO présente en Charente 19 appellations (AOC-AOP et IGP) pour 30 dénominations et 67 produits ; en Charente-Maritime 20 appellations (AOC-AOP et IGP) pour 32 dénominations et 69 produits.

 

LES GRANDES TENDANCES

Alors que les deux Charentes sont dans la fourchette médiane des « prix des terres et prés libres non bâtis par région agricole en 2016-2018 (moyenne triennale) », de 5 000 à 6 500€/ha, la valeur de ces derniers a augmenté de 20 à 30% entre 2006-2008 et 2016-2018, avec une concentration autour des parcelles viticoles, les prix et les augmentations restant moindres au plus l’on s’écarte du cœur nucléaire et concentrique des crus du cognaçais. Il persiste évidemment une grande disparité, de 1 à 10, entre les « terres et prés » et les « vignes », passant de 3 800 € en 2009 à 4 200 € en 2018 contre 30 000 € en 2009 à 50 300 € (avec un delta, officiel, de 30 000 à 65 000 € selon les crus).

 

LE PAYS DE JOB

Les spécificités territoriales se voient et se ressentent, jusqu’au prix des parcelles. La Charente-Maritime a également des territoires tournés vers l’océan, ainsi qu’un fort attrait touristique estival, qui déterminent les paysages, la politique territoriale (forte activité saisonnière, ostréiculture, Pineau des Charentes). Tel Job au pays de Uç, les fortunes des cultures et des maisons divergent, vivent de tribulations et de réussites diverses.

Paul Arnold, chef du service départemental du service de Charente-Maritime a pointé, dans les deux départements, une « forte augmentation des terres dans les secteurs viticoles. Nous avons du mal à maîtriser le prix du foncier, pour la bonne raison qu’une terre exploitable en céréales 5500 à 7000 €, avec l’autorisation d’ouverture de plantation, pour une terre exploitable en vigne, 8000 à 10 000 €/ha voire beaucoup plus (15000 à 20000 €). Au niveau de la SAFER, nous avons énormément de mal à réguler ce marché, car cela créé un fort déséquilibre entre les différentes filières. La situation de l’élevage est de plus en plus complexe, et les céréales, car même si les productions sont belles, les cours ne sont pas là. Une vraie problématique aujourd’hui, sur ce marché là. L’augmentation d’autorisation de plantation a une conséquence sur le prix des vignes, car nous avons eu une stagnation de l’augmentation de ces valeurs-là.

Au-delà de 65000 €/ha, ceux qui achètent à ce prix-là sont des investisseurs, des gens qui ont des capitaux et qui arrivent de l’extérieur (avec des revenus qui viennent d’ailleurs) ou des maisons de négoce, qui, avec le pouvoir de leurs structures, vont acquérir avec des montants plus élevés. Également, certains viticulteurs qui ont de grosses structures achètent des valeurs plus élevés. Certains réalisent des montages sociétaires afin de contourner tout le système et les viticulteurs, les jeunes voulant s’installer, n’arrivent plus à accéder au foncier. »

 

LA DÉLICATE AFFAIRE DE LA TRANSMISSION/DE L’HÉRITAGE

Psaume 15.06 « La part qui me revient fait mes délices ; j’ai même le plus bel héritage ! » ; Saint Mathieu, 5.05. « Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. »

La difficulté d’accéder au foncier provient également des charges lourdes dont doivent s’acquitter les héritiers ; souvent, un seul poursuit la tâche de ses ancêtres et doit racheter, au moins pour partie, les parts de ses frères et sœurs, ou payer des dividendes. Autant d’argent quittant les murs de l’exploitation ralentit, alourdit ou limite l’activité, du moins son dynamisme et sa modernisation, comme une nouvelle installation à recommencer, peu ou prou, à chaque nouvelle génération.

Dans son ouvrage Ce sang qui nous lie, Sylvain Durain explique la force de la cellule familiale, autant par la spiritualité que par l’humanité (ou matériel humain, la fameuse main d’œuvre). « La virilité, comme la famille, doit se comprendre par le symbolisme de la croix. La partie horizontale est la virilité physique, puissante et matérielle, la partie verticale est la virilité spirituelle. Hors de l’alliance des deux, cette virilité sera manipulée car manipulable, utilisée et broyée par des systèmes ou des régimes en manque de légitimité. Lorsqu’elle est portée par le symbole de cette croix, elle est parfaite car contrôlée et enracinée. Ainsi, nous pourrions dire que la virilité bien comprise, la double, est sublimée par la figure paternelle. C’est la figure du père qui porte en elle ces deux aspects, physique et moraux. C’est elle qui l’incarne. De ce fait, le « système » ne tente de tuer ni la masculinité ni la virilité, mais au contraire de réduire l’homme masculin dans son rôle de mâle, presque animal, et dans tous les cas, primitif, sans possibilité d’incarner cette image. C’est le père qui est attaqué, car avec le père la virilité est certes toujours un outil, mais manié à l’image de Dieu le Père. »

Dans la postface du même ouvrage, Charles Robin opine aux dires de l’auteur.

« Verticalité n’est pas synonyme d’autoritarisme borné. Elle est synonyme d’ancrage. Vertical, c’est ainsi que se tient l’homme, contrairement à la plupart de ses congénères. Debout. Les pieds sur la terre, la tête dans le ciel. Intermédiaire entre le monde physique et l’espace métaphysique. Détruire la verticalité de l’homme, c’est détruire sa transcendance, c’est détruire sa nature profonde. […] Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’horizontalisation de notre monde a une limite. Et lorsque cette limite aura été atteinte, lorsque l’homme aura été nié jusque dans sa radicalité métaphysique, lorsque, n’ayant d’autre choix que de relever la tête vers le ciel, il se redressera, alors s’achèvera le cycle, alors sera aboli le cycle. »

Le cycle charentais dure une quarantaine d’années autour de la vigne, lequel comprend les cycles économiques avec ses crises et ses euphories, dans lesquels s’inscrivent les aléas climatiques annuels ou pluriannuels avec ses compressions volumiques dus au gel et à la grêle. À l’instar de la SAFER, le paysan est le régulateur de la météo sur ses terres (cultivées ou au repos), en travaillant selon les circonstances. A chacun ses évolutions, symbiotique ou erratique. En tout cas, l’agriculture s’affaire.

 « Les citadins commencent à s’apercevoir que sans l’entretien des hommes et des femmes, la nature qu’ils aiment appeler "sauvage" ne serait qu’une vaste étendue sans valeur ! »

« Ces idées de zones monofonctionnelles me paraissent un peu dangereuses et la tendance protectionniste qui sévit aujourd’hui, avec à la fois la mise en place de cloches sur des espaces naturels et parallèlement les processus de concentration anarchique autour des villes, n’est pas sans risque. »

Raymond Lacombe

 

 

Le nouvel indice des fermages pour 2019 (indice base 2009) est de 104,76, une augmentation de 1,66% pour la polyculture élevage ; si le prix du quintal fermage existait toujours cela correspondrait à 22.84 euros/quintal.

 

Fermage fixé en nature (avant 1995)

Litre de lait : 0,3462€

Quintal de blé : 22,15€

Quintal de maïs : 19,03€

Viande 0 : 3,65€

 

Fermages Viticoles 2019

 

Charente

Grande Champagne : 928.00 €/hl d’alcool pur (2018 : 768 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 20,85%)

Petite Champagne : 845.00 €/hl d’alcool pur (2018 : 699 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 20,89%)

Borderies : 923.00 €/hl d’alcool pur (2018 : 869 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 7,84%)

Fins Bois : 826.00 €/hl d’alcool pur (2018 : 683 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 20,94%)

Bons Bois : 778.00 €/hl d’alcool pur (2018 : 643 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 21%)

 

Charente-Maritime

Petite Champagne : 906 €/hl d’alcool pur (2018 : 836 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 8,37%)

Borderies : 824 €/hl d’alcool pur (2018 : 915 €/hl d’alcool pur, soit diminution 9,95%)

Fins Bois : 869 €/hl d’alcool pur (2018 : 799 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 8,76%)

Bons Bois : 794 €/hl d’alcool pur (2018 : 722 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 9,97%)

Bons Ordinaires : 728 €/hl d’alcool pur (2018 : 662 €/hl d’alcool pur, soit augmentation 9,70%)

 

 

Définition et rôles de la SAFER

SAFER : Société d’aménagement foncier et d’établissement rural).

Société anonyme, sans but lucratif (sans distribution de bénéfices), avec des missions d’intérêt général, sous tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances. Les Safer, issues des lois d’orientation agricole de 1960 et 1962, couvrent le territoire français métropolitain et 3 DOM.

 

Objectifs : opérateur foncier & expert en observation foncière

 

Missions (en contribuant à un aménagement durable de l’espace rural) :

– dynamiser l’agriculture et la forêt ;

– accompagner le développement local ;

– participer à la protection de l’environnement ;

– assurer la transparence du marché foncier rural.

 

Le droit de préemption

La Safer achète des biens agricoles ou ruraux puis les revend à des agriculteurs, des collectivités, des établissements publics nationaux ou locaux (conservatoire du littoral, parcs naturels, agences, etc.), personnes privées (conservatoires, associations, fédérations, entreprises, etc.) dont les projets répondent à l’objectif de ses missions.

Articles L 143-1 et suivants du code rural : La loi donne aux Safer la possibilité de disposer d’un droit de préemption, afin de leur permettre de mener une action cohérente dans le cadre de leurs missions. Elles sont systématiquement informées des projets de vente de biens ruraux par les notaires et peuvent acheter prioritairement le bien en lieu et place de l’acquéreur initial. But : revendre à un autre attributaire, choisi par la commission locale de la Safer, dont le projet répond mieux aux enjeux d’aménagement locaux.

 

L’action de la Safer :

– acheter des biens agricoles ou ruraux mis en vente ;

– fixer les conditions et le prix de vente, le même pour tous les acquéreurs potentiels ;

– annoncer la vente du bien et recueille les candidatures ;

– rechercher des investisseurs pour accompagner des projets d’installation pour de jeunes ou moins jeunes agriculteurs, viticulteurs ou autres… ;

– organiser des commissions d’acteurs locaux (professionnels agricoles, élus, divers autres…) pour examiner tous les projets des candidats ;

– en regard des avis de ces commissions,  identifier le ou les candidat(s) dont le projet correspond le mieux au bien ;

– accompagner jusqu’à la signature le vendeur, l’acquéreur, le bailleur, le locataire…

 

Paul Arnold Le marché foncier rural est l’ensemble des notifications de vente que les notaires nous envoient – ils sont obligés d’informer la SAFER pour ouvrir un droit de préemption sur la possibilité d’intervenir, ou pas, sur telle ou telle vente.

 

Source : https://www.safer.fr/

 

LE BEURRE ET LA VIGNE DANS LES CHARENTES

Historique :

« Jusqu’en 1880, la zone des Charentes était essentiellement viticole, l’élevage bovin était réduit et essentiellement orienté vers l’engraissement.

L’apparition du phylloxéra a modifié complètement la physionomie agricole. En 1885, le vignoble avait disparu et pendant de nombreuses années la teneur en calcaire du sol allait s’opposer à la reconstitution du vignoble. Cette situation a conduit à l’exode des viticulteurs et à l’immigration des éleveurs de Vendée et des Deux-Sèvres, attirés par le prix de vente peu élevé des propriétés agricoles. Ils introduisent des cultures nouvelles, notamment sur les terrains jurassiques appelés "groie" où les cultures les plus variées, notamment les céréales et les cultures fourragères, réussissaient parfaitement. Ils apportent également avec eux leurs habitudes alimentaires et gros consommateurs de beurre développent cette production.

 

Quand la vigne put réapparaître grâce aux plants venus d’Amérique, l’élevage avait remplacé la vigne comme activité principale. La création, en 1888, de la première laiterie coopérative près de Surgères par un agriculteur de la région, Eugène Biraud, marque le point de départ du développement de la production beurrière. En 1900, 95 coopératives fonctionnent dans la région et sont regroupées dans l’Association Centrale des laiteries coopératives des Charente et du Poitou, constituée dès 1893.

 

Aire géographique :

L’Appellation d’Origine "Beurre Charentes-Poitou" est réservée aux beurres élaborés dans les ateliers situés dans les départements de la Charente, de la Charente-Maritime, des Deux-Sèvres, de la Vendée et de la Vienne.

À cette Appellation d’Origine peut être substituée celle de "Beurre des Charentes", pour les beurres élaborés dans les départements de la Charente ou de la Charente-Maritime, ou celle de "Beurre des Deux-Sèvres", pour les beurres fabriqués dans le département des Deux- Sèvres.

Le lait et la crème utilisés pour l’élaboration du beurre bénéficiant d’une des Appellations d’Origine mentionnées ci-dessus doivent être produits dans ces départements ainsi que dans quelques communes limitrophes (cf. liste des communes article 2 du décret du 29 août 1979). »

 

Source Cahier des charges « Beurre Charentes-Poitou, Beurre des Charentes, Beurre des Deux-Sèvres »

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