Pour Hugues Chapon, il s’agissait d’une sorte de baptême du feu : présider sa première assemblée générale des Etapes, lui qui a succédé voilà peu à Pierre Hitier, président fondateur de l’association, en 1996. Exercice réussi pour le viticulteur d’Ozillac (17) qui s’est montré tel qu’en lui-même, sans arrogance mais sans langue de bois non plus. Il croit en l’œnotourisme comme vecteur de développement de l’économie locale. Y compris quand les affaires vont bien. « C’est justement en situation de non-crise qu’il convient d’investir. »
Adhérent de l’association depuis huit ans, il a développé, en soutien à sa propre activité de vente en bouteille, tout un chapelet d’initiatives : sentier du vigneron, balades nocturnes dans le vignoble, petit déjeuner du bouilleur de cru… Il faut dire qu’il a pour père Didier Chapon, invétéré conteur devant l’éternel et que les Thermes de Jonzac sont à peine à un jet de pierre de l’exploitation. Hugues Chapon fait aussi partie de la petite tribu de viticulteurs (trices) très actifs sur les réseaux sociaux, les Thomas Quintard, Caroline Quéré-Jélineau, Lionel Gardrat… « On se rend compte qu’il est en train de se passer quelque chose de ce côté-là » souligne-t-il. Le même se réjouit que Les Etapes portent dans leur ADN la notion de réseau.
« Les Etapes du Cognac arrivèrent alors que toutes les autres régions viticoles avaient déjà créé leur route des vins « bête et méchante », en apposant des numéros sur les portes de vignerons. Notre force, aux Etapes, c’est justement de pouvoir nous renvoyer mutuellement des clients mais aussi de croiser nos compétences, nos savoir-faire. »
Les Etapes, un creuset, un outil d’ac-compagnement pour tous ceux que l’œnotourisme intéresse. Pourtant le nouveau président s’interroge : les trois produits viticoles que sont le Cognac, le Pineau et les Vins de pays charentais nourrissent-ils une vision stratégique pour l’œnotourisme ? Certes, le BNIC soutient fermement Les Etapes. Tous les ans, l’interprofession du Cognac alloue une subvention de 30 000 €, ce qui en fait le plus gros contributeur, derrière les Conseils généraux 16-17 (chacun 20 000 €)… Malgré tout, les professionnels cognaçais ne se sont jamais vraiment positionnés sur l’œnotourisme. « Cela fait très longtemps qu’il n’y a pas eu une discussion claire sur la volonté de communiquer autour de l’œnotourisme » constate avec regret Hugues Chapon. Il appelle de ses vœux une prise de position de l’interprofession du Cognac sur le sujet avant la fin d’année (voir le témoignage d’Eric Bilhouet, vice-président de la Commission communication du BNIC). Même chose pour le Pineau et les Vins de pays charentais. Dans le même esprit, le conseil d’administration des Etapes souhaite ouvrir ses rangs à des représen-tants du Pineau et des Vins.
Des actions d’accompagnements
Les Etapes du Cognac comptent 153 adhérents, 82 viticulteurs et 71 non-viticulteurs. En 2013, les trois permanentes de l’association (Delphine Boyer, chargée de développement, Emilie Baudry, chargée de communication, Marie Robion responsable de l’administratif), en plus d’actions diverses et variées, ont procédé à 15 accompagnements : 8 pour la mise en place d’animations, 5 pour le développement des réseaux sociaux, 2 pour un parcours œnotouristique général (création de boutique…). En partenariat avec la Chambre d’agriculture, une formation à l’anglais a été mise en place, suivie par 16 participants, en deux groupes, sur 24 séances de travail d’une demi-journée. « De manière ludique, les viticulteurs ont appris à présenter leur exploitation en langue anglaise. » En 2015, à condition d’avoir assez de candidats, la même chose pourrait se faire sur le vocabulaire lié aux vins, aux spiritueux, à la dégustation. « Le tourisme est en train de changer, note H. Chapon. Il se professionnalise. Nous devons accompagner nos adhé-
rents dans cette démarche de professionnalisation. »
La toile, incontournable
Stéphanie Tonon, la directrice de l’office de tourisme de Cognac, ne dit pas autre chose. Elle aussi met l’accent sur le numérique. « A 90 %, les gens, quand ils veulent s’informer sur leur prochaine destination, passent par internet. Si l’on n’est pas visible sur le net, ce n’est presque plus la peine de vouloir être un acteur du tourisme. » Par ailleurs, elle estime, avec beaucoup d’autres, que l’on ne peut pas capter le touriste avec le seul produit d’appel de la dégustation. « Ce n’est pas suffisant. Il faut leur proposer autre chose, des animations. » Pour elle, l’offre qualitative, c’est celle qui répond aux attentes des visiteurs, à la fameuse petite phrase – « J’ai envie de… » – de plus en plus souvent mise en exergue sur les sites des offices de tourisme. Après, rien n’empêche de s’organiser pour leur proposer des « packages » plus ou moins complets, d’une demi-journée, d’une journée, de deux jours. « Dans nos établissements, nous rencontrons deux types de clients, note S. Tonon, ceux qui ne connaissent rien, qui viennent dans la région parce qu’il ne fait pas beau sur la côte ; et ceux qui ont envie d’en savoir plus, d’aller plus loin. C’est notre travail de les guider, de les renvoyer sur des « expériences Cognac » plus complètes. »
Pôle touristique
Le projet d’un grand pôle touristique regroupant les cinq offices de tourisme de Cognac, Jarnac, Segonzac, Rouillac et Châteauneuf est à l’étude (voir encadré).
Parce que c’est quelqu’un de pragmatique, Stéphanie Tonon rappelle aussi deux ou trois conseils de bon sens en matière d’accueil. « Si l’on ne sait pas parler un minimum d’anglais, c’est franchement très problématique de recevoir des touristes. A l’OT de Cognac, 40 % de nos visiteurs sont des étrangers. Par ailleurs, sans parler d’équipements grandioses, il faut posséder un endroit sympathique où les recevoir. »
Le 15 mai dernier, la région a obtenu le renouvellement du label « Vignobles & Découvertes, Destination Vignoble de Cognac » obtenu une première fois en 2011. Porté par les Etapes, soutenu par le BNIC et les professionnels du tourisme (Agences de développement touristique 16 et 17), ce label signe une reconnaissance des actions du territoire (mise en réseau des acteurs…), avec l’objectif d’offrir plus de lisibilité aux clients. Ainsi participe-t-il à la définition d’une stratégie de communication, encore à écrire dans la région délimitée Cognac.
Les Etapes : une gestion serrée
La part des subventions reste prépondérante dans le budget des Etapes du Cognac. La déclinaison des cotisations par « pack » va permettre une meilleure visibilité de l’offre.
En 2013, le budget de l’association s’est élevé à 127 179 euros. Ce budget, serré, ne laisse guère de place à l’improvisation. Autant dire que la maîtrise des charges est à l’ordre du jour. Sur ce montant, les subventions ont représenté, sur le dernier exercice, 106 734 €. Elles se déclinent de la manière suivante : 29 900 € pour le BNIC ; 21 000 € du Conseil général 16, au titre du Contrat de Cohésion, et 20 000 €du Pays Ouest Charentes ; 23 834 € de la Communauté de communes de Haute Saintonge, 12 000 € du Conseil général 17 au titre des Nouvelles Actions. La Région Poitou-Charentes avait suspendu sa participation. Elle pourrait la reprendre, sous une forme différente, non plus pour financer du fonctionnement mais de l’investissement sur projet. Autre signe encourageant : des subventions ont été revues à la hausse. Quant aux cotisations des adhérents, elles se sont élevées en 2013 à 18 931 €, en augmentation de 1 500 €.
Le conseil d’administration des Etapes a mené une réflexion sur le niveau de cotisation. En plus d’une légère augmentation, actée (4 € sur la cotisation de base) et d’un système de parrainage, pour booster les adhésions, a été échafaudé un système de cotisation différencié, par « pack ». Au pack de base classique à 180 €, donnant accès aux services essentiels (Guide des bonnes adresses, plaque d’accueil, labellisation du site…), viendrait s’ajouter un pack animation à + 20 € (Mardis du Cognac, Distilleries en fête…) et, pourquoi pas, un pack ++, encore baptisé « Pack projet » pour créer une boutique, développer un circuit à thème, refondre son site web… Si elle ne soulève pas d’opposition formelle, cette proposition de pack est encore en discussion.
L’adhésion annuelle des maisons de Cognac s’élève, elle, à 240 € (place privilégiée dans les guides), tandis que les hébergeurs acquittent 92 €.
Une centrale de réservation en ligne est dans les tuyaux. En tout cas, il s’agit d’une demande des adhérents. « Faut-il encore trouver un système à faible coût » dit-on aux Etapes. « Certes répond Yves Adol, président du Cercle hôtelier de Cognac et membre du conseil d’administration des Etapes, mais nous devons faire vite. Aujourd’hui, le business se fait de cette façon. »
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