Les Jeunes Agriculteurs secouent la filière Cognac : l’UGVC s’aligne, le négoce répond

28 mai 2025

Nina Couturier

La lettre ouverte des JA communiquée vendredi 23 mai provoque une séquence de réactions au sein de la filière. L’UGVC se repositionne, le SMC répond à l’UGVC sur le fond.

Une interpellation directe des Jeunes Agriculteurs de Charente et Charente-Maritime, adressée aux principales instances de la filière Cognac vendredi dernier, déclenche une série de prises de parole. Alors que l’UGVC, affiche un soutien revendiqué aux JA tout en mettant ses initiatives en avant, le SMC répond à ce dernier rappelant les chiffres, les engagements, tout en appelant au dialogue.

Rappel des faits : une interpellation directe venue du terrain

Le 23 mai dernier, les syndicats Jeunes Agriculteurs de Charente et de Charente-Maritime ont adressé un courrier commun au SMC, à l’UGVC et au BNIC afin d’exprimer leur « colère » face à une crise qu’ils jugent durable et à une absence de mesures concrètes. Leurs revendications : une prise de position publique des instances, un soutien économique immédiat, et une refonte du fonctionnement des structures de gouvernance. Les JA dénoncent le silence des syndicats et institutions et certaines pratiques du négoce (réductions ou ruptures de contrat) avec un ton direct, sans détour. La lettre se conclut pour rappel avec la possibilité d’actions collectives si aucune réponse n’était apportée.

Pour aller plus loin : https://lepaysanvigneron.com/cognac-les-jeunes-viticulteurs-denoncent-linaction-des-instances/

Un repositionnement stratégique de l’UGVC

En réponse, le 27 mai, l’Union Générale des Viticulteurs pour l’AOC Cognac publie une lettre ouverte intitulée « Unie, la viticulture refuse d’être la variable d’ajustement ».

Ce texte, diffusé quelques jours après la lettre des Jeunes Agriculteurs, affiche une volonté de convergence avec les préoccupations de la jeune génération. L’UGVC y exprime sa « pleine et entière solidarité » avec les JA, reconnaît leur détresse, et affirme partager depuis dix ans les mêmes combats. Le syndicat rappelle ainsi son engagement dans les grandes mobilisations passées, notamment contre « les vautours » ou lors de la manifestation du 17 septembre.

Au-delà du registre de la solidarité, l’UGVC met en avant les actions qu’elle revendique face à la crise actuelle, le VCCI en tête. La création rapide du Volume Complémentaire Cognac Individuel (VCCI) est présentée comme une réponse concrète à la baisse de visibilité des exploitations. Elle souligne également avoir mobilisé un ensemble de partenaires extérieurs – établissements bancaires, centres de gestion, MSA, Banque de France, services de l’État – en affirmant que ceux-ci sont désormais « conscients de la situation » et prêts à accompagner les viticulteurs.

L’UGVC aborde aussi la question contractuelle en affirmant avoir mis en place un groupe de suivi dédié aux litiges, et en revendiquant des échanges directs avec les maisons dénonçant abusivement leurs contrats. Elle s’oppose explicitement à ce que la viticulture devienne une simple variable d’ajustement pour le négoce. Le syndicat questionne publiquement les maisons sur leur stratégie : faut-il gérer la crise par la réduction des achats ou par une reconquête commerciale ? Comment envisager un partage de valeur alors que les viticulteurs ont accepté une réduction de rendement plus importante que la baisse des expéditions ? Et quelle vision pour le renouvellement des générations ?

A noter, cette prise de parole intervient dans un contexte où les Jeunes Agriculteurs, quelques jours plus tôt, avaient exprimé une critique ouverte quant à l’inaction des instances représentatives, UGVC comprise. Le ton et une partie des formulations employées dans le communiqué du 27 mai témoignent d’une convergence avec le message initial des JA. En reprenant certains éléments de leur diagnostic, tout en mettant en avant ses propres actions, la question de la réappropriation d’une partie du discours porté par la base est posée par certains. Les semaines à venir permettront alors de confirmer ou d’infirmer cette crainte.

Un syndicat du négoce rappelant la responsabilité partagée et l’équilibre paritaire dans la prise de décision viticulture/négoce

C’est en réponse à la publication de l’UGVC que le Syndicat des Maisons de Cognac (SMC) partage également sa position face aux attaques portées par voie de presse. S’attachant d’abord à rappeler la co-responsabilité des représentants de la viticulture et du négoce, Eric Le Gall, président du syndicat du négoce met en avant les efforts consentis par les maisons depuis trois campagnes.

Malgré une baisse continue des expéditions (–22 % entre 2022 et 2024), les achats ont été maintenus à un niveau supérieur aux besoins réels : 750 000 hl AP achetés pour 480 000 hl AP sortis sur la campagne en cours, soit un écart de +50 %. Ces volumes excédentaires constituent, pour le SMC, un acte de solidarité concrète envers la viticulture, rendu d’autant plus coûteux par la remontée brutale des taux d’intérêt. L’impact financier est estimé à 350 millions d’euros par an, supportés par les maisons. Ce soutien « silencieux », mais conséquent, s’inscrit dans une logique de stabilité collective.

Le SMC revient également sur le Volume Complémentaire Cognac Individuel (VCCI), en insistant sur le fait que ce dispositif n’est pas le fruit d’une initiative unilatérale, mais bien d’un accord construit en commun avec les représentants de la viticulture, dans le cadre des instances interprofessionnelles. La mobilisation rapide des partenaires publics et financiers autour de cette mesure est, selon lui, une démonstration concrète de l’efficacité du dialogue codécisionnel.

Conscient néanmoins des tensions actuelles, le SMC rappelle les limites juridiques qui encadrent les relations commerciales individuelles. Il précise qu’aucune instance, y compris interprofessionnelle, ne peut intervenir dans les décisions d’achat ou de prix des maisons, sous peine de contrevenir au droit de la concurrence. En revanche, un rappel formel à l’éthique des pratiques d’achat a été adressé à ses membres dès février. Le syndicat se dit attentif aux situations remontées du terrain, mais réaffirme qu’il ne peut se substituer aux entreprises elles-mêmes.

Enfin, dans un esprit d’apaisement et de responsabilité collective, le SMC appelle à un échange direct déplorant que certaines prises de position publiques nourrissent une opposition entre les familles professionnelles, alors que le socle même de l’appellation repose sur leur complémentarité.

A Eric Le Gall de rappeler la volonté du négoce de réitérer sa « proposition d’un échange direct, transparent et constructif. Une réunion de travail peut être organisée dans les prochains jours, à votre convenance, afin de clarifier les points de divergence et d’avancer collectivement. »

Divergences de fond et appel à méthode

Au-delà des échanges de surface, les courriers révèlent des divergences profondes sur la lecture de la crise. Les JA posent un diagnostic de rupture : ils estiment que les structures actuelles ne défendent plus efficacement les producteurs. Le SMC répond avec une logique de responsabilité partagée et de continuité interprofessionnelle. L’UGVC, quant à lui, cherche à concilier cette critique du négoce et la valorisation de son action.

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