Le 26 octobre dernier, le conseil de direction de l’ONIVINS a donné son feu vert aux 200 hl/ha (130 + 70) pour les vignes « autres » inscrites dans le Schéma d’avenir du vignoble charentais. Une décision « sans surprise » mais non sans importance. Elle lève ce qui aurait pu être l’obstacle majeur au processus de changement.
Yves Dubiny a le triomphe modeste. « Cette décision s’inscrit dans un processus normal dit-il. Le conseil spécialisé des vins de pays à l’ONIVINS avait avalisé le principe des hauts rendements appliqué aux Charentes et, comme prévu, le conseil de direction de l’ONIVINS a confirmé la proposition. » Le 26 octobre dernier, ses membres ont voté à l’unanimité pour les 200 hl/ha (130 + 70), comme ils l’auraient sans doute fait le 13 juillet – date du précédent conseil de direction – si les délais n’avaient pas été si courts avec le conseil spécialisé VDP du 30 juin.
Le représentant des Charentes au conseil de direction de l’ONIVINS (*) évoque une période très favorable à ce genre de décision. « Peu ou prou, tout le monde cherche à compenser la perte de revenu par les rendements. » Il signale aussi l’appui qu’il a trouvé auprès d’autres membres du conseil de direction comme Jean Huillet (président de la Confédération française des vins de pays) ou Pascal Frissan (Confédération paysanne). Des gens qui, au départ, n’étaient pas forcément acquis à l’idée. Pierre Aguilas et Jean-Louis Piton ont également apporté leurs soutiens. Membres de l’ONIVINS au titre de leurs régions respectives – Val de Loire et Paca – ils connaissent bien la région délimitée. Pierre Aguilas a d’ailleurs présidé la commission d’enquête INAO qui s’est déplacée à Cognac. D’où leur sensibilisation au dossier. Et ce n’est qu’en insistant qu’Yves Dubiny consent à évoquer son rôle. « Je ne fus que le porte-parole. Mon seul mérite fut peut-être de me montrer toujours très positif au sujet de la réforme. Les critiques n’étaient pas de mon fait. Auprès des membres de l’ONIVINS, je me suis attaché à démontrer que nous n’étions pas assez bêtes pour produire du vin sans débouché. Car la grande crainte des autres régions était que les Charentes encombrent le marché des vins blancs. »
Les hauts rendements ne concernent-ils que les Charentes ? Oui. Il faut dire que le Midi a déjà obtenu les 130 hl/ha sur ses vins de table. Par contre les jus de raisin qu’il réclamait au-dessus lui ont été refusés, en sachant que les exploitations qui ne produisent que des vins de table (pas de vins de pays) ne connaissent pas de limites de rendement. Sans dévoiler les secrets des délibérations, il semblerait qu’aux côtés des Charentes l’Armagnac ait demandé à participer au groupe de discussion sur la sortie de l’article 28.
Yves Dubiny se l’est fait confirmer par le ministère et a transmis l’information au dernier comité permanent du BNIC. A ce jour et conformément à ce qui toujours été dit, les 200 hl/ha se déclinent bien en 130 hl de vin et 70 hl de non-vin, sans ambiguïté. Maintenant, verra-t-on un jour ces 130 + 70 se transformer en 200 hl tout court, au nom d’une interprétation qui consisterait à destiner ces 70 hl non plus à du non-vin mais à des « débouchés industriels » ? C’est le souhait de certains dont, au premier chef, les élaborateurs de brandies et sans doute des élaborateurs de vins de base mousseux qui souhaiteraient bien s’engouffrer dans la brèche. Antoine Cuzange, président de l’Union syndicale, porte-parole naturel de la Fédération des brandies présidée par Jean-Paul Latreuille, se fait le défenseur de cette thèse. « Concernant les 70 hl/ha, il y a deux interprétations possibles. Soit l’on considère que ces volumes n’ont pas vocation à être fermentés et doivent donc demeurer en moûts pour faire du jus de raisin ou du sucre ; soit on admet une interprétation un peu plus large à l’instar des DPLC. Ils peuvent être transformés en vin, mais pour des usages exclusivement industriels dont la distillation. A l’évidence, il ne s’agirait pas de produire une eau-de-vie des Charentes mais une eau-de-vie de vin d’origine indéterminée. Et pour fonctionner, ce schéma devrait-il encore démontrer son intérêt économique et notamment sa capacité à rivaliser en prix avec les jus de raisin. »
« c’est interprétable » !
A. Cuzange est cependant enclin à considérer que la philosophie des fonctionnaires n’est pas arrêtée sur le sujet. « C’est interprétable » ! Surtout il conteste farouchement l’idée selon laquelle l’interprofession du Cognac pourrait s’opposer à cette piste. « Ce serait de la pure ingérence. Autant l’intervention de l’interprofession se justifie sur les ha affectés au Cognac, autant elle serait déplacée sur les vignes “autres”. Ces dernières, en tant que vignes produisant des vins de table, relèvent du strict domaine de compétence de l’ONIVINS. Si ingérence il devait y avoir, alors nous nous préoccuperions du sort des excédents Cognac, qui, selon les vœux de l’interprofession, ne doivent pas faire autre chose que du biocarburant. Ce serait un échange de mauvais procédés. »
Que pense la viticulture de ces questions ? En ce qui le concerne, Yves Dubiny s’avoue partagé. « Dans mon esprit, j’imaginais que les brandies puissent s’approvisionner sur les 130 hl/ha, ce qui est d’ores et déjà possible pour faire du distillat. Ainsi ma première réaction était plutôt négative. Et puis, à bien y réfléchir, pourquoi ne pas produire de brandies avec les 70 hl restant. Cette solution aurait le mérite de donner un avantage supplémentaire à l’affectation “vignes autres”. Par ailleurs, elle conférerait de la souplesse au viticulteur qui a besoin de volumes pour faire le tri de ses vins de distillation. Jusqu’au 31 mars, le vin destiné au brandy connaîtrait le même itinéraire technique que les vins Cognac. » Un débat régional sur ce thème est prévu courant décembre au sein de l’interprofession.
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